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Europe - Les pouvoirs locaux cèdent à l'appel de Bruxelles

Deux mois après avoir créé la Maison européenne des pouvoirs locaux français, les associations d'élus font un nouveau pas en direction de Bruxelles. Elles viennent de signer une convention pour renforcer leur représentation. L'enjeu : afficher une position commune sur les grands débats à venir.

"Plus de 60% des décisions des collectivités locales émanent d'un texte européen." Pour Nicole Gibourdel, déléguée générale de la Fédération des maires des villes moyennes (FVVM), il ne fait aucun doute que l'avenir des collectivités locales se joue de plus en plus à Bruxelles. Un constat que la FMVM partage avec trois autres associations d'élus : les maires de grandes villes (AMGVF), l'Association des maires de France (AMF) et l'Assemblée des départements de France (ADF). Ensemble, elles viennent de signer une convention pour définir les modalités de leur coopération à Bruxelles. Le but est de pouvoir se positionner et se faire entendre sur les grands enjeux à venir, et en premier lieu la politique régionale européenne. Cette convention concrétise un rapprochement entamé depuis plus d'un an et qui a vu en janvier dernier la création de la Maison européenne des pouvoirs locaux français à Bruxelles : une structure de veille chargée de scruter en permanence le ciel européen à l'affût des textes en préparation. Les élus entendent ainsi multiplier les rencontres à tous les niveaux et relayer l'information recueillie dans les couloirs des institutions. Le besoin en est d'autant plus criant qu'en cinquante ans, Bruxelles s'est transformée en antichambre des lobbies : élus, chefs d'entreprise, syndicats... près de 5.000 groupements d'intérêts sont accrédités au Parlement européen.


Un besoin de visibilité

"Il devient impératif pour les collectivités d'être présentes pour pouvoir influencer l'élaboration des textes", explique Christine Côte, conseillère Europe auprès de l'ADF, qui réfute pourtant le terme de lobbying. "Nos pratiques françaises sont davantage axées sur une légitimité démocratique", insiste-t-elle, mais dans la jungle des groupements d'intérêts, "il faut pouvoir faire entendre la voix du citoyen". En la matière, la France accuse un certain retard par rapport à ses voisins européens. "Nos partenaires sont rompus à cet exercice. Les élus locaux des nouveaux arrivants comme la Pologne ont déjà leur représentation permanente à Bruxelles", reconnaît Nicole Gibourdel. L'association des maires bulgares, dont le pays ne fait pas encore partie de l'Union européenne, est, elle aussi, présente. La connotation suspecte que revêtent les groupes de pression en France et le fait que les discussion européennes ont longtemps constitué la "chasse gardée" des régions ont sans doute freiné le mouvement. Qu'est-ce qui pousse donc aujourd'hui les maires et les départements à prendre la route de la capitale européenne ? Pour Michael Keller, responsable des relations européennes à l'AMF, c'est avant tout un problème de visibilité : "Cela ne veut pas dire que le travail n'était pas fait, mais on accède aujourd'hui à une autre dimension." Ce besoin d'un discours commun s'est notamment manifesté avec la complexité des débats sur la directive Bolkestein le mois dernier.

 

Un appui au Comité des régions

Tout ce "travail de couloirs" reste très informel. Seuls les Etats ont une présence officielle, au travers de leur représentation permanente. Il faut pourtant être présent sur tous les fronts, au Parlement tout d'abord. "Le système de codécision lui donne une place importante, sachant qu'une trentaine d'eurodéputés français ont également un mandat local en France", précise Michael Keller. Les directions générales de la Commission européenne sont elles aussi ciblées par les élus locaux, en particulier leurs administrateurs qui rédigent les avis.
Dans le cadre d"un partenariat avec l'Association des régions de France (ARF), la Maison européenne apportera un appui technique aux élus français du Comité des régions. Créé par le traité de Maastricht, cet organisme n'a qu'un rôle consultatif, mais il représente 100.000 collectivités locales auprès des institutions européennes ! C'est un rouage essentiel.
Dans ce schéma, la position de l'ADF est assez originale. "Nous sommes confrontés à la fois à une montée en charge des compétences des départements du fait de la décentralisation et, dans le même temps, à toute une réflexion des instances communautaires qui aura des effets non-négligeables sur les collectivités territoriales (droit de la concurrence, l'insertion, etc.)", souligne Christine Côte. La Maison européenne des pouvoirs locaux a déjà un rendez-vous sur son agenda : la Commission européenne s'apprête à diffuser une communication sur le revenu minimum européen. Si les chantiers ne manquent pas, l'intérêt pour les élus locaux est aussi de se rapprocher des financeurs. Fonds européen de développement régional, Fonds social européen, Fonds européen agricole pour le développement rural sont autant de leviers à actionner pour obtenir des cofinancements.


Michel Tendil

 

 

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