Emploi - Les sous-traitants de l'ANPE dans la tourmente
Des sous-traitants de l'ANPE au chômage ? Un comble en train de se produire un peu partout en France depuis que l'ANPE a décidé, fin 2007, de mettre fin aux conventionnements qui la liaient à ses prestataires extérieurs (cabinets, associations, etc.). En lieu et place du système d'agréments qui prévalait jusqu'ici pour huit prestations (essentiellement les bilans de compétence approfondis et les dispositifs Cible), elle a alors lancé des appels d'offres avec de nouvelles règles du jeu, plutôt favorables aux grands cabinets : des lots allant de 10.000 à 30.000 demandeurs d'emploi, des zones géographiques étendues, des délais très courts pour boucler les dossiers... "Les petits prestataires ont tout juste eu le temps de se regrouper afin d'atteindre la taille critique alors qu'il leur fallait nommer un mandataire et répondre à des exigences de capacités financières très élevées", explique Pascal Nacfer, du Syndicat des professionnels du conseil et de l'accompagnement social (SPCAS). Les résultats viennent de tomber : de nombreux lots sont restés infructueux faute de réponse satisfaisante et dans bien des cas les petites structures, qui auraient dû être agréées jusqu'à la fin de l'année 2008, se sont retrouvées écartées au profit de grands groupes mieux offrants. "Cela faisait plus de dix ans que nous collaborions avec l'ANPE, témoigne Martine Crajek, directrice du centre de formation Aifor, basé à Etaples (Pas-de-Calais) et faisant partie d'un regroupement de quatre organismes. Nous avions proposé des prix tout à fait corrects mais insuffisants pour pouvoir concurrencer le groupement retenu, qui contenait de gros organismes comme le Greta, à même de casser les prix". La société coopérative Imagine, qui figure parmi les recalés, réalisait 80% de son chiffre d'affaires avec l'ANPE. Elle est aujourd'hui forcée de licencier 11 de ses 15 salariés !
Le tribunal administratif de Lille a toutefois suspendu le marché jeudi. Il se donne deux mois pour examiner les pièces du dossier. Cette décision intervient quelques jours après le jugement du tribunal administratif de Marseille qui, le 15 mai, a purement et simplement demandé à l'ANPE de Paca de revoir sa copie et de lancer un nouvel appel d'offres.
5.000 prestataires
Dans cette affaire, l'agence avait effectivement enjoint aux prestataires, lors de la négociation, de décomposer leurs prix en faisant apparaître leur marge. Le tribunal a jugé qu'il s'agissait d'un abus de pouvoir. Michel Clézio, président de la fédération des Unions régionales des organismes de formation (Urof), estime que les exigences de l'ANPE ont engendré "une forte déflation des prix avec des baisses de 20 à 30% par rapport à la valeur initiale des prestations".
Ailleurs en France, comme en Rhône-Alpes, nombre de référés ont été rejetés, "alors que les motifs étaient sensiblement identiques", indique la fédération des Urof.
Le secteur de l'accompagnement social se prépare à un sérieux contrecoup. "Sur les 5.000 prestataires qui travaillaient jusqu'ici avec l'ANPE, les deux tiers n'auront plus de convention", estime Pascal Nacfer. Sachant que pour chacun d'eux, entre 5 et 8 salariés travaillaient pour le compte de l'ANPE, au minimum 15.000 emplois se trouveraient ainsi menacés. Des chiffres qui seront bientôt affinés, précise le syndicat, qui vient d'envoyer un formulaire à chacun de ces prestataires pour connaître leur situation.
"La véritable question est l'inadaptation du Code des marchés publics à ce type de prestations, qui nécessitent des ajustements permanents. La France est allée bien au-delà des exigences de Bruxelles", juge Michel Clézio, constatant "qu'il y a autant d'amertume chez les perdants des appels d'offres que chez les gagnants". La Fédération de la formation professionnelle (FFP) a un autre avis. Elle reconnaît des vertus aux appels d'offres mais dénonce des "irrégularités". La partie n'est pas terminée. D'autres recours ont été introduits sur le fond.
Michel Tendil
Marchés publics de formation et d'insertion professionnelle : l'ANPE peut faire appel à la procédure allégée de l'Article 30 du CMP
Les Agences nationales pour l'emploi (ANPE) - ainsi que tout autre pouvoir adjudicateur - sont autorisées à avoir recours, pour leurs marchés de prestation de service destinés aux demandeurs d'emplois, à la procédure allégée prévue par l'Article 30 du Code des marchés publics (CMP). La spécificité de ces marchés permet en effet à l'ANPE d'appliquer les règles de la procédure adaptée prévue à l'Article 28 du Code, et ce quel que soit le montant du besoin à satisfaire. Les modalités de publicités et de mise en concurrence peuvent de fait être librement déterminées par le pouvoir adjudicateur en fonction de l'objet et des caractéristiques du marché. Au-dessus du seuil de 206.000 euros hors taxes, ces marchés sont toutefois soumis au respect des spécifications techniques et à l'envoi d'un avis public d'attribution.
APASP