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Déplacements - Les nouvelles mobilités au service des ménages ruraux

Un rapport commandé par la Direction générale des entreprises (DGE) et le Commissariat général au développement durable (CGDD) se penche sur les nouvelles mobilités et les usages novateurs de la voiture. Il montre notamment que le covoiturage et l'autopartage, aujourd'hui cantonnés aux grandes agglomérations, sont des solutions toujours sous-exploitées face aux besoins de transport des ménages ruraux. Plusieurs scénarios sont proposés pour mobiliser les différents acteurs, collectivités en tête.

Constatant le développement de nouveaux usages de la voiture sous l'impulsion des technologies du numérique, la Direction générale des entreprises (DGE) et le Commissariat général au développement durable (CGDD) ont commandé une analyse prospective sur les "usages novateurs de la voiture et nouvelles mobilités" qui vient d'être rendue publique. Fondées sur l'utilisation plus que sur la propriété du véhicule, les pratiques comme l'autopartage et le covoiturage connaissent pour l'instant un essor limité, alors même que l'étude note l'existence d'"un réservoir de demandes". Pour accompagner cette évolution, le rapport propose un état des lieux et ouvre de nouveaux chantiers pour les territoires. 

Les nouveaux usages passent la première

Le numérique a favorisé l'essor de pratiques novatrices comme l'autopartage et le covoiturage, fondées sur un basculement de la possession vers une solution de mobilité à l'usage d'un service. Le covoiturage peut traduire des réalités multiples, avec des déplacements sur des longues distances ("intercités"), des trajets pendulaires ("domicile-travail") ou encore une offre plus "dynamique" en milieu urbain, qui consiste à synchroniser l'offre et la demande en temps réel. Si le covoiturage est porté par sa principale licorne Blablacar (trajets intercités), l'étude note que "les autres services peinent à croître et à atteindre la masse critique nécessaire à la rentabilité de l'offre". A l'image du covoiturage domicile-travail qui ne représente pour l'instant que 3% des trajets pendulaires alors qu'il comporte le "plus gros réservoir de demandes et d'actions pour réduire l'impact social, environnemental et urbain de l'automobile".
L'autopartage est la mise en commun d'une ou plusieurs voitures au profit d'utilisateurs habilités. Différents modèles existent : "en boucle" qui oblige à ramener la voiture à son emplacement initial ou encore en "trace directe" qui autorise un aller-simple. Si les grandes agglomérations ont surtout misé sur ce dernier, le rapport note qu'il ne "contribue que partiellement au report modal et à la dépossession". A l'inverse, les services "en boucle" permettent "davantage aux usagers de se dispenser de l'achat d'une voiture, mais leur développement reste aujourd'hui limité". Enfin, avec les services en "libre-circulation" (free-floating) l'utilisateur peut déposer le véhicule (réservable et géolocalisable) où il le souhaite dans une zone définie et restreinte.
Par ailleurs, les services de VTC (véhicule avec chauffeur) ont énormément bénéficié du développement du numérique pour atteindre de nouveaux publics, notamment grâce à la simplification des démarches de réservations.

Une offre en sous-régime face à la demande

Le potentiel des nouvelles mobilités reste pour l'instant peu exploité par les acteurs de la filière automobile, laissant de côté un grand nombre d'utilisateurs potentiels. Les auteurs de l'étude notent que les "constructeurs et les gestionnaires de parking sont davantage en retrait" et n'émettent pas "a priori, le souhait de s'engager financièrement ou stratégiquement dans cette voie". Face au faible intérêt stratégique de la part des constructeurs pour ces nouveaux usages, "les acteurs liés aux transports publics et aux politiques nationales et locales des transports paraissent susceptibles de jouer un rôle clé". Là où les constructeurs historiques se montrent plus "sélectifs", les nouveaux entrants comme Bolloré (autopartage), Drivy, Ouicar ou encore Blablacar (covoiturage) peuvent porter cette nouvelle dynamique aux côtés des acteurs publics.
D'autant plus que l'étude met en avant "un réservoir de demandes en France" pour ces nouveaux services de mobilité. Les dispositifs actuels ciblent avant tout des publics urbains (dans les "quintiles supérieurs"), qui sont parmi les moins contraints financièrement. Alors même que c'est dans les zones les moins denses que les "besoins en mobilité sont les plus criants". Pour des raisons financières, les ménages ruraux sont ceux qui "font le plus de kilomètres, rejettent le plus de CO2 dans l'atmosphère et participent le moins au chiffre d'affaires des constructeurs d'automobiles". Ainsi, si le besoin d'"offres alternatives à l'achat d'un véhicule" se fait de plus en plus pressant, aucun service existant ne "répond à cette demande potentielle ni ne s'apprête à le faire". Ces ménages représentent un potentiel "non exprimé à ce stade", mais dont la dépendance à la voiture est très forte et qui pourraient "satisfaire leurs besoins de mobilité automobiles sur la base de frais partiellement partagés".

Dégager l'horizon des nouvelles mobilités

Les nouveaux services de mobilité ont été principalement déployés là où "il était à la fois le plus facile et le moins nécessaire de le faire", c'est-à-dire là "où il y avait le plus de chance que ça marche, en agglomération dense". Testés dans les territoires, ils se sont principalement "soldés par des échecs". Face à cette distorsion entre la demande potentielle et l'offre, les acteurs publics ont un rôle à jouer, estime l'étude. Elle incite ainsi les collectivités à investir dans des expérimentations territorialisées de mobilité afin d'adapter l'offre aux territoires, d'améliorer la connaissance des usagers sur le sujet ou encore de favoriser l'échange des acteurs industriels locaux sur ces sujets … Autre proposition, mettre en partage une partie du parc automobile de l'Etat et des collectivités, ce qui permettrait de diffuser les pratiques d'autopartage à moindre frais, de réduire les coûts des flottes publiques tout en faisant preuve d'exemplarité. Le rapport préconise également l'ouverture d'un débat national et territorial sur les politiques applicables aux nouvelles mobilités et plaide pour la standardisation et l'ouverture des données de transport. Enfin, sur le plan technique, les acteurs privés sont invités à accompagner les territoires dans leurs politiques de transports partagés, tout en mettant l'accent sur l'intermodalité. 
Adoptant une approche prospective, le rapport propose trois scénarios pour tester et libérer les "potentialités économiques et environnementales de la diffusion des nouveaux usages". Soit en "enrichissant l'offre intermodale", en travaillant à rendre plus complémentaires les différents moyens de transports par des investissements publics. Ou alors par l'"annexion des nouvelles mobilités", dans une approche "continuiste", où les acteurs traditionnels de la filière automobile complètent et crédibilisent les solutions développées par les nouveaux entrants. Ou encore, par un "partage généralisé et numérisé", où les plateformes existantes deviennent dominantes et incitent les acteurs publics et industriels à s'adapter.

 

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