Les surfaces agricoles en bio enregistrent une baisse historique
La surface agricole en bio a perdu 54.000 hectares en 2023. Un recul historique qui éloigne encore un peu des objectifs nationaux régulièrement repoussés. Le mouvement de déconversions se poursuit, de même que la baisse de la consommation alors que les cantines n'ont pas pris le relais.
La surface agricole utile en bio a reculé de 2% l'an dernier, soit 54.000 hectares de moins, passant de 10,5 à 10,4% des surfaces agricoles françaises, selon les chiffres de l'Agence Bio publiés le 13 juin. Cette baisse historique est "essentiellement dû au recul des surfaces fourragères (qui représentent 58% des surfaces bio en France) et des grandes cultures (27%)", précise-t-elle, dans un communiqué. Les cheptels en bio sont également en recul, à l'exception des brebis à viande et des ruches.
Une mauvaise nouvelle pour la filière alors qu'on est encore loin des objectifs assignés au niveau national. Le Code rural fixait une cible de 15% à atteindre en 2022. Et le plan stratégique national (déclinaison de la Politique agricole commune en France) prévoit, lui, d'atteindre les 18% en 2027. Mais dernièrement, dans le cadre de l'examen du projet de loi d'orientation agricole, les députés avaient fixé un nouveau cap (contre l'avis du gouvernement) : 21% de la surface agricole en bio au 1er janvier 2030 et 10% en légumineuses. Peine perdue puisque le texte a, pour le moment, fait les frais de la dissolution.
"La France reste la première surface cultivée en bio d’Europe et le premier vignoble bio mondial", tempère l'Agence Bio qui tenait cette année sa conférence de presse à Reims, terre de champagne, "pour mettre en lumière une filière en croissance et qui réalise plus de 60% de son chiffre d’affaires à l’export". "Si le vignoble français est à 22% cultivé en bio, le Champagne, lui est à 8% et s’attelle à rattraper cette moyenne, grâce à l’attractivité du label bio sur les marchés internationaux", souligne-t-elle. A noter que près des deux tiers des surfaces bio en France sont localisées dans cinq régions : l'Occitanie (22 %), la Nouvelle-Aquitaine (13 %), Auvergne-Rhône-Alpes (11 %), Bourgogne Franche-Comté (9%) et Pays de la Loire (9 %).
Les déconversions se poursuivent
Par ailleurs, le mouvement de déconversions en bio, mis en lumière depuis deux ans dans le contexte de l'inflation et de l'infléchissement de la consommation, se poursuit : 5% d'agriculteurs bio sont repassés en conventionnel. Toutefois, le solde reste positif, 7% s'étant convertis (soit un solde de +2%). "Ce taux reste stable et prend le contrepied des propos parfois alarmistes sur la crise du bio", tacle l'Agence Bio. Allusion à peine voilée aux organisations syndicales, dont la Fédération nationale de l'Agriculture biologique (Fnab) qui tire le signal d'alarme depuis deux ans. D'ailleurs, à la lecture de ces résultats, celle-ci considère qu'"on ne peut que s'inquiéter de la baisse historique des surfaces". "Si le développement des fermes est une bonne nouvelle, le repli des surfaces implique que nous n’avons pas réussi à amorcer la transition des cultures céréalières qui sont aussi les plus consommatrices des herbicides qu’on retrouve dans notre eau potable", déplore-t-elle dans un communiqué, appelant le gouvernement à "changer sa stratégie" pour soutenir la filière dans la durée. "Clairement la cible a été manquée, non seulement les céréaliers ne passent pas en bio mais pire, plusieurs d’entre eux arrêtent. L’erreur, ça a été de supprimer l’aide au maintien et de refuser de la remplacer par un soutien sérieux sur l’écorégime en faisant croire que le consommateur assumerait seul le coût de la Bio", dénonce dans le communiqué Loïc Madeline, référent professionnel PAC à la Fnab.
Les cantines décrochent
De son côté, le ministère de l'Agriculture a annoncé, le même jour, que l'aide aux exploitations bio ayant subi d'importantes pertes économiques avait été abondée de 15 millions d'euros, passant des 90 millions d’euros promis lors du dernier Salon de l'agriculture (voir notre article du 4 mars) à un peu plus de 105 millions d’euros (les demandes ayant été clôturées le 3 mai), soit le niveau accordé l'an dernier. Les versements débuteront "la semaine prochaine".
Ces difficultés sont dues à l'augmentation du coût des intrants et du carburant mais aussi aux comportements des Français. La part du bio dans le panier moyen a encore diminué passant de 6% en 2022 à 5,6% en 2023, même si l'inflation a été plus mesurée pour les produits bios que pour les autres produits (8% contre 12%). Les ventes dans la grande distribution sont en repli de 4% mais tous les circuits de vente progressent : la vente directe croit de 9% et pèse aujourd'hui pour 14% des ventes (contre 50% pour la grande distribution). Le chiffre d'affaires des magasin spécialisés gagne 2,2% (sans doute par effet de l'inflation).
Si les ventes à domicile stagnent, les ventes "hors domicile" (cantines, restaurants) n'ont pas pris le relais pour autant. La part du bio sur les plateaux des cantines recule même de 6% ! A noter que le 19 juin, l'Association des maires de France (AMF) présentera les résultats d'une enquête sur la restauration scolaire, au regard des objectifs de la loi Egalim (50% de produits de qualité dont 13% de bio).
L'Agence Bio estime que la production bio est garante de "l'attractivité de l'emploi agricole" et de la "souveraineté alimentaire". Elle rappelle à cet égard que 71% de la consommation de produits bio est d'origine France et que 40% des projets d'installation se font en bio. Un enjeu vital au regard des 100.000 départs à la retraite prévus dans les dix ans.