Archives

Traité de Rome - Les villes et l'Europe : un mariage de raison

L'Association des maires de grandes villes de France organisait le 27 mars à Lyon un séminaire sur les cinquante ans du Traité de Rome. L'occasion de s'interroger sur le rôle et l'avenir des collectivités territoriales au sein de l'Union européenne.

Cinquante ans après la signature du Traité de Rome, plus des deux tiers des décisions prises à Bruxelles ont un impact sur la vie locale. Parce que l'avenir de l'organisation et de l'administration des services publics locaux va se jouer au niveau européen, les collectivités se sont organisées depuis quelques années pour mieux peser dans les discussions. Fin 2005, plusieurs associations d'élus, l'Association des maires de France (AMF), l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), l'Assemblée des départements de France (ADF), la Fédération des maires des villes moyennes (FMVM) et l'Association des petites villes de France (APVF) se sont regroupées sous un même toit en créant la Maison européenne des pouvoirs locaux français à Bruxelles. Cette structure est chargée de représenter ses membres auprès des institutions européennes, d'analyser les textes européens et les enjeux communautaires. A la veille de rendez-vous importants, l'AMGVF a organisé le 27 mars un séminaire pour s'interroger sur l'avenir des collectivités territoriales dans l'Union européenne : les villes et les régions d'Europe sont en effet invitées à participer à la consultation sur l'"Agenda territorial de l'Union européenne" qui doit être adopté lors d'une conférence informelle des ministres européens sur la cohésion territoriale et le développement urbain qui aura lieu à Leipzig en mai 2007. Cet agenda vise à rendre plus cohérente l'approche du développement territorial dans la politique régionale européenne. Il consiste en une série de recommandations destinées à mieux prendre en compte la diversité des territoires dans la répartition des fonds structurels.

 

Le "lobbying" ne doit pas se limiter à Bruxelles

"D'un côté, il y a les textes législatifs, estime Jean-Michel Daclin, adjoint au maire de Lyon et président de la commission Europe de l'AMGVF. De l'autre, il y a la réalité du terrain, et dans les faits, les villes sont des acteurs incontournables pour l'Union européenne." Preuve en est le nombre croissant de sollicitations faites par l'Union européenne aux villes : sécurité, intégration, développement durable... Selon lui, il reste des batailles à mener pour les collectivités, notamment sur le principe de subsidiarité ou sur les services publics depuis l'adoption de la directive Services en novembre 2006. Sur ce dernier point, la Maison européenne des pouvoirs locaux français a adopté une position en juillet 2006 et a plaidé pour un traitement distinct des services d'intérêt économique général au niveau communautaire. Mais d'après Jean-Michel Daclin, le "lobbying" des collectivités ne doit pas se limiter à Bruxelles : "On doit se faire entendre au niveau européen bien sûr, mais aussi et surtout sur le territoire français. A l'heure actuelle en France, les grandes villes sont toujours en dehors des consultations, c'est surréaliste !",  s'indigne-t-il. Une carence qui sera bientôt comblée puisque les membres de la Maison des pouvoirs locaux ont obtenu de pouvoir rencontrer régulièrement le gouvernement pour se tenir informés des grands projets en préparation à Bruxelles.

 

Un "comité de consultation"

En dehors de la Maison des pouvoirs locaux, les collectivités françaises disposent d'une autre instance représentative : l'Association française du conseil des communes et régions d'Europe (AFCCRE). Celle-ci a récemment publié une déclaration dans laquelle elle propose la création d'un comité de consultation des collectivités territoriales sur les questions européennes, avec une triple mission : une fonction consultative, une fonction d'échanges et d'harmonisation des points de vue entre l'Etat et les collectivités, et une mission de proposition et d'orientation. Parfois, l'initiative vient des villes elles-mêmes. Plusieurs métropoles européennes, dont Lyon, vont par exemple lancer un appel d'offres conjoint qui portera sur la construction d'un véhicule propre. "Si une ville seule fait la demande à un constructeur, il ne sera pas intéressé, explique Jean-Michel Daclin. Alors que si on s'y met à plusieurs, le marché peut commencer à attirer les industriels, et la Commission nous pousse à aller plus loin dans ce sens."

 

Emilie Zapalski


Trois questions à...

Pour Daniel Hoeffel, maire de Handschuheim et président de la commission Europe de l'Association des maires de France, il faut réorienter la politique régionale européenne dans le sens de l'aménagement du territoire.

 

Localtis : Pourquoi avoir créé une Maison européenne des pouvoirs locaux ?
Daniel Hoeffel : Actuellement, environ 70% des directives européennes concernent directement ou indirectement les collectivités locales. Il y a un besoin impérieux pour les collectivités de pouvoir être informées en amont des projets de directives en cours d'élaboration : les perspectives des services publics locaux de l'Europe de demain, les transports, l'environnement, l'avenir des sociétés d'économie mixte (SEM)... Sur tous ces sujets, il faut être suffisamment en contact avec le gouvernement français mais aussi les différents services de la Commission pour se tenir au courant. Par ailleurs, les collectivités doivent pouvoir en amont élaborer des prises de positions claires. Cela ne peut se faire si les collectivités partent en ordre dispersé. Il y a donc nécessité d'avoir une convergence de vues des grandes associations au plan national.

 

Quels sont  les sujets sur lesquels vous avez déjà obtenu des infléchissements ?
C'est grâce à cette unité de vue que le gouvernement français a accepté il y a quelques mois de nous tenir au courant de tous les projets qui se préparent à Bruxelles. Nous avons ainsi tenu une première rencontre à l'occasion du congrès national des maires fin novembre 2006 et nous nous rencontrerons environ deux fois par an.
Pour l'année 2007, nous avons élaboré un programme d'action sur les différents problèmes qui nous préoccupent : les services d'intérêt général, les services sociaux d'intérêt général, la clarification du droit communautaire sur les SEM, le libre choix des collectivités dans la gestion de leurs services de transports et enfin, le droit communautaire pour la coopération intercommunale. Sur ce dernier point essentiel, nos associations souhaiteraient que les communes et les intercommunalités soient considérées comme les deux versants d'un même niveau à l'intérieur duquel ne doivent pas jouer les règles de concurrence. Au-delà, c'est parce que nous nous présentons unis à Bruxelles que nous avons gagné en audience et en autorité auprès de nos partenaires et homologues européens. Nous avions du retard par rapport à eux.

 

En mai prochain, les vingt-sept ministres de l'Aménagement du territoire doivent se retrouver à Leipzig pour définir un "Agenda territorial". Quel va être l'enjeu pour les collectivités françaises ?
Dans la perspective de cette réunion, nous allons travailler à obtenir une position commune entre les associations d'élus françaises, allemandes et du Benelux sur les conséquences des fonds structurels sur les territoires ruraux, même si l'aménagement du territoire n'est pas une compétence formelle de l'Union européenne. Lorsque j'étais ministre délégué chargé de l'Aménagement du territoire en 1994, nous avions déjà eu une réunion à Leipzig sur le sujet. Aujourd'hui, il s'agit de sortir de la philosophie et de discuter de la répartition des fonds. Ceux-ci doivent servir non seulement à réduire les écarts de développement avec les nouveaux Etats membres mais aussi entre les zones rurales et les zones de forte concentration urbaine. Or aujourd'hui, ils sont orientés vers les zones urbaines et périrurbaines au détriment de l'équilibre du territoire. Nous assistons à la mise en place de la première programmation depuis l'élargissement à vingt-sept, nous sommes donc dans une période transitoire avec beaucoup moins de crédits pour les Quinze compte tenu des efforts de solidarité pour les pays d'Europe centrale. Il faut profiter de cette période pour stabiliser les fonds structurels, afin qu'ils soient mieux utilisés et que l'enveloppe n'évolue pas trop.

 

Propos recueillis par Michel Tendil

 

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis