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Web 2.0 - Les villes numériques passent de la réflexion à l'action

La ville de demain s'imagine aujourd'hui. En rapprochant hommes, technologies, territoires, institutions et entreprises, de nouveaux acteurs veulent inciter les municipalités à davantage d'innovation. Trois expérimentations, quatre ouvrages et des forums régionaux devraient les y aider en 2009.

La Fondation internet nouvelle génération (Fing) réunissait le 8 janvier plus de 200 personnes au 104, le nouveau lieu culturel du XIXe arrondissement de Paris, pour sa manifestation de clôture de Villes 2.0. Lancé il y a deux ans avec le groupe Chronos et le cabinet de conseil Tactis, ce programme entendait faciliter la rencontre entre acteurs traditionnels de la ville (entreprises, collectivités, associations du secteur social) et innovateurs du numérique. Il visait ainsi à anticiper les transformations urbaines autour de concepts clés comme la mobilité durable et l'innovation ouverte dans une approche participative issue du Web 2.0. Avec 1.500 participants aux 25 ateliers et conférences de créativité avec des écoles d'ingénieurs multimédia ou de design, sans oublier 30 interventions publiques dans une quinzaine de villes, les objectifs semblent avoir été atteints sinon dépassés. "Il s'agit désormais de s'attaquer à la réalité, de s'appliquer à nous-mêmes ce que nous préconisons, d'aller sur le terrain, de mobiliser pour lancer des expérimentations concrètes", a lancé Thierry Marcou, responsable de Villes 2.0. L'exposition intitulée "La Rue 2.0" a montré une vingtaine de projets déjà en cours d'élaboration, dans le hall adjacent à la salle de conférence.

 

Trois expérimentations porteuses en 2009

Créés notamment en partenariat avec Alcatel Lucent, la Caisse des Dépôts, faberNovel, JCDecaux, Laser, Orange, le ministère de l'Ecologie, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et la RATP, ces initiatives devraient ouvrir de nouvelles voies pour intégrer le numérique à la transformation durable des villes.
Inspiré d'une expérimentation menée à Helsinki, le Citywall est un nouveau média urbain de communication, de service et d'échange entre les habitants et les visiteurs de la ville. Il prend la forme d'un grand écran interactif tactile, installé dans l'espace public, qui peut être activé par plusieurs personnes à la fois, agissant de concert ou de manière indépendante. La ville de Marseille aurait déjà marqué son intérêt pour cette initiative, dans le cadre de son programme de Capitale européenne de la culture.
A l'image des expériences menées à Londres, New York et San Francisco, le projet "Montre verte" est un dispositif personnel communiquant équipé de deux capteurs environnementaux (CO2, bruit) et d'une puce GPS. L'appareil se présente sous la forme d'une montre que son porteur emmène avec lui dans la ville, capturant et stockant des mesures qui sont ensuite publiées sur une plate-forme ouverte, Citypulse, qui reçoit et rend disponible les données de mesure. Ces dernières, totalement anonymes, peuvent être exploitées librement pour être projetées sur des cartes, utilisées dans des modèles, etc. Les villes de Paris, Montreuil et plus largement de la région francilienne pourraient s'impliquer dans ce projet.
Enfin, Scan the City propose, avec faberNovel, la création d'une plate-forme ouverte et partagée de mise à disposition, d'exploitation et de représentation cartographiques en 3D des données urbaines en temps réel. Ce projet s'appuie sur l'expérimentation Urban Mobs de la "cartographie des émotions populaires" réalisé par les Orange Labs (ex-France Télécom R&D) lors de la fête de la musique à Paris ou lors de la finale de l'Euro 2008 à Barcelone, inspiré des travaux du Massachussets Institute of Technology (MIT) qui l'avait mis en oeuvre à Rome.

 

Alliance entre ville traditionnelle et numérique

En 2009, la Fing veut donc continuer à mobiliser l'ensemble du territoire dans cette volonté de transformation urbaine. Pour cela, au moins quatre forums régionaux seront organisés dans toute la France, en association avec les régions et agglomérations à Marseille, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Paris, Nantes et Rennes, notamment. Ils réuniront des acteurs urbains publics, privés et associatifs pour partager les pistes de réflexion ouvertes par Villes 2.0 et les croiser avec certaines priorités innovantes locales. Car "la ville 2.0 existe déjà, ou du moins nous en sommes à la ville 1.9 !", a plaisanté Daniel Kaplan, délégué général de la Fing.
A Romans-sur-Isère (Drôme), par exemple, la commune de 35.000 habitants compte plus d'une centaine de blogs (dont 30 actifs) et même un millier de Skyblogs d'adolescents. 1.450 Romanais sont présents sur les réseaux sociaux (Facebook, Viadeo, LinkedIn). 400 sites web locaux sont recensés sur le portail de la ville. 400 vidéos sont étiquetées sur Dailymotion. De nouveaux acteurs comme Google, des sites de particuliers comme Rouletaville à Saint-Maur-des-Fossés, les encyclopédies participatives en ligne comme Wikipédia, changent les rapports entre ville réelle et territoire virtuel. "Le désengagement financier de l'Etat, le découplage entre objet et service comme pour la voiture (cf. "Autolib"), le droit à une mobilité durable pour tous, la complexité croissante de territoire en extension et désynchronisé ainsi que l'évolution irréversible de la place de l'usager/citoyen/citadin seront les cinq moteurs de l'innovation qui s'annonce", a prévenu le sociologue Bruno Marzloff (Cabinet Chronos). Helsinki, Barcelone, San Francisco ou Londres font déjà partie de cette "Champion League" des villes 2.0. Que feront Paris et nos grandes capitales régionales pour s'inscrire dans cette dynamique en 2009 ?

 

Luc Derriano / EVS

 

Quatre ouvrages de référence

Issus du travail effectué durant l'étape de réflexion du programme Villes 2.0, plusieurs livres ont été rédigés. Les éditions Fyp ont créé avec la Fing une collection dédiée, "La fabrique des possibles", pour présenter l'ensemble de la démarche. Trois textes de synthèse sont disponibles dès janvier. Le quatrième est annoncé pour avril prochain.
- "La ville 2.0, plateforme d'innovation ouverte", de Daniel Kaplan et Thierry Marcou, s'appuie sur les centaines d'initiatives individuelles, entrepreneuriales ou associatives et propose "un cahier des charges pour une dynamique d'innovation urbaine ouverte".
- "Pour une mobilité plus libre et plus durable", des mêmes auteurs, explique une nouvelle voie qui s'appuie sur l'innovation et la créativité, sur l'énergie et le désir des individus, sur le partage autant que sur les politiques publiques pour répondre aux problèmes de congestion, de pollution et de prix de l'énergie des transports en zone urbaine.
- "La ville 2.0 complexe... et familière", de Fabien Eychenne, veut comprendre comment favoriser l'accès à la cité grâce au numérique et faire des TIC un facteur du lien social.
- "Le 5e écran et la fabrique des services urbains" (à paraître), se veut un "traité d'écologie informationnelle de la ville et d'éthique de la communication", à l'heure de la multiplication des formes de dialogue entre mobiles, écran, hommes et ville, tour à tour récepteurs et émetteurs.
Chaque ouvrage est disponible au prix de 14,90 euros.