Les réseaux de chaleur réclament davantage de soutien
A l’occasion des Rencontres nationales des réseaux de chaleur qui se sont tenues les 12 et 13 décembre à Paris, Amorce et le Syndicat national du chauffage urbain et de la climatisation urbaine (SNCU) ont réclamé plus de soutien pour satisfaire les objectifs de la loi de transition énergétique. L’Ademe quant à elle se dit prête à accompagner les collectivités qui souhaitent développer des réseaux de chaleur alimentés par des énergies renouvelables et de récupération.
Les réseaux de chaleur qui ont livré en 2016 plus de 53% de chaleur renouvelable et de récupération à des millions de logements seraient-ils les mal aimés de la transition énergétique ? Pour Amorce, qui rassemble des collectivités et des professionnels spécialisés dans les politiques énergie-climat des territoires, et le Syndicat national du chauffage urbain et de la climatisation urbaine (SNCU), cela ne fait pas de doute. A l’occasion des 13es Rencontres nationales des réseaux de chaleur, les deux partenaires ont alerté le 12 décembre sur les risques qui pèsent sur cette filière, remettant en cause selon eux l’atteinte des objectifs climatiques du pays (32% d’énergies renouvelables en 2030 et multiplication par 5 de la chaleur renouvelable par réseau).
Attractivité jugée insuffisante
Pour Amorce et le SNCU, les réseaux de chaleur sont d’abord pénalisés par des dispositifs de soutien "largement sous-dimensionnés", "avec à peine 200 millions d’euros, contre plus de 5 milliards pour les dispositifs de soutien à l’électricité renouvelable", et ce, "alors que la chaleur est le principal usage de l’énergie en France et que l’électricité ne représente que 28% de l’utilisation énergétique." "Le fonds Chaleur [géré par l’Ademe, ndlr] ne donne pas aujourd’hui suffisamment d’attractivité aux réseaux de chaleur face aux autres modes de chauffage, estiment- ils. Cette situation, qui se dégrade avec la baisse du prix des énergies fossiles, conduit parfois des bâtiments qui avaient prévu de se raccorder à un réseau de chaleur à privilégier une autre solution, pénalisant l’équilibre économique du réseau au détriment de l’ensemble des usagers."
Amorce et le SNCU regrettent que la "dynamique de développement" des réseaux de chaleur soit en train de s’essouffler, alors que le nombre de projets devrait augmenter très rapidement pour espérer atteindre les objectifs fixé par la loi de transition énergétique et la programmation pluriannuelle de l’énergie. "Le fonds Chaleur est pourtant revu à la baisse pour 2018 et ses modalités d’attribution sont rendues moins favorables au réseau, avec notamment le remplacement de financements définitifs par des avances remboursables à terme par les gestionnaires de réseaux", relèvent-ils.
A leurs yeux, les réseaux de chaleur sont également désavantagés par le dispositif actuel de facturation. En effet, alors que les frais d’un réseau de chaleur intègrent également les coûts liés aux équipements et à l’exploitation, ceux-ci ne sont pas répercutés dans la facture énergétique d’un ménage se chauffant au gaz naturel. Malgré tout, pointe Amorce dans sa dernière enquête annuelle sur le prix de la chaleur, cela ne les empêche pas de rester compétitifs avec un coût global de 1.150 euros en moyenne par an et par logement contre 1.195 euros pour le gaz naturel.
Pour redonner davantage de compétitivité aux réseaux vertueux, collectivités et professionnels du secteur préconisent donc un doublement du Fonds chaleur - comme s’y était engagé le président de la République, rappellent-ils. Ils réclament aussi "la mise en oeuvre de modalités de soutien adaptées, à la hauteur des objectifs et garantissant la continuité de l’action publique", ainsi qu’ "une révision en profondeur des modes de facturations, pour que les usagers et consommateurs des différents modes de chauffage puissent avoir une idée réelle des différences de coûts."
Déficit de notoriété
Reste que les réseaux continuent à souffrir d’un déficit de notoriété. Ils sont peu mis en avant parmi les outils de la transition énergétique, regrettent collectivités et professionnels, voire le sont pour de mauvaises raisons, comme cela a pu être le cas dans l’enquête publiée par la CLCV cet automne (lire notre article ci-dessous). Bien qu’Amorce et le SNCU disent partager "certaines inquiétudes" exprimées par l'association de consommateurs sur le financement des réseaux, tous deux contestent certains des chiffres utilisés et regrettent l’amalgame qui est fait sur l’ensemble du secteur. L’enquête met en effet en avant des difficultés, parfois bien réelles localement, reconnaissent-ils - entre 10 et 15 réseaux constitueraient une "liste noire", selon Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce.
Mais pour Amorce et le SNCU, la CLCV ne dit rien de l’immense majorité des réseaux qui ont pu se développer comme prévu. "Cela témoigne encore de la nécessité de mettre en avant les réseaux de chaleur vertueux, qui utilisent une majorité de chaleur renouvelable et de récupération, qui sont compétitifs par rapport aux autres modes de chauffage et qui ont mis en place une structure de dialogue avec les usagers, à l’image des 70 réseaux récompensés par le label éco-réseau délivré par Amorce", reconnaissent-ils.
Une charte de bonne gouvernance des réseaux sera donc proposée en 2018, assurent-ils. Elle s’accompagnera d’une promotion massive des réseaux vertueux, notamment via le kit de communication écoréseau de chaleur mis au point par Amorce.
L’Ademe veut promouvoir les réseaux de chaleur alimentés par des énergies renouvelables et de récupération
L’Ademe a publié le 13 décembre un
avis sur les réseaux de chaleur alimentés par des énergies renouvelables et de récupération (EnR&R). Plus de 600 réseaux de chaleur de ce type existent aujourd’hui en France. Ils desservent 2,27 millions de logements. Cette filière est en pleine croissance depuis 2008 mais elle représente toujours un faible taux de raccordement au regard du potentiel de développement, estime l’agence. Elle encourage donc les collectivités à accroître la part de ces énergies lorsqu’elles implantent de nouveaux réseaux ou font évoluer les réseaux existants, en profitant d’opérations de densification, d’extension ou d’interconnexion, et se dit prête à les accompagner financièrement dès la phase amont.
"Dans une approche de planification, la solution ‘réseaux de chaleur EnR&R’ doit faire partie des solutions étudiées par les collectivités, souligne l’agence. Même pour les quartiers avec des consommations faibles (éco-quartiers, ou réhabilitation thermique importante), les réseaux de chaleur EnR&R peuvent rester pertinents et compétitifs si la densité énergétique ou la mixité des usages (résidentiel, tertiaire…) sont suffisantes". Les grandes opérations d’aménagement urbain constituent selon l’Ademe des opportunités pour développer ces réseaux à moindre coût, notamment grâce à la mutualisation des travaux de voirie.
Plusieurs atouts sont mis en avant. Tout d’abord, les réseaux de chaleur permettent de mobiliser massivement des gisements d’EnR&R locale non distribuables autrement (géothermie profonde, chaufferie bois de forte puissance, récupération de chaleur fatale issue de l’industrie ou de systèmes de cogénération…). Sur le plan environnemental, les réseaux de chaleur alimentés majoritairement par des EnR&R permettent des niveaux d’émissions de CO2 très faibles (50 à 100gCO2/kWh pour un réseau biomasse) comparativement à des solutions individuelles fossiles ou à des réseaux alimentés par des énergies fossiles (supérieurs à 200gCO2/kWh).
L’Ademe voit aussi dans le réseau de chaleur un "outil évolutif essentiel de planification énergétique territoriale" pouvant s’adapter à une large gamme de situations tant dans les quartiers existants que dans les quartiers neufs. Enfin, sur le plan économique, les réseaux de chaleur EnR&R offrent selon elle un service de livraison de chaleur compétitif et stable sur le long terme. De surcroît, l’emploi local est favorisé lors de la construction, l’approvisionnement et la gestion du réseau au quotidien.
A.L.