Economie territoriale - Les territoires redécouvrent les bienfaits de l'industrie
Est-ce le retour à la terre, au réel ? En plein "désenchantement du monde" face à la crise financière, il ne se passe pas un jour sans que l'on redécouvre les vertus de l'industrie et de l'économie "terrienne". Jeudi 9 octobre, c'est Hervé Novelli, le secrétaire d'Etat au commerce qui, annonçant de nouvelles mesures sur la transmission des entreprises, a fait l'éloge d'un "capitalisme familial" comme "alternative au capitalisme purement financier". "Les entreprises familiales sont ancrées dans leur territoire et sont donc moins susceptibles de délocaliser", a-t-il souligné.
Même tonalité au Cnam, vendredi, où le Réseau national de l'économie territoriale (RNET) planchait sur "les défis de la mondialisation". Après la terrible crise sidérurgique des années 1980, Le Creusot (Saône-et-Loire) a été présenté comme le modèle d'une reconversion réussie. L'un de ses artisans est le maire de la ville, André Billardon, qui a rappelé que "Le Creusot, c'était une ville-entreprise qui tournait autour des mines de fer et de charbon". Creusot-Loire, qui comptait alors 13.000 salariés, "structurait la vie urbaine, la vie sociale". Symbole de la puissance de l'acier, l'entreprise a périclité avant de déposer le bilan en 1984, entraînant dans son sillage une "crise économique, sociale, culturelle et identitaire", a ajouté l'élu, reconnaissant une "absence totale d'anticipation" (il a été ministre de l'Energie sous le gouvernement Bérégovoy).
Après des années de tâtonnement et un échec dans le tertiaire dans les années 1980 et 1990, décision est finalement prise de renouer avec l'industrialisation. De grands groupes comme Arcelor Mittal, Areva, Safran et General Electric sont alors attirés par le savoir-faire local issu des anciens ateliers et un patrimoine en friche à faible coût.
Vampire ou locomotive ?
L'idée : faire de la métallurgie du Creusot une niche à partir d'aciers très spéciaux, pièces pour centrales nucléaires, caissons des TGV, etc. Pari réussi : la ville se trouve aujourd'hui au coeur du pôle de compétitivité Nucléaire Bourgogne (PNB). Ce pôle compte 82 membres dont la moitié de PME, soit environ 9.000 salariés. Pour une agglomération qui a eu jusqu'à 20% de chômage, c'est une véritable bouffée d'oxygène. Et les perspectives sont plutôt favorables : Areva vient de lancer une campagne pour recruter 1.000 personnes à travers le département.
Selon André Billardon, l'une des clés de cette réussite tient à "la capacité d'initiative importante" donnée aux dirigeants des grands groupes installés sur place par rapport à leur maison mère. Une configuration de grosses PME à l'allemande, en somme, attachées à leur territoire.
Mais la présence d'un important pôle de compétitivité comme au Creusot n'est pas la panacée, a expliqué Jean-François Lecole, le PDG du cabinet Katalyse. "Le pôle de compétitivité permet d'accroître le gâteau de la richesse, mais c'est un instrument neutre qui dépend de la façon dont on l'utilise, a-t-il expliqué. La question est de savoir si cette richesse va exclusivement profiter aux entreprises polarisées (rôle de vampire) ou essaimer sur tout le territoire (rôle de locomotive)." A l'heure du lancement de la "version 2.0" des pôles, il était sans doute bon de le rappeler.
Michel Tendil