Infrastructures - Les pays européens priés d'investir plus dans les transports
A l'occasion d'une réunion des ministres des Transports des 27 pays de l'Union européenne qui s'est tenue le 6 mai en Slovénie, la Commission a plaidé pour un accroissement des investissements dans les grands axes ferroviaires et fluviaux qui doivent traverser l'Europe d'ici 2020 mais accumulent les retards. "Il n'y a pas suffisamment de ressources publiques pour financer l'entièreté des projets prioritaires", a estimé le commissaire aux Transports, Jacques Barrot. Il s'est interrogé à cet égard sur la faible part de produit intérieur brut (PIB) dédiée aux investissements de transports dans les Etats membres : en moyenne 0,5% soit un point de moins que dans les années 80. L'idéal serait "d'aller au moins à 1% du PIB", selon lui.
Les pays européens vont encore devoir trouver 250 milliards d'euros en argent public et privé pour mener à bien les trente grands projets de transport jugés prioritaires pour éliminer les goulets d'étranglement transfrontaliers. Ces projets - dont 18 axes ferroviaires, 3 axes alliant route et rail, et 2 canaux - permettront aussi de disposer de corridors de fret sur de longues distances reliant à leurs extrémités des ports de conteneurs. "Bien sûr, je suis conscient que certains Etats membres qui sont centraux doivent investir davantage que d'autres, comme l'Italie, l'Espagne ou la France. Mais en fin de compte, le réseau ne peut souffrir de discontinuités pour être complètement opérationnel", a noté Jacques Barrot.
Les ministres ont aussi débattu du projet de la Commission d'instaurer des péages "environnementaux" pour les poids lourds, calculés en fonction de la pollution, des embouteillages ou des nuisances sonores qu'ils génèrent. Les montants prélevés seraient obligatoirement réinvestis dans des projets de transport jugés "durables". Ils pourraient aussi servir à payer des frais médicaux ou encore des dommages aux cultures agricoles et aux écosystèmes. Si certains pays périphériques de l'Europe, comme l'Espagne, le Portugal ou la Grèce, affichent leurs réticences, le projet est soutenu avec force par la France, l'Allemagne et l'Autriche. Actuellement, l'utilisation des frais de péages facturés aux poids lourds est strictement réservée aux coûts de construction et d'entretien des routes, en vertu de la directive "eurovignette", conçue pour limiter d'éventuels abus tarifaires et déjà révisée il y a deux ans. "La France est très favorable au projet de nouvelle eurovignette présenté par Jacques Barrot et nous escomptons le faire avancer sous notre présidence [de l'UE qui démarre le 1er juillet, ndlr]", a indiqué le secrétaire d'Etat chargé des Transports, Dominique Bussereau. "Il présente deux intérêts : un intérêt pour la lutte contre le changement climatique et un intérêt pour le report modal [transfert d'une partie du transport routier au rail et au fluvial, ndlr]", a-t-il justifié.
Dans l'immédiat, Paris entend utiliser la loi européenne actuelle pour faire payer d'ici 2011 aux poids lourds passant sur son territoire les coûts d'infrastructures des autoroutes gratuites et des axes nationaux. L'Allemagne a devancé la France en la matière, ce qui a entraîné un afflux de trafic frontalier sur les routes d'Alsace. Pour instaurer le péage, il faut faire un appel d'offres pour l'opérateur et bâtir un système électronique ou satellitaire compatible techniquement avec des systèmes déjà mis en place en Allemagne, en République tchèque, en Autriche, ainsi que celui envisagé aux Pays-Bas, a expliqué le secrétaire d'Etat.
Anne Lenormand avec AFP