Les foncières, des atouts pour l'aménagement des quartiers de gare
Dans le cadre d'une conférence organisée par le Hub des Territoires, les atouts des foncières pour dynamiser les quartiers de gare ont été mis en avant. Au cœur de ces avantages : une gouvernance adaptée, un équilibre des opérations et un portage dans le temps.
Créées sous l'impulsion du plan de relance pour contribuer à la revitalisation des centres-villes (voir notre article du 14 février 2022), les foncières de redynamisation partent à l'assaut des quartiers de gare. Des quartiers qui ont leurs spécificités, comme l'a exposé Thaïs d'Audeville, consultante à la Scet, le 11 juillet, lors d'un atelier organisé au Hub des Territoires (Banque des Territoires) pour marquer les trois ans du réseau national de ces foncières de redynamisation. "La transformation des quartiers de gare a été fortement poussée ces dernières années par l'évolution des modes de mobilités, l'essor des appels à manifestation d'intérêt pour les pôles multimodaux, le besoin de renouvellement et des programmes type Action cœur de ville [ACV]", a-t-elle expliqué. Ce sont des quartiers complexes, car viennent s'imbriquer des enjeux liés à l'aménagement, aux mobilités et au commerce.
Dans sa phase II, le programme ACV cible le réaménagement de ces quartiers de gare (voir notre article du 15 février 2022) afin de permettre aux villes moyennes sélectionnées de s'adapter aux transitions à venir, démographique, environnementale et économique. Dans ce travail, les foncières "ont vocation à faciliter la mise en œuvre en apportant des solutions de portage, à structurer des projets d'envergure, à apporter une vision cohérente et à lutter contre la spéculation immobilière", a détaillé la consultante, qui y voit un enjeu majeur : le portage dans le temps.
Des gares ancrées dans leur quartier
Certaines collectivités peuvent se prévaloir d'une longue expérience dans ce domaine, à l'image de Chartres (Eure-et-Loir), où la société publique locale (SPL) C'Chartres aménagement assure le plan opérationnel du réaménagement du pôle gare. La concession d'aménagement lui a été confiée en 2010. La SPL a ainsi assuré les négociations foncières avec la SNCF et les particuliers, le suivi des études et des travaux et la commercialisation. "Nous avons mis près de dix ans pour récupérer le foncier de la SNCF, qui avait à cet endroit un centre de loisirs, a expliqué Franck Masselus, président directeur général de Chartres Aménagement, adjoint au maire de Chartres, vice-président Chartres Métropole. Il faut de la persévérance, que les planètes soient alignées, de la continuité politique." Sélectionnée en 2018 dans le cadre du programme ACV, la ville a renouvelé sa feuille de route en 2023 avec la deuxième phase ACV. Chartres fait également partie des 45 collectivités retenues pour bénéficier du dispositif de redynamisation des entrées de ville et des territoires pré-identifiés pour l'expérimentation nationale de transformation des zones commerciales initiée par l'exécutif (voir notre article du 9 octobre 2023).
Autre exemple avec la gare des Mureaux (Yvelines). Tout comme les autres gares de la vallée de la Seine, avec l'arrivée de Eole (RER E) à la fin de l'année 2024, la gare des Mureaux va être rénovée. La ville fait partie des communes bénéficiant du programme ACV qui va accompagner cette opération d'aménagement. Dans ce cadre, la ville a décidé de créer une foncière. Elle aura vocation à faire le lien avec son projet de revitalisation du centre-ville, notamment par l'acquisition des pieds d'immeubles, produits par l'aménageur en charge de la transformation du quartier de gare.
Une foncière pour la Métropole du Grand Paris
Pour la Métropole du Grand Paris (MGP), la foncière Centres-Villes vivants a été créée en octobre 2023 (voir notre article du 9 octobre 2023). Elle intervient sur les 131 communes de la MGP avec un objectif d'investissement de 140 millions d'euros sur dix ans, soit l'équivalent d'environ 400 murs de boutiques. "C'est ambitieux et en même temps c'est une goutte d'eau par rapport au parc de commerces en rez-de-chaussée, a souligné Marine Onfray, directrice générale de la foncière. Il y a plusieurs dizaines de milliers d'emplacements !" La foncière participe à la transformation des gares en lieux de commerce. "L'idée est que les gares ne soient pas seulement des lieux de transit avec du commerce de proximité et de la restauration rapide mais qu'elles soient ancrées dans leur quartier, et que la population résidente y trouve tous les services, les équipements pour la personne, des lieux de convivialité, etc.", a détaillé la directrice générale. Sachant que les habitants des quartiers de gare représentent plus de 20% de la population de la métropole parisienne.
Équilibrer les centres-villes anciens et les nouveaux quartiers de gare
Les trois objectifs majeurs de la foncière Centres-Villes vivants sont la lutte contre la vacance commerciale, l'accroissement de la qualité et de la diversité des commerces et l'implantation ou la pérennisation des commerçants indépendants, des artisans, des activités de bouche et de la restauration. L'idée est aussi de veiller à l'équilibre entre les centres-villes anciens et ces nouveaux quartiers de gare pour ne pas déstabiliser l'un au profit de l'autre. "Nous sommes souvent sollicités pour répondre à ces questions d'équilibre entre plusieurs polarités commerçantes au sein d'une même ville", a souligné Marine Onfray. À l'heure actuelle, la foncière a déjà validé une vingtaine d'opérations.
Autre exemple d'interventions réussies : la foncière Rez-de-ville, détenue à 100% par la société d'économie mixte Paris Sud Aménagement. Créée en juillet 2020, elle a pour objet d'acquérir, transformer, gérer et animer des locaux commerciaux et d'activités pour dynamiser et consolider l'offre de commerces et de services de proximité. "Nous avons créé la foncière pour porter des actifs, nous en avons actuellement 7, nous allons en acheter 18 autres, et nous gérons près de 10.000 m2 pour le compte de tiers. Ces actifs sont très divers : une maison de santé, des cellules commerciales neuves en rez-de-chaussée, une petite cellule dans un quartier de gare qui devait être un local à vélos…", a expliqué Marie Krier, directrice de la stratégie et de l'attractivité Paris Sud Aménagement, estimant que cette diversité et le périmètre actuellement géré par la foncière ne lui permettent pas encore d'avoir des process automatisés.
Des montages atypiques
Mais la foncière a de multiples atouts : elle peut acheter moins cher, plus facilement, dispose de leviers de négociation et peut actionner des outils de prérogatives publiques. Elle utilise aussi la disparité de rendement des opérations envisagées pour trouver un équilibre financier au profit de sites plus difficiles. La foncière est impliquée dans le réaménagement du quartier de gare de Massy, qui comporte énormément d'actifs (91 cellules, dont 82 sont occupées par du commerce). "La gare accueille 50.000 voyageurs par jour aujourd'hui et on anticipe une montée à 60.000 ou 90.000. Nous avons fait un plan de développement urbain pour amener de la mixité. C'est un montage atypique car sans maîtrise du foncier et nous avons autorisé les propriétaires à densifier leurs parcelles en échange d'un paiement de participation pour financer les espaces et équipements publics." La foncière engage ainsi un travail partenarial entre Paris Sud Aménagement, les propriétaires, les locataires et les promoteurs. Des relations garantes de la réussite du projet. "Plusieurs autres territoires ou collectivités nous sollicitent directement et nous allons leur proposer d'entrer à notre capital, a souligné Marie Krier. L'idée est d'avoir un système de gouvernance où tout le monde est à l'aise."