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Politique de cohésion - Les régions cherchent à combler leurs lacunes grâce aux fonds européens

La gestion décentralisée d'une partie des 26 milliards d'euros de subventions européennes (dont 16 milliards de Feder et FSE) permet aux régions d'arbitrer leurs propres choix d'investissement. L'aide aux entreprises ou aux quartiers en difficulté peut varier fortement d'une région à l'autre. Alors que l'ensemble des programmes opérationnels régionaux ont été validés par la Commission en décembre, tour des régions et de leurs priorités.

Emploi, transition énergétique, innovation, numérique… Les grandes priorités européennes pour les six ans à venir dressent un agenda relativement consensuel. Mais dans le détail, chaque région se construit son propre plan d’investissement, assumant ses choix politiques dans le sillage de la décentralisation, désormais actée, des fonds régionaux européens. Comme en attestent les programmes opérationnels régionaux Feder et FSE, validés en décembre par la Commission européenne.

Aider les ETI et l’ESS

En matière de soutien aux entreprises, des priorités claires ont été arrêtées. Le Limousin cherche, par exemple, à soutenir les PME ayant un potentiel pour devenir des "entreprises de taille intermédiaire" (ETI), capables de prendre des parts de marché à l’international. L’Alsace prévoit d’utiliser au profit du secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS) une partie de ses 17,7 millions d’euros de Feder réservés aux entreprises. La répartition des crédits Feder varie également entre les différents champs d’investissement. L’Aquitaine et la Picardie ont notamment placé l’innovation au sommet des priorités, lui consacrant respectivement 34% et 31% de leur enveloppe de fonds structurels.
Cet effort poursuit parfois une logique de rattrapage. Le Limousin, qui n’investit que 0,8% de son PIB dans le domaine de la R&D, "loin de l’objectif de 3% fixé par l’Union européenne", fait de l’innovation son premier poste de dépenses Feder (36 millions d’euros). Dans ce territoire, la santé devrait faire partie des grands bénéficiaires, avec le développement de nouvelles méthodes de détection et de traitement des cancers ou des maladies du système nerveux.

Les régions frileuses pour les financements innovants

D’autres régions, comme Rhône-Alpes, Bretagne ou Paca, ont propulsé la transition énergétique en tête de gondole, y affectant respectivement 40%, 37% et 33% de leur enveloppe. Le domaine semble adapté à la mise en œuvre de financements sophistiqués et bien distincts de la logique de subvention. Les fonds européens sont, dans ce cas, adossés à des outils plus complexes (garanties, prises de participation, avances remboursables, prêts…). La Bretagne pourrait ainsi consacrer 16 millions d'euros de Feder au profit de ce type de montage. Elle a déjà fait l’expérience du fonds Eilan, qui investit dans les entreprises locales spécialisées dans l’éolien et la biomasse. L’idée est de monter en puissance en y associant désormais des fonds Feder.
La région Paca va poursuivre ce travail, puisqu’elle a déjà engagé l’outil européen "Jeremie" pour les PME. 40 millions d’euros de Feder devraient être engagés entre 2015 et 2020 pour augmenter la force de frappe des PME.
Mais ce type de montage financier reste exotique pour les collectivités, qui s’y aventurent prudemment. Bon nombre de régions attendent encore les résultats d’études visant à identifier les secteurs ou types d’actions qui justifieraient le recours à l’ingénierie financière.

Des territoires, urbains ou ruraux, très ciblés

Les régions sont en revanche plus à l’aise avec l’innovation lorsqu’elle porte sur la méthode. Des villes ou communautés de communes sont ainsi associées pour lancer des appels à projets, puis retenir les initiatives appelées à être financées par l’UE.
Les régions Rhône-Alpes et Paca ont chacune prévu d’affecter 39 et 22,7 millions d’euros dans les quartiers urbains prioritaires. Dans le Sud-Est, les actions seront ciblées dans les agglomérations de Marseille, Nice, Toulon et Avignon, avec des actions très concrètes comme l’installation de crèches ou de commerces au pied d’immeubles.
La Bretagne et le Limousin ont fait des choix plus atypiques. La première affectera 19 millions d’euros à ses "pays" (Saint-Malo, Morlaix…) pour des actions dans le numérique et la transition énergétique, à l’échelle d’ensemble de villes de taille moyenne. Le Limousin a, quant à lui, prévu d’allouer 50% de son enveloppe dédiée aux initiatives locales, soit 16 millions d’euros, à ses parcs naturels régionaux.

L’Ile-de-France, une région à part

Mais c’est sans doute dans la troisième région la plus riche de l’Union européenne que l’usage des fonds européens se distingue du reste de l’Hexagone. La spécificité de l'Ile-de-France s’explique notamment par le fait que la majorité des fonds perçus provient du Fonds social européen et non du Feder. Ainsi, les 482 millions d’euros que le Conseil régional va gérer portent à plus de 60% sur les questions d’emploi et de formation. Mais la région a aussi des objectifs qu’on ne retrouve pas ailleurs. Elle a par exemple choisi de dépenser une partie des 11,3 millions qu’elle alloue à l’inclusion sociale pour la lutte contre l’exclusion des Roms.

Les DOM-TOM, grands gagnants de la politique de cohésion

Autre cas original : les régions d’outre-mer, qui touchent à elles seules 1,7 milliard de fonds européens, dont 610 millions d’euros pour la Guadeloupe, qui en dépensera la majeure partie dans le secteur de l’environnement. La commissaire chargée de la politique régionale de l’UE, Corina Creţu, se rendra justement dans ce territoire début février pour évoquer la situation atypique des "régions ultrapériphériques européennes". Les DOM-TOM ont souvent eu à répondre à des accusations sur la mauvaise utilisation de leurs fonds, qu’il s’agisse de soupçons de fraudes comme le cas repéré par Mediapart en 2014 à l’Université des Antilles, ou de retards dans l’utilisation des fonds.

Le bouleversement de la réforme territoriale

Pour ce nouvel exercice, les régions vont enfin devoir faire face à une problématique inédite : leur fusion. Il n’est pas prévu que les fonds alloués soient revus, ni les objectifs définis dans les programmes opérationnels. En revanche, les régions vont devoir se coordonner, alors qu’elles ont fait des choix d’investissement différents. Quelles implications pour le secteur agricole si seule l’Auvergne a retenu ce domaine dans sa stratégie de "spécialisation intelligente" et pas Rhône-Alpes ? Le débat est à peine engagé. Mais jusqu’en 2020, la politique européenne de cohésion fera probablement comme si la réforme territoriale n’existait pas.

 

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