Communication - Les recettes publicitaires d'un magazine de collectivité sont-elles publiques ou privées ?
Un arrêt du Conseil d'Etat, récemment publié par la base documentaire du ministère des Finances, apporte d'importantes précisions sur la nature des recettes issues d'une régie publicitaire. Cet arrêt concerne toutes les collectivités qui ont confié à un prestataire la régie publicitaire de leur magazine ou de tout autre publication. L'affaire jugée par le Conseil d'Etat concerne un contentieux entre la ville de Rouen et la société Prest'action, chargée, en 1999, de commercialiser auprès des annonceurs des encarts publicitaires dans diverses publications municipales. Dans son recours, le prestataire contestait un titre exécutoire de 650.000 francs (99.236.64 euros) émis par le maire de Rouen à son encontre pour n'avoir pas versé à la ville la somme minimale sur laquelle il s'était engagé dans le cadre du marché. Pour obtenir l'annulation du titre exécutoire, il plaidait que la ville de Rouen avait méconnu le caractère public des recettes de la régie, en confiant cette dernière à un prestataire. En l'espèce, l'intérêt de l'arrêt réside moins dans le fond de l'affaire - le Conseil d'Etat confirme l'exigibilité des sommes dues - que dans ses attendus. Dans un long développement, le jugement apporte en effet plusieurs précisions essentielles.
Tout d'abord, l'arrêt rappelle que "les collectivités territoriales et leurs établissements publics ne peuvent décider par convention de faire exécuter une partie de leurs recettes ou de leurs dépenses par un tiers autre que leur comptable public, lequel dispose d'une compétence exclusive pour procéder au recouvrement des recettes et au paiement des dépenses publiques". Il s'agit là de la reprise des règles posées par l'article L.2343-1 du Code général des collectivités territoriales et par l'article 11 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique.
Ensuite et surtout, le Conseil d'Etat considère que "le contrat conclu par la société Prest'action ne lui confiait pas le recouvrement de sommes dues par des tiers en contrepartie de biens ou services fournis par la commune de Rouen, mais la chargeait [...] de la prospection des annonceurs, de la préparation de la mise en page des encarts publicitaires et de leur facturation aux annonceurs ; que les recettes ainsi perçues auprès des annonceurs lors de la vente des encarts publicitaires, constitutives des recettes commerciales de la société requérante dans le cadre de ce marché de services, ne pouvaient être qualifiées de recettes publiques au sens des dispositions précitées du décret du 29 décembre 1962, seules revêtant une telle nature les sommes ensuite versées à la commune en vertu du contrat, fixées en l'espèce en fonction d'un pourcentage des recettes commerciales de la société avec un montant minimal garanti". En d'autres termes, les sommes encaissées par le prestataire de régie publicitaire auprès des annonceurs - et sur lesquelles la société se rémunère - ne sont pas des recettes publiques. En revanche, ce caractère public s'attache au pourcentage des recettes commerciales que le prestataire s'est engagé à reverser à la collectivité dans le cadre du marché, en l'espèce avec un minimal garanti.
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : Conseil d'Etat, arrêt 297877 du 6 novembre 2009, société Prest'action et ville de Rouen (publié au recueil Lebon).