Les marchés publics face aux hausses de prix : les collectivités demandent à Bercy un assouplissement des consignes
Face à l’envolée des prix de l’énergie et des matières premières, les acheteurs publics locaux peinent à trouver les bons outils juridiques pour adapter l'exécution de leurs marchés. Une circulaire de fin mars fournissait certes des recommandations. Dont le recours au versement d'une indemnité en vertu du principe de l'imprévision. Mais celui-ci s'avère souvent inadapté, estiment cinq associations d'élus locaux qui demandent aujourd'hui à Bercy d'envisager d'autres solutions.
Fin mars, Jean Castex adressait aux préfets une circulaire visant à adapter l’exécution des marchés publics, y compris ceux des collectivités, à la "circonstance exceptionnelle" liée à l’envolée des prix de l’énergie et des matières premières. Il y était question des possibles modifications à apporter aux contrats en cours (modification des spécifications, des quantités à fournir ou des délais de réalisation…), du principe de l'imprévision permettant le versement d'une indemnité et de suspension des pénalités de retard (voir notre article sur cette circulaire).
Ces recommandations aux acheteurs, les collectivités "se sont employées à les mettre en œuvre", font savoir les présidents de cinq associations d'élus (AMF, ADF, Régions de France, Intercommunalités de France, France urbaine) dans un courrier commun à Bruno Le Maire daté du 9 mai. Les reports de délais ou la suspension des pénalités, notamment, "sont appliqués chaque fois que nécessaire". Mais cela ne suffit pas toujours et les outils juridiques dont disposent les acheteurs publics locaux s'avèrent dans certains cas peu adaptés à la pleine prise en compte des "augmentations exceptionnelles des coûts" sévissant aujourd'hui. Elles demandent donc à Bercy de "pouvoir engager un dialogue afin de trouver les voies d’un assouplissement des recommandations de la circulaire du 30 mars". Car l'enjeu est de taille. Les associations signataires évoquent des prestataires qui préfèrent "renoncer à poursuivre l’exécution du marché, plutôt que de continuer à dégrader leur trésorerie", des artisans et PME connaissant des situations "difficilement tenables" et, de l'autre côté, des collectivités "en risque de subir des ruptures d’approvisionnement, compromettant gravement le fonctionnement de certains services".
Les mécanismes d’indexation, notamment, ne constituent pas toujours une réponse suffisante, "soit parce que la fréquence de calcul des révisions est inadaptée à la forte volatilité des cours, soit parce que la formule paramétrique ne reflète pas la structure de coût des biens ou prestations commandés", expliquent les élus. Et "le recours à l’imprévision et au versement d’une indemnité extracontractuelle" préconisé par la circulaire "apparaît le plus souvent inadapté" à la situation actuelle.
L'imprévision peut être un instrument pertinent pour des contrats ayant des durées d'exécution longues (exploitation d'équipements publics par exemple) et a d'ailleurs été utilisée pendant la crise sanitaire… mais pas "lorsqu’il s’agit d’apporter une réponse rapide et immédiate à des prestataires subissant des hausses supérieures à leurs marges", sachant que le montant définitif de l'indemnité "ne pourra être calculé qu’à l’issue d’un lourd processus administratif opéré en fin de contrat". Et que cette indemnité "ne viendra que partiellement compenser un déficit réellement important, et non un simple manque à gagner". Autre problème de l’indemnité, cette fois du point de vue de la collectivité : elle est payée sur des crédits de fonctionnement et non d’investissement.
Dans ce contexte, les acheteurs "n’ont d’autre choix que de recourir à la passation d’avenants", constatent les associations d'élus. Des avenants "permettant de notifier des prix nouveaux temporaires tenant compte des hausses réellement constatées, et dûment justifiées, incluant une baisse de marge des fournisseurs, et dont la durée d’application limitée est assortie d’une clause de réexamen et/ou de retour à meilleure fortune". Un exercice d'équilibriste du point de vue juridique… mais qui "permet de poursuivre au moins pour une période déterminée l’exécution du marché, le temps, le cas échéant, d’organiser la relance d’un nouveau marché". Les élus y voient donc l'une des "solutions pragmatiques" qu'ils souhaiteraient voir faire partie des recommandations officielles à l'issue de leurs échanges avec Bercy et sa direction des affaires juridiques (DAJ).