Congrès des maires ruraux - Les maires ruraux adoptent une motion sur l'école rurale pour "une organisation scolaire rénovée"
"C'est à partir du niveau local le plus fin que doit se décider la réorganisation de l'offre scolaire", et non pas selon "la logique arithmétique et marchande" de l'Education nationale, estiment les maires ruraux dans une motion sur l'école rurale adoptée le 9 octobre, à Saint-Vincent-de-Boisset (Loire), à l'issue de deux jours de congrès.
Ils demandent "une révision des principes devenus obsolètes de la répartition du financement de l'école" guidée par "la volonté constante de l'administration de privilégier les pôles urbains" à laquelle "s'ajoute aujourd'hui la baisse des moyens". Naturellement, les maires ruraux qui s'auto-proclament "aménageurs du territoire", ne veulent pas de cette logique. Ils veulent même exactement l'inverse : ils militent pour "la présence scolaire en zones rurales", reconnaissant que cela implique "un surcoût qui suppose un dispositif de financement spécifique".
"Le rêve de l'Education nationale serait de n'avoir qu'une école par chef-lieu de canton"
Evidemment, les "conventions ruralités" en prennent plein la figure. Ces documents, dans lesquels l'Etat s'engage à maintenir le nombre de postes d'enseignants pendant trois ans en échange de quoi les communes s'engagent à réfléchir à des regroupements de leurs écoles, sont d'ailleurs vus comme les "faux-nez d'une menace grave sur de nombreuses écoles rurales". En voulant des "conventions ruralités" partout (en l'occurrence l'Education nationale s'est fixée comme objectif d'en signer dans 66 départements ruraux), "l'Etat s'enferme dans une impasse idéologique avec la volonté d'imposer un principe généralisé, consistant à fusionner toujours plus avant les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI), ou concentrer l'offre scolaire dans les pôles urbains en fermant toutes les écoles de moins de 4 classes", lit-on dans la motion. "Le rêve de l'Education nationale serait de n'avoir qu'une école par chef-lieu de canton", avait traduit Vanik Berberian, président de l'Association des maires ruraux de France, à Localtis (voir notre interview ci-contre du 10 octobre 2016).
Les conventions ruralités n'ont aucune valeur contraignante
Précision importante pour les maires les plus insoumis : l'AMRF rappellent que "ces conventions ou chartes, qui dessinent une organisation scolaire future précise, n'ont aucune valeur juridique ni contraignante". Et les maires doivent d'autant moins se sentir obligés de les appliquer qu'elles auraient été signées "par des personnes qui ne disposent pas de la compétence sur le sujet comme les parlementaires ou présidents d'associations de maires qui n'ont pas eu délégation pour le faire". Pour rappel, ces conventions sont signées entre l'Etat et les associations départementales des maires...
Les maires ruraux en appellent donc à une nouvelle "architecture scolaire", qui serait définie par eux et l'Education nationale. Selon eux, "la définition d'un périmètre de scolarisation en vue d'assurer l'amélioration des conditions de scolarité pour les élèves doit s'appuyer sur un diagnostic objectif, sincère et partagé, en refusant de laisser la maitrise des évènements à la seule Education nationale, avec ou sans convention Ruralités".
Il serait bon pour cela d'engager une réforme des conseils départementaux de l'Education nationale (CDEN) pour qu'ils deviennent "un véritable lieu de réflexion et de décision prospective sur l'organisation scolaire, et non plus une simple chambre d'enregistrement d'une carte scolaire imposée".
Un maillage scolaire élaboré à partir des caractéristiques locales
Les principes qui devraient guider ce changement de paradigme sont posés dans la motion. Il s'agirait de : "établir et préserver un maillage scolaire pertinent apprécié à partir des dynamiques et caractéristiques locales" ; "accroître la pression sur l'Etat, les départements et les régions pour accélérer l'équipement numérique des communes rurales car le numérique est un facteur de pérennisation des écoles" ; "la subsidiarité doit prévaloir (...) L'offre scolaire doit prendre en compte l'intérêt de l'élève, notamment en considérant la question du temps de transport" ; "elle doit également s'appuyer et s'intégrer au projet de territoire en renforçant l'implication des associations qui concourent à construire une offre globale, véritable plus-value à l'éducation" ; "appeler les représentants de l'Education nationale à davantage de respect et de considération envers les élus" ; "réfléchir aux rapports entre élus en matière d'organisation scolaire, où le "captage" d'enfants entre communes pour maintenir ses propres effectifs est malheureusement monnaie courante".
Valérie Liquet
Le PLF pour 2017 poursuit "le financement de la ville par la campagne"
On le sait, la voix des maires ruraux font partie de celles – peu nombreuses – qui se sont fait entendre pour déplorer le report de la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) annoncé par François Hollande en juin dernier et confirmé par le projet de loi de finances pour 2017. Ces maires ont tenu à le redire haut et fort dans une motion dédiée aux finances locales adoptée lors de leur congrès. Pour eux, le renoncement à cette réforme est bien "une erreur historique", écrivent-ils. "C'est une question de rapports entre riches et pauvres, pas seulement entre le rural et l'urbain", assurait Vanik Berberian à Localtis à la veille de ce congrès (lire notre interview du président de l'AMRF).
Le PLF, certes, compte un volet péréquation. Mais s'il engage une réforme de la dotation de solidarité urbaine (DSU), la réforme de la dotation de solidarité rurale (DSR), elle, a visiblement été renvoyée à la réforme d'ensemble de la DGF donc à 2018 ("il est très dur de toucher à la DSR sans toucher à la dotation forfaitaire", confiait dès juin dernier un spécialiste des finances locales). Les maires ruraux le regrettent. Ils se félicitent toutefois de voir la DSR augmenter une nouvelle fois (mais moins vite que la DSU…).
Autre constat amer de l'AMRF : "Les mécanismes de mise en oeuvre et la pratique de l'Etat dans les départements tend à limiter l'accès des communes rurales" aux divers dispositifs visant à atténuer l'effet de la baisse des dotations. L'association exige ainsi "l'abaissement des seuils d'accès au fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) pour que les communes rurales en soient réellement les bénéficiaires. De même, elle regrette que l'accès des communes rurales à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) – dotation certes en augmentation – soit limité "du fait des préfets qui orientent de plus en plus son usage". Elle demande, encore, "l'accès au contrat de ruralité pour toutes les communes rurales". Et assure, enfin, que "contrairement à l'engagement du ministre de la ruralité au Comité interministériel de Privas en mai 2016, la possibilité de cumuler FSIL et DETR est souvent impossible". Tout récemment encore, le jour de la présentation du PLF en Conseil des ministres, Jean-Michel Baylet faisait effectivement valoir que FSIL, DETR et Fnadt (fonds national d'aménagement et de développement du territoire) étaient "cumulables" pour un même projet.
Une dernière doléance pour la route ? Que l'on renonce au blocage, là encore inscrit dans le PLF, du fonds de péréquation intercommunal (Fpic) à son niveau actuel. Le non-relèvement du Fpic "favorisera une fois de plus les territoires les plus riches", assurent les maires ruraux, précisant de surcroit que "son mécanisme intègre une hiérarchisation au profit des urbains avec un outil de calcul pénalisant pour les campagnes (l'échelle logarithmique)" et "organise, dans les faits, le financement de la ville par la campagne".
L'AMRF n'a pas l'intention de baisser les bras et compte sur les parlementaires pour présenter un certain nombre d'amendements servant sa cause. Sauf qu'elle risque, sur certains points, de manquer sérieusement d'alliés.
Claire Mallet