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Droit d'auteur - Les nouveaux droits des fonctionnaires créateurs

La loi Dadvsi reconnaît aux agents publics (Etat, collectivités territoriales et établissements publics à caractère administratif) la qualité d'auteur. Un régime spécifique est toutefois mis en oeuvre pour permettre à l'administration qui les emploie de continuer à assurer sa mission de service public sans être entravée.

De plus en plus de fonctionnaires contribuent à la création d'oeuvres mises à disposition du public, en ligne sur des sites conçus sous la direction d'une collectivité ou sous la forme de CD-Rom. Ils pourront désormais prétendre à une compensation financière au titre des créations relevant des domaines de la propriété intellectuelle comme c'est déjà le cas pour les inventions brevetables qu'ils réalisent.

La loi du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (dite loi Dadvsi) modifie le régime qui leur est applicable. Celui-ci résultait auparavant d'un avis du Conseil d'Etat rendu il y a plus de trente ans (avis 309.721 "Ofrateme" du 21 novembre 1972) qui déniait aux fonctionnaires tout droit sur les oeuvres réalisées dans le cadre de leurs fonctions et avec les moyens du service. Ils ne pouvaient être auteur que si la création était "détachable" du service. L'évolution technologique a remis en cause le caractère binaire du principe dégagé en 1972. La loi organise désormais un régime plus compatible avec les principes régissant le droit d'auteur des salariés. Ainsi, elle reconnaît expressément aux agents publics la qualité d'auteur pour les oeuvres réalisées dans le cadre de leurs fonctions, sous la seule réserve qu'elles n'aient pas la nature d'oeuvres collectives au sens de l'article L.113-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI).

 

Des droits moraux et de cession aménagés

L'exercice de ce nouveau droit doit néanmoins garantir à la collectivité qui les emploie les moyens d'assurer sa mission de service public. La loi limite ainsi l'exercice des droits moraux de l'agent de manière à ne pas entraver le fonctionnement du service public (art. L. 121-7-1 CPI) et prévoit également que lorsque l'oeuvre est exploitée pour la réalisation d'une mission de service public ne donnant pas lieu à exploitation commerciale, la collectivité bénéficie d'une cession légale des droits patrimoniaux (art. L. 131-3-1 CPI).

S'agissant des droits moraux, le nom de l'auteur doit figurer sur l'oeuvre, sauf lorsque cette obligation porte atteinte au bon fonctionnement du service. En revanche, le droit du fonctionnaire de décider ou non de la communication de l'oeuvre ainsi que le droit de choisir les conditions et procédés d'une telle diffusion est limité par les impératifs liés au fonctionnement du service. L'auteur fonctionnaire ne peut pas s'opposer à une modification de l'oeuvre "décidée dans l'intérêt du service" dès lors qu'elle ne porte pas atteinte à son honneur ou à sa réputation. Il ne peut pas non plus exercer son droit de repentir et de retrait, sauf accord de l'autorité investie du pouvoir hiérarchique.

 

Le principe d'un intéressement du fonctionnaire

La loi instaure le principe général d'un intéressement du fonctionnaire à l'exploitation de son oeuvre. Si la collectivité souhaite en faire une exploitation commerciale, la loi ne prévoit aucun régime de cession légale mais un simple "droit de préférence" dont les contours devront encore être précisés par décret en Conseil d'Etat. De nombreuses questions risquent d'être soulevées du fait de l'imprécision caractérisant tant le droit de préférence que son articulation avec le mécanisme de la cession légale. S'agira-t-il d'un droit de préférence comme celui mis en place pour le contrat d'édition ou plutôt d'un droit de préemption ? De même, les modalités d'intéressement des fonctionnaires qui seront fixées par décret seront-elles calées sur celles du droit commun de la propriété intellectuelle (participation proportionnelle aux recettes) ou seront-elles totalement nouvelles ?

Dans le cas où la collectivité souhaite faire une exploitation commerciale à proprement parler de l'oeuvre ou en retire "un avantage" (notion dont les contours devront être précisés), le fonctionnaire bénéficie également d'un intéressement. Là encore, le décret à venir doit en fixer les modalités qui seront sans doute complexe à définir en l'absence de référentiel d'exploitation commerciale.

 

Laurence Tellier-Loniewsk, Isabelle Pottier, avocats / Cabinet Alain Bensoussan

 

 

La notion d'oeuvre est très large : elle vise les oeuvres littéraires, graphiques, musicales, images, photographies, articles de presse, logos, logiciels, bases de données, documentation technique, etc. Selon la formule consacrée de l'article L.112-1 du Code de la propriété intellectuelle, les droits d'auteur s'appliquent à toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, le seul critère étant l'originalité. De nombreux fonctionnaires territoriaux peuvent donc être concernés.

 

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