Tourisme - Les remèdes de deux députés pour relancer le thermalisme
Le thermalisme a la santé, mais une santé fragile. Depuis une dizaine d'années, la fréquentation des stations croît en moyenne d'environ 2% par an. Mais si l'on en juge par l'évolution démographique et le vieillissement de la population - le cœur de cible de ces stations -, c'est trop peu. "Ces chiffres montrent le côté encore fragile de cette économie", pourtant vitale dans les territoires concernés, souvent situés en montagne. C'est ce qu'estiment les députés Jeanine Dubié (PRG, Hautes-Pyrénées) et Dominique Dord (LR, Savoie), chargés d'un rapport sur le soutien public au thermalisme, présenté le 9 juin à la Commission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale.
Les stations sont essentiellement concentrées dans la moitié sud du pays, autour des massifs montagneux ou sur la côte. Le pays compte ainsi 89 stations thermales, pour 110 établissements (certaines comme Dax en comportent plusieurs). Mais les écarts de fréquentations sont très importants. Les cinq premières stations représentent à elles-seules 185.000 cures par an, sur les 500.000 couvertes par le régime d'assurance maladie. Dans leur ombre, il y a "les toutes petites stations qui concentrent des difficultés énormes pour arriver à survivre et à équilibrer leur budget souvent avec l'aide décisive de la collectivité", a restitué Dominique Dord, citant la station d'Enghien-les-Bains (Val- d'Oise) qui accueille 465 curistes par an.
Gestion privée ou publique ?
La plupart des établissements sont en gestion privée avec quelques grandes enseignes comme La Chaîne thermale, Valvitel, Eurothermes et de nouveaux venus tels que France thermes ou la Compagnie Lebon. 26 établissements sont sous gestion publique (régie, Sem ou SPL). Ces stations "municipales" sont généralement celles de moindre taille, de faible rentabilité et qui rencontrent le plus de difficulté. "Ce n'est pas une surprise, ce sont souvent des établissements non privatisables que les collectivités gardent en direct", a expliqué le député-maire d'Aix-les-Bains. Exception notable : Balaruc-les-Bains (Hérault), première station thermale en France avec 46.000 curistes, entièrement publique. Son succès est dû à un investissement massif de la commune à partir de 2008 et l'aide des autres collectivités. L'exploitant est la Société publique locale d'exploitation des thermes (SPLETH) détenue par la ville de Balaruc-les-Bains, Thau agglo et le conseil départemental. La société gère les installations qui restent la propriété de la ville, à qui elle verse un loyer. Dans le même temps, la station a élargi son offre à la phlébologie et se tourne de plus en plus vers les activités de bien être… Elle emploie aujourd'hui 400 personnes en direct et fait vivre 2.000 personnes. En France, le thermalisme représente 9.000 emplois directs et 100.000 emplois indirects (soins, hébergements, maintenance, etc.) pour un chiffre d'affaires d'un milliard d'euros, avec, forcément, "un impact très différent selon les bassins économiques", a rappelé Dominique Dord.
Cure de jouvence
Pour les députés, loin d'être désuet, le thermalisme répond à de nombreux enjeux actuels de santé publique, de démographie médicale aussi… Sans être la "panacée", "le thermalisme répond à des enjeux nouveaux, le bien vieillir, la lutte contre la douleur, être plus sur la prévention que le soin, l'éducation thérapeutique…", a avancé Dominique Dord. Alors pour le relancer, les députés prescrivent une cure de jouvence : élargir la liste des pathologies agréées, instaurer un label européen de manière à attirer une clientèle étrangère, développer le "fractionnement" des cures, notamment pour les enfants, sachant qu'aujourd'hui que seules les cures de dix-huit jours sont prises en charge par la sécurité sociale et que, comme l'a souligné Jeanine Dubié, "il est très difficile pour les parents de se dégager trois semaines". "Il faut aussi qu'on puisse expérimenter des cures du soir pour une clientèle de proximité", a-t-elle indiqué. Les députés souhaitent aussi pouvoir encourager les nouvelles activités de bien être, comme les Spas et pour une clientèle plus jeune. A l'instar de Vichy, "les stations qui ont joué cette carte ne le regrettent pas", a souligné Jeanine Dubié.
Mais les stations thermales n'échappent pas à un enjeu qui touche toutes les communes rurales : la démographique médicale. L'âge moyen des médecins thermalistes est de 59 ans. Et nombre de stations risquent de se retrouver le bec dans l'eau à court terme. Les députés proposent de "salarier" les médecins dans les établissements thermaux et de leur appliquer les recettes des derniers comités interministériels aux ruralités sur les déserts médicaux, de créer des maisons de santé thermales ou de modifier le cursus des médecins thermaux en introduisant une validation des acquis de l'expérience. Car, comme l'a fait remarquer Dominique Dord, "il faut être acharné de thermalisme pour faire deux années d'études supplémentaires" à la fin de ses études de médecine.
Mobiliser les outils de financement
En termes d'investissements dans les infrastructures ou les activités annexes comme l'hôtellerie, les élus appellent à se mobiliser autour des appels à projets du programme d'investissements d'avenir. Ils ont aussi rappelé le rôle de premier plan de la Caisse des Dépôts qui vient de créer une Foncière développement tourisme qui sera dotée à terme de 500 millions d'euros, justement consacrée à la construction et la rénovation d'infrastructures hôtelières, ainsi que d'un fonds de 400 millions d'euros sur les infrastructures de loisirs. Sans parler du fonds de capital-risque de 100 millions d'euros de Bpifrance. Soit au total, une force de frappe d'un milliard d'euros au profit de l'investissement touristique.
Enfin, les deux députés relaient l'inquiétude des élus de stations de tourisme concernant l'article 68 de la loi Notr transférant la compétence tourisme aux intercommunalités. Ce qui ferait disparaître les offices de tourisme communaux. Récemment, le ministre de l'Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales Jean-Michel Baylet a assuré qu'une dérogation serait permise dans le cadre du projet de loi Montagne 2 attendu cet automne. "Il faudra faire attention à ce que ce ne soit pas réservé qu'aux stations classées touristiques en zone de montagne et que cela puisse s'étendre à l'ensemble des stations classées", a prévenu Jeanine Dubié.