Les Interconnectés se donnent trois ans pour penser les usages de l'IA
L'association des Interconnectés rend effectif son projet d'observatoire sur l'intelligence artificielle, annoncé en février 2023. Eclairée par des experts, la tête pensante du numérique de France urbaine et d'Intercommunalités de France va déployer une bibliothèque de cas d'usages spécifiques aux territoires, mieux évaluer l'impact de l'IA sur le travail des agents et alimenter sa réflexion sur la régulation de l'IA.
"On veut se donner le temps de réaliser un travail de fond sur l'intelligence artificielle", a résumé Francky Trichet, président des Interconnectés et vice-président de Nantes Métropole en présentant le plan IA de l'association à l'occasion de l'Interco Tour Île-de-France, organisé au Hub des Territoires (Banque des Territoires) à Paris le 6 juillet 2023. Un plan sur trois ans qui veut faire fi du buzz autour de ChatGPT et du marketing territorial pour penser une IA "éthique, responsable et sobre" au service des territoires et de leurs habitants. Pour Manu Reynaud, adjoint au maire de Montpellier, il s'agit aussi de mettre sur la place publique un sujet jugé éminemment "politique" alors que "le nombre d'articles sur ChatGPT est inversement proportionnel au débat public sur l'IA".
Trois ans, trois chantiers
Trois chantiers ont été identifiés par les élus :
- la documentation des cas d'usages,
- l'impact sur les métiers,
- et l'encadrement de l'IA.
L'association entend ainsi sélectionner les cas d'usages intéressant les territoires et réplicables pour constituer une "bibliothèque" de cas d'usage d'ici la fin de l'année. Pour cela, l'association peut d'ores et déjà s'appuyer sur un inventaire de 40 cas recensés l'an dernier. Des exemples ? L'utilisation d'une IA à Toulouse ou Nantes pour lutter contre le gaspillage alimentaire et faire coller au mieux les quantités à fabriquer avec une simulation de la fréquentation des cantines. Autre exemple, l'analyse des données satellitaires, croisées avec celles de Météo France pour cartographier les îlots de chaleur. Tous ces cas d'usage seront documentés, les algorithmes mis à disposition s'ils sont ouverts. Cet inventaire sera enrichi des initiatives en cours, notamment en matière d'utilisation de l'IA pour les transitions numérique et énergétique (voir encadré).
Expérimenter avant de déployer
Le second chantier concerne l'usage de l'IA dans les services des collectivités. "L'impact de l'IA va peser moins sur la transformation des métiers que sur l'organisation du travail", a assuré Laurent Watrin, adjoint au maire de Nancy. Quant à ChatGPT, dont l'usage a été "interdit" à Montpellier dès lors que l'IA générative utiliserait des données de la collectivité, la porte n'est pas totalement fermée (notre article du 4 avril 2023). Francky Trichet souhaite ainsi l'émergence d' "espaces d'expérimentation", suivant le modèle de ville comme Boston aux États-Unis, pour tester, observer et vérifier l'acceptation des agents "avant de déployer".
Enfin, le troisième chantier concerne la régulation de l'IA, objet d'un projet de règlement européen (notre article du 12 mai 2023) et d'initiatives parlementaires. Le principal dossier concerne la reconnaissance faciale que quelques sénateurs souhaiteraient expérimenter dans l'espace public quand la loi sur les JO se limite à l'expérimentation de la vidéoprotection intelligente pour identifier des objets ou des mouvements anormaux.
Comité scientifique
Pour mener à bien ces travaux, les Interconnectés vont s'appuyer sur un "comité scientifique", où participeront notamment Jacques Priol (observatoire Data Publica), Bertrand Monthubert (Ekitia- ex Occitanie data) et des universitaires. Dès la mi-juillet, l'association organisera un cycle d'auditions d'experts de la donnée, de fournisseurs de solutions, de régulateurs… afin de nourrir le débat public et de permettre aux élus d'affirmer une position éclairée.
Thomas Cottinet, chef de l'Ecolab du ministère de la Transition écologique, a profité de l'Interco Tour pour inciter les collectivités à candidater à l'appel à projets "démonstrateurs d'IA frugale dans les territoires pour la transition écologique". "Nous avons modifié le cahier des charges, qui ciblait à l'origine davantage les startups et les entreprises, pour faciliter la participation des collectivités", a-t-il souligné. Pour mémoire, cet appel à projets est doté de 40 millions d'euros sur cinq ans pour financer des "applications d'intelligence artificielle mises au service des objectifs de décarbonation, de transition écologique et énergétique des territoires". Il a été remanié pour faire converger les stratégies "Ville durable et bâtiments innovants" et "Intelligence artificielle". L'appel à projets est ouvert jusqu'au 7 novembre 2023. |