Education - Les nouvelles technologies à l'école passent à la vitesse supérieure
Le ministre de l'Education nationale, Gilles de Robien, lançait le 14 septembre depuis le Futuroscope de Poitiers un nouveau "chantier consacré aux technologies de l'information et de la communication (TIC)". Un lieu emblématique puisque ce site accueille désormais le Centre national de documentation pédagogique (CNDP) et le Centre national d'enseignement à distance (Cned), deux acteurs majeurs de la diffusion des TIC pour l'enseignement (TICE).
Le plan du ministre propose quatre mesures : l'entrée du brevet informatique et internet (B2i) comme épreuve obligatoire du brevet des collèges dès 2008 ; la généralisation des espaces numériques de travail (ENT) dans le secondaire et leur développement dans le primaire ; l'utilisation des TICE pour l'accompagnement scolaire ; la distribution de ressources pédagogiques numérisées sur une clé USB à chaque nouvel enseignant.
"Il est temps pour l'Education nationale de passer à la vitesse supérieure ! Ma conviction, c'est que pour avancer, nous devons encourager les initiatives des collectivités locales et unir nos compétences aux leurs", a affirmé d'entrée le ministre.
Pour cela, la commission spéciale du conseil territorial de l'Education nationale, organe de concertation voulu par Jean-Pierre Raffarin dans la loi de décentralisation, s'est réunie le 11 septembre dernier. "Nous avons pu constater à cette occasion que les régions, les départements et les communes étaient prêts à unir leurs efforts aux nôtres", a assuré Gilles de Robien.
Qui va payer ?
"C'est de notre intérêt à tous de faire progresser les TIC dans les établissements scolaires et le message semble bien passer", confie Benoît Sillard, délégué général de la Délégation aux usages d'internet (DUI), également en charge des aspects pédagogiques des TICE au ministère.
"Nous avons consulté Thierry Carcenac, président de la commission TIC de l'Assemblée des départements de France (ADF), Jacques Auxiette, en charge de l'éducation au sein de l'Association des régions de France (ARF), le préfet Desforges, directeur de l'Association des maires de France (AMF)", précise le secrétaire général du ministère, Dominique Antoine.
L'ADF et l'ARF confirment bien avoir été consultées. Mais, aucune position commune n'a encore été arrêtée. "Nous attendons du ministère des engagements précis en termes de moyens, notamment humains, condition nécessaire à la crédibilité des déclarations du ministre", indique simplement l'Association des régions.
Quant à l'AMF, son directeur a bien rencontré le directeur de cabinet de Gilles de Robien début septembre pour traiter de tous les sujets "éducation", dont les TIC. Il était convenu, à ce propos, que le ministre adresse un courrier officiel à l'association des maires. Ce courrier est arrivé la veille de l'intervention du ministre.
Jeudi à Poitiers, la question cruciale n'a pas manqué de fuser : "Qui va payer ?" "Une grande partie du financement est apportée par l'Education nationale, notamment en termes de moyens humains : c'est du 50/50, du gagnant/gagnant entre l'Etat et les collectivités? Car enfin, les collectivités payent les chaises, les tables pourquoi pas les ordinateurs, les réseaux ? Aujourd'hui, acheter un tableau noir ou un tableau interactif, c'est pareil !", ont répondu les chargés de mission TIC du ministre.
Généraliser les espaces numériques de travail
300.000 élèves du secondaire utilisent déjà des ENT. Ces bureaux virtuels ou "cartables électroniques" d'échanges entre les établissements scolaires et tous les acteurs de l'éducation sont suivis par le ministère et la Caisse des Dépôts. Ils touchent 8 régions, 22 départements et 14 académies. La Bourgogne, l'Auvergne, l'Alsace, la Haute-Normandie et la Réunion ont réussi à fédérer l'ensemble des collectivités et des services déconcentrés de l'Etat concernés par les élèves du secondaire. En Savoie, Isère, Haute-Marne, Pyrénées-Atlantiques et Alpes-Maritimes, une dynamique départementale semble émerger depuis l'an dernier.
Pour le secondaire, le premier objectif concret du ministre est de généraliser le livret scolaire électronique en commençant par un livret des compétences en langues vivantes, appelé "portfolio". En 2007, tous les collégiens devront en être dotés, puis tous les élèves des écoles primaires dès 2008.
Or, "un projet ENT est avant tout un projet territorial piloté par un ensemble d'acteurs ou structures institutionnelles responsables de la gestion d'une population scolaire située sur un territoire donné", affirme la publication "L'espace numérique de travail au collège et au lycée, mode d'emploi d'une généralisation" édité conjointement par le ministère et la Caisse des Dépôts.
Accompagner les communes
"Nous devons faire mieux et aller plus vite, notamment pour équiper les écoles primaires, où les espaces numériques sont encore insuffisamment développés. Compte tenu du rôle majeur que jouent les communes dans les écoles primaires, nous devons travailler avec elles pour avancer", a insisté Gilles de Robien. Pour apporter une aide aux communes, le ministre a signé une convention de partenariat avec la Caisse des Dépôts (lire encadré ci-dessous).
"Nous savons tous que se développent actuellement des activités commerciales de soutien scolaire. L'Education nationale ne peut accepter l'idée que seuls ceux qui en ont les moyens pourraient avoir accès à des produits informatiques de soutien scolaire", a poursuivi le ministre. Sans vouloir intervenir massivement sur un marché qui croît de 20% par an, Gilles de Robien a pris deux décisions.
La première consiste à soutenir huit projets d'accompagnement à la scolarité utilisant les TIC, suite à l'appel à propositions lancé par la Délégation aux usages de l'internet en février 2006. Ces initiatives de communes ou de groupements de communes, d'associations et autres partenaires, sont notamment situés dans les quartiers concernés par l'éducation prioritaire. Trois d'entre eux sont mis en œuvre dès cette rentrée par les conseils généraux de la Somme et du Val-d'Oise ainsi que par la ville de Lyon.
La seconde décision : le Cned devra remettre au ministre "des propositions concrètes pour développer l'accompagnement scolaire par internet" et "envisager, si nécessaire, la création d'un service spécifique". La copie est à remettre avant le 20 décembre, un nouvel appel à projets devant être lancé au premier semestre 2007. D'autres collectivités devraient ainsi pouvoir répondre à cet appel.
Luc Derriano / EVS, à Poitiers
"Mon enfant à l'école primaire"
En 2006, la Caisse des Dépôts a développé un projet de nouveau service accessible via internet baptisé "Mon enfant à l'école primaire". Ce service offre aux parents d'élèves un accès en ligne pour "l'inscription à l'école, au gymnase, et aux activités parascolaires offertes par les mairies".
Selon le même principe que Service Public Local, l'information sera produite par la Documentation française et pourra être enrichie localement par tous les acteurs compétents (département, inspection d'académie, commune). "Mon enfant à l'école primaire" est ainsi prévu pour s'insérer, en marque blanche, sur les sites internet des communes. Ce service constituera "l'une des composantes des espaces numériques de travail" que le ministre souhaite voir généralisés dans le primaire.
Des villes pilotes devraient être retenues début 2007, choisies conjointement par les deux partenaires. Ce service sera ensuite commercialisé par la Caisse des Dépôts. Les éditeurs privés pourront aussi proposer leurs solutions qui viendront se greffer au socle proposé. "C'est un système coopératif : il s'appuie sur l'expérience technique des équipes de la Caisse, sur la validation des contenus par le ministère et sur les communes sans lesquelles le service ne pourra se développer", a expliqué à Poitiers, Philippe Braidy, directeur du développement territorial de la Caisse des Dépôts.
L.D.