Les escroqueries et les fraudes aux moyens de paiement en forte hausse en France
Les escroqueries et fraudes aux moyens de paiement connaissent une augmentation rapide sur fond d'évolutions technologiques : le nombre de victimes a augmenté de 64% entre 2016 et 2023 et le préjudice a presque doublé, selon une étude inédite du SSMSI. Celle-ci porte aussi sur les infractions connexes et montre au contraire une forte diminution des fraudes aux titres de transports alors que les fraudes aux prestations sociales enregistrent une forte progression.
Le nombre de victimes d'escroqueries est passé de 250.900 en 2016 à 411.700 en 2023, soit une augmentation de 64% sur la période et de 7,3% par an, indique une étude inédite du service statistique du ministère de l'Intérieur (SSMSI) publiée le 10 juillet. Ces infractions n'ont pas diminué pendant la période du covid, contrairement à d'autres, comme les vols de véhicules ou les trafics de stupéfiants, selon cette étude qui porte sur toutes les escroqueries, y compris les fraudes aux moyens de paiement, enregistrées par les services de police et de gendarmerie.
Toujours à l'affût de procédés de plus en plus sophistiqués, les auteurs passent très souvent à travers les mailles du filet : le nombre de mis en cause a chuté de 64.700 à 51.100 en 2023. "Cette baisse s’explique en grande partie par le recul des infractions de falsifications et de contrefaçons de chèques sur la période", explique le SSMSI. Même si le chèque demeure "l’instrument de paiement le plus fraudé", comme l'a indiqué Denis Beau, président de l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement (OSPM), lors d'une conférence, le 19 juin. "Face aux nouvelles barrières d’ordre technique, les fraudeurs cherchent en effet désormais à manipuler leurs victimes afin de les amener à réaliser elles-mêmes des opérations frauduleuses ou à en valider à leur insu", avait-il expliqué, les fraudeurs ayant recours à des usurpations d'identité par téléphone ou sur internet (hameçonnage, faux ordres de virement, etc.).
Une victime sur dix porte plainte
Encore ces chiffres ne dévoilent-ils que la partie émergée de l'iceberg. Car seulement une victime sur dix porte plainte. 12% des victimes de débits frauduleux ont par exemple porté plainte en 2021 (contre 25% pour les victimes de vol ou de tentative de vol sans violence ni menace), selon une enquête "Vécu et ressenti en matière de sécurité" (VRS) complémentaire des données de la police et de la gendarmerie, qui permet d'avoir une vision complète de la "victimation". En 2023, 4,5% des personnes âgées de 18 à 74 ans en France métropolitaine ont ainsi déclaré avoir subi un débit frauduleux sur leur compte bancaire. Ces enquêtes dites de victimation permettent, par extrapolation, d'avoir une idée du préjudice total subi. Celui-ci est "en augmentation rapide, passant de 2,3 milliards d’euros en 2016 à 4,5 milliards d’euros en 2023", indique le SSMSI.
A noter que les personnes morales sont de moins en moins présentes parmi les victimes d’escroqueries et de fraudes aux moyens de paiement. Leur proportion dans le total des victimes est passée de 16,1 % en 2016, contre 8,7 % en 2023. Moitié moins. Le préjudice subi par celles qui ont porté plainte oscille entre 600 millions d’euros et 800 millions d’euros environ sur la période.
L'OSPM a mis en place un groupe de travail de veille pour s'adapter en permanence à l'évolution technologique. Les grands défis actuels sont la menace quantique, l'intelligence artificielle (avec les possibilités nouvelles de contrefaçons de voix et d'image), l'identité numérique et les méthodes de scoring. Prometteuse dans de nombreux domaines, l'information quantique pourrait permettre aux fraudeurs de demain de déchiffrer les communications et protocoles électroniques sécurisés "à un horizon de 10 à 20 ans", estime Denis Beau. Le sujet sera abordé dans le prochain rapport annuel de l'OSPM qui sera publié le 10 septembre.
Les fraudes aux transports en nette diminution
Mais l'étude du SSMSI porte aussi un regard sur les formes voisines d'escroquerie (abus de confiance abus de faiblesse, filouterie, fraude sociale, fraudes aux titres de transport, faux et usage de faux documents...) qui, dans l'ensemble, ont nettement moins progressé, passant de 82.500 à 92.900, soit un rythme de +1,7% par an. Contrairement aux précédentes, ces dernières infractions ont connu un net ralentissement pendant la période du Covid. Mais elles présentent des situations très contrastées. Les fraudes aux titres de transports connaissent une forte diminution depuis 2018, avant le covid donc, passant de 4.700 à 2.600 en 2023. La plus forte diminution concerne les fraudes relatives aux chèques, passées de 4.600 en 2016 à 1.600 en 2023. En revanche, depuis 2020, les fraudes aux cotisations et prestations sociales montent en flèche, avec un bond de 1800 à 3.300 infractions.