Archives

Transports - Les villes moyennes craignent de regarder passer les trains

Au cours d'une conférence de presse le 8 mars, l'association Villes de France, qui rassemble les élus des villes moyennes et de leurs agglomérations, a dénoncé le risque de fracture territoriale lié à l'abandon de certaines dessertes TGV ou Intercités. Elle réclame d'urgence un schéma national de desserte ferroviaire qui prenne en compte les besoins des habitants des bassins de vie concernés. Elle propose aussi d'accélérer l'ouverture à la concurrence des trains Intercités.

Pour les élus de Villes de France, le modèle ferroviaire est engagé sur une mauvaise pente. "Jamais dans l'histoire ferroviaire, les villes moyennes n'ont eu à connaître un tel désengagement de la part de la SNCF", a prévenu Caroline Cayeux, présidente de Villes de France et sénateur-maire de Beauvais, au cours d'une conférence de presse le 8 mars. A la veille de la grève nationale des transports - un pur hasard du calendrier -, les élus présents ont dénoncé les risques qui pèsent aujourd'hui sur les dessertes de nombreuses villes moyennes, qui représentent pourtant 60% de la population, a souligné Caroline Cayeux.

Suppressions de TGV

Dans plus d'une quarantaine de ces villes, qui comptent de 20.000 à 100.000 habitants avec leurs intercommunalités, la réorganisation de la desserte TGV en cours depuis plusieurs mois a conduit à la suppression de dessertes journalières ou de la seule desserte subsistante, voire dans le meilleur des cas, à la substitution de la desserte TGV avec un rabattement organisé par TER, à partir de la métropole la plus proche, a noté Villes de France. "La SNCF ne raisonne plus qu'en termes de remplissage origine-destination avec des liaisons de métropole à métropole, déplore la présidente de l'association d'élus. Cela entraîne des ruptures de charge, une perte d'attractivité de nos bassins de vie avec des difficultés d'accès à l'emploi et aux services pour nos habitants et constitue une atteinte profonde à l'aménagement du territoire."
L'agglomération d'Arras, par exemple, dont la gare est classée 24e au niveau national, avec un trafic annuel de 3,7 millions de passagers, a connu la suppression d'une desserte TGV journalière en 2015 et risque la même chose cette année. Le chef-lieu du Pas-de-Calais a ainsi vu sa desserte TGV passer de 33 fréquences par jour dans les années 1990 à 11 aujourd'hui, a rappelé son maire, Frédéric Leturque. D'autres villes de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, comme Douai, n'en finissent pas de subir des suppressions de dessertes TGV : en 20 ans, la desserte globale sur la LGV Paris-Nord a été divisée par trois.
Pour cause de travaux pendant quatre mois, trois arrêts TGV sur quatre sont supprimés cette année à Colmar. Sa voisine Mulhouse, elle, a vu tous ses arrêts supprimés. Une situation que fustige Gilbert Meyer, maire et président de la communauté d'agglomération de Colmar. "Notre ville accueille 3,5 millions de touristes par an pour 70.000 habitants et nous avons co-investi 12 millions d'euros dans la ligne à grande vitesse et 15 millions d'euros dans les travaux d'aménagement de la gare, rappelle l'élu. L'argument de la SNCF pour nous inciter à participer au financement de la grande vitesse était de nous aider à désenclaver notre région. Et aujourd'hui, tous les engagements contractuels qui ont été pris sont effacés sans explication." A ce stade, l'élu alsacien n'a pas exclu d'aller au contentieux avec la SNCF.

Menaces sur les Intercités

Alors que le gouvernement a présenté le 19 février dernier un nouveau point d'étape sur la feuille de route pour l'avenir des trains Intercités ou trains d'équilibre du territoire (TET) dont la fréquentation a chuté de 20% depuis 2011 et qui accusent un déficit d'exploitation de 400 millions d'euros, Villes de France craint là encore un abandon de dessertes. A Montargis, par exemple, l'Intercités Paris-Nevers-Clermont est déjà passé de huit dessertes quotidiennes à "cinq ou six et seulement une ou deux le week-end", quand le train n'est pas "supprimé sans prévenir" comme ce fut encore le cas dimanche, a déploré Jean-Pierre Door, député-maire de cette ville du Loiret, qui se situe dans la zone d'influence de l'Ile-de-France.
"Nous ne voulons pas d'une France à deux vitesses, avec uniquement la desserte des 13 métropoles, mais une irrigation de tout le territoire", a souligné Caroline Cayeux avant de présenter les propositions de Villes de France pour les grandes lignes ferroviaires. L'association réclame ainsi un schéma national de desserte ferroviaire. Etabli en concertation avec les régions et les villes, il articulerait l'ensemble des lignes entre elles (TER-TET-TGV). Dans ce cadre, "l'Etat doit donner plus de visibilité à l'offre à destination des villes moyennes", soutient l'association. Elle demande aussi à l'Etat de donner "plus de visibilité à l'offre à destination des villes moyennes". En tant qu'autorité organisatrice des transports au niveau national, Villes de France juge aussi "urgent" que l'Etat "accorde un second souffle à la filière ferroviaire en mettant à contribution les autres modes de transports dans le financement du système d'infrastructure, mais aussi en faisant appel à d'autres opérateurs pour une offre plus compétitive".
Enfin, Villes de France demande aussi l'accélération de l'ouverture à la concurrence des trains Intercités - qui n'est pas envisagée actuellement avant 2019 - et l'ouverture de concessions pour les lignes abandonnées.