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Les territoires multiplient les initiatives pour s’adapter aux transitions numérique et écologique 

L’essor du numérique et le passage à une économie moins carbonée réinterrogent le développement économique des territoires, tout en demandant une adaptation très fine des compétences. Deux défis qui exigent anticipation et coordination.

"Les effets des transitions numérique et écologique ne sont pas uniformes. Elles peuvent accentuer certains décrochages en cours, notamment en matière d’emplois", convient Thibaut Duchêne, adjoint de l'administrateur général du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). Son introduction à cette table ronde, organisée mardi 15 février dans le cadre des "États généraux de l’investissement social"(*,) rappelle l’enjeu : l’utilisation du numérique exige un énorme changement de culture, tandis que le passage à une économie moins carbonée pourrait se solder par des milliers de destructions d’emploi qui ne seront pas forcément compensées par des créations d’emploi équivalentes.

Bien définir la place du numérique

La capacité de transformer ces enjeux en "opportunités" suppose de bien définir ce que l’on attend du numérique. Si la formation à distance peut limiter la fuite d’actifs vers les métropoles, "le numérique ne va pas tout résoudre", souligne Cyril Cotonat, président de l’association des maires ruraux. L’élu local rappelle qu’il y a "énormément de manque de main d’œuvre" sur les métiers manuels, menaçant en conséquence des activités déjà implantées. "Le numérique est un outil qui s’additionne, mais n’oublions pas les fondamentaux : l’enseignement et la santé", abonde Michel Baylac, maire de Roquelaure (Gers) et président de l'Association européenne des institutions d'aménagement rural (AEIAR). Ainsi, le numérique gagne-t-il à servir des objectifs précis comme le développement de la téléconsultation, afin de répondre à des besoins primaires qui sont les vrais vecteurs d’attractivité de la population.  

Former massivement des codeurs au prétexte qu’il s’agit d’un métier d’avenir ne répond pas forcément aux besoins locaux, fait valoir Samuel Chabré, co-fondateur de La Société Nouvelle, qui promeut des projets innovants. "Il faut faire rentrer le numérique dans des endroits à projets", souligne-t-il, citant la commune d’Arvieu (Aveyron) qui a mis à disposition des locaux pour mettre en place une "zone d’activité numérique" au service des habitants et des entreprises locales (lire notre article du 26 octobre 2021). Une société coopérative et participative (Scop) spécialisée dans le e-commerce s’y est installée. "L’initiative a permis de faire émerger une plateforme de distribution de nourriture qui permet aux agriculteurs de développer leurs livraisons jusqu’à Rodez", souligne-t-il.

Pour créer de nouvelles opportunités, la montée en compétences numériques des indépendants ne doit pas être négligée, alerte Alain Assouline, président de la commission numérique de la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises). "On a pensé les conseillers numériques pour les collectivités locales, mais avec un objectif d’aider plutôt des personnes âgées, qui ont des difficultés avec le numérique. Mais les commerçants et artisans aussi ont des difficultés", remarque-t-il. D’où l’importance de programmes spécialisés comme "tous en ligne maintenant" déployé sur l’ensemble du territoire et financé par France Relance, qui vise à accompagner 3.000 TPE et PME dans leur "présence numérique".  

Booster les formations

Vient ensuite la question de l’adaptation des compétences aux besoins exprimés localement par les entreprises. L’enjeu est d’ouvrir ces opportunités aux personnes qui en sont les plus éloignées. Un sujet sur lequel la loi Avenir professionnel a eu un impact, en stimulant l’ouverture de centres de formation d’apprentis portés par des entreprises, mais aussi en reconnaissant les écoles de production, qui visent à insérer dans l’emploi des jeunes décrocheurs de 14 à 18 ans.  

Développées par des appels à manifestation d’intérêt du gouvernement, ces écoles de production à but non lucratif "émanent des besoins spécifiques de chaque territoire", souligne Christophe Genter, directeur au département Cohésion sociale et territoriale de la Banque des Territoires. Basées sur la pédagogie du "faire pour apprendre", celles-ci (lire notre article du 23 novembre 2021) présentent aussi l’avantage d’avoir un modèle économique "auto-portant" par la vente de biens produits par les élèves, souligne Christophe Genter. En septembre prochain, une nouvelle école de production spécialisée dans le photovoltaïque va ouvrir à Marseille.

Organiser les reconversions

Les intercommunalités exploitent elles aussi les opportunités d’activités pour réinsérer des demandeurs d’emplois sur des secteurs porteurs. Se positionnant sur le champ de la rénovation énergétique, la maison de l’emploi en Cambrésis (Nord) a associé les acteurs du bâtiment avec ceux de l’emploi et de la formation, fédérés dans deux groupes de travail afin d’"élaborer des scénarios d’évolution du nombre de rénovations énergétique et de main d’œuvre", souligne le chargé de mission Nicolas Lebrun. Un travail fastidieux d’anticipation qui a permis d’ajuster les stratégies de formation en aval.

Même logique au sein de Caux Seine Agglo (Seine-Maritime), une collectivité amatrice de GPEC territoriale dont l’agence Caux Seine Développement, se présente comme "l’interlocuteur unique" sur les questions économiques comme d’emploi, insiste Marie-Françoise Loison, sa vice-présidente en charge de l’emploi, de l’insertion et de la formation. L’arrivée prochaine de l’entreprise H2V, une société industrielle de production massive d'hydrogène vert par électrolyse de l'eau, a conduit à la mise en place d’un BTS Maintenance des systèmes énergétiques et fluidiques qui formera aux métiers de l’hydrogène.

Si l’ouverture de nouvelles formations initiales est déjà de mise, l’accompagnement des salariés de secteurs en déclin vers des secteurs porteurs reste à ses yeux, difficile. En témoignent les résultats décevants du dispositif Transitions collectives (lire notre article du 26 juillet) dans lequel le territoire s’est pourtant investi. "On a beaucoup d’entreprises en tension mais on se heurte au problème des entreprises qui pourraient avoir des difficultés mais ne le font pas savoir", selon l’élue locale.

 

* Depuis le 7 décembre jusqu’au 25 février, le Conservatoire national des arts et métiers et le think tank #leplusimportant organisent de multiples événements autour de la transition inclusive dont les retransmissions sont disponibles sur le site transitioninclusive.org

 

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