Les huit travaux que l'AMF veut porter au Parlement européen
A l'entame de la nouvelle législature européenne, l'Association des maires de France entend se rapprocher des eurodéputés pour peser davantage dans les décisions, sachant que "70% des textes européens ont un effet direct sur les communes". De nombreux règlements et directives actuellement dans les tuyaux font naître des inquiétudes.
"70% des textes européens ont un effet direct pour les communes", rappelle l'Association des maires de France (AMF), dans une contribution adressée aux parlementaires européens récemment élus à l'entame de la nouvelle législature. "Le droit communautaire concerne la plupart des compétences des communes et des intercommunalités. C’est pourquoi la reconnaissance de la place du bloc communal doit encore s’affirmer au sein de l’Union européenne", souligne l'association, dans un communiqué. Dans cette contribution rendue publique le 7 octobre, elle demande aux députés de tenir compte de "huit requêtes" pour garantir les intérêts locaux dans l'élaboration des textes européens et faire primer le principe de "subsidiarité", alors que la précédente législature a produit une avalanche de textes les concernant directement.
Il en va ainsi du nouveau règlement sur les emballages qui impose de mettre en place un système de consigne au niveau européen. Les communes et intercommunalités "perdraient une partie de cette compétence et l’écosystème mis en place localement deviendrait inadapté et donc inutile", s'inquiètent les maires. De même pour le logement, avec la nomination, pour la première fois, d'un commissaire dédié. Les maires veulent pouvoir continuer à "mettre en place au niveau local des politiques de logement ambitieuses". "La lutte contre la pénurie de logements destinés à la location a encore été reconnue récemment comme une raison impérieuse d’intérêt général, selon la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)", rappelle l'AMF. Une référence à une décision du 22 septembre 2020 qui concernait la ville de Paris (voir notre article).
Service public local et sécurité civile
Plus généralement, elle souhaite que les eurodéputés s'engagent à défendre les modèles français de service public local, reposant largement sur la fonction publique, et de sécurité civile, très dépendant, lui, du volontariat. Lors du dernier congrès des sapeurs-pompiers, le Premier ministre Michel Barnier a promis de défendre ce modèle de sécurité civile fragilisé par la jurisprudence européenne (arrêt Altmark), annonçant que le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau allait en "traiter les points de fragilité" et "clarifier le cadre d’emploi des sapeurs-pompiers volontaires lorsque c’est nécessaire, notamment dans les situations d’emploi les plus contraintes" (voir notre article du 30 septembre). L'AMF plaide par ailleurs pour l’instauration d’une "force mobile de protection civile" afin de répondre aux crises. Dispositif que l'actuel locataire de Matignon préconisait déjà dans un rapport de 2006 (voir notre article du 19 mars 2020).
Autres sujets d'inquiétudes pour les maires : la révision de la directive "méga-camions" qui vise notamment à augmenter les dimensions et poids maximaux autorisés des camions (voir notre article du 3 juin). Ce texte "réduirait l’impact des politiques menées depuis de nombreuses années pour favoriser le report modal du fret et s’orienter vers des solutions décarbonées et aura un fort impact sur l’état de nos infrastructures routières", fait-elle valoir. Elle demande par ailleurs de la "souplesse" dans l'exécution de la proposition de directive sur la surveillance et la résilience des sols présentée en juillet 2023.
Exception alimentaire
En matière de commande publique, l'AMF propose que les normes sectorielles soient regroupées dans un "cadre commun". Pour ce qui est de la restauration collective, elle plaide pour une "exception alimentaire", thème défendu par les associations d'élus pendant la campagne présidentielle. Départements et régions avaient fait cause commune lors du dernier salon de l'agriculture pour demander la prise en compte d'un critère de proximité dans les marchés. Lors d'une "conférence des solutions" qui s'était tenue le 2 avril, le précédent gouvernement s'était montré prêt à ouvrir une brèche (voir notre article du 2 avril). Puis, plus rien...
L'AMF attire enfin l'attention des eurodéputés sur la mise en œuvre de la directive NIS2 adoptée en 2023 qui étend aux collectivités des obligations qui, jusque-là, incombaient aux entreprises, notamment en matière de cybersécurité (voir notre article du 4 octobre). Ce qui impliquera un "besoin de compétences" et "demandera aux maires et présidents d’intercommunalité un certain temps pour parvenir efficacement à remplir ces objectifs".
Politique de cohésion et PAC
Après les régions il y a quelques jours (voir notre article du 27 septembre), les maires montent à leur tour au créneau pour défendre la politique de cohésion et la politique agricole commune (PAC), "les deux politiques européennes d’investissement les plus conséquentes dans les territoires" qui pourraient servir de "variables d'ajustement" dans le cadre des futurs arbitrages budgétaires et être recentralisées. L'AMF appelle notamment à poursuivre le programme de développement rural Leader tout en demandant de ne pas s'y limiter. Elle appelle parallèlement à un "choc de simplification" des fonds européens, en particulier pour les petits projets Leader.
Enfin, l'AMF demande d'impliquer plus fortement les maires et présidents d'EPCI "dans l’élaboration des textes qui les concernent", par le biais d'échanges réguliers entre les eurodéputés et les commissions et groupes de travail de l'association. "Que ce soit en matière de développement durable, d’aménagement du territoire ou de politiques sociales, les communes et leur intercommunalité sont le premier maillon de ces politiques et l’UE est amenée à jouer un rôle", souligne-t-elle.