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Energies renouvelables - Les élus et experts veulent plus de décentralisation énergétique

Le 12 juillet, à Paris, plus de 200 participants ont assisté aux 8es rencontres pour les énergies renouvelables. Le modèle de gouvernance de l'énergie s'est invité au cœur des débats.

Pourquoi la décentralisation énergétique pose-t-elle un problème en France ? A cette épineuse question, abordée le 12 juillet lors des 8es rencontres pour les énergies renouvelables (EnR) qui ont fait salle comble à Paris, Géraud Guibert, président du think tank La Fabrique écologique, a esquissé une réponse : "Un décalage persiste entre la gouvernance très centralisée du système énergétique français et le développement par nature décentralisé des EnR. L'enjeu mériterait d'être inscrit à l'ordre du jour des conférences des territoires qu'Emmanuel Macron compte organiser."
Autre faiblesse, observée par cet ancien élu local au Mans (Sarthe) : "Ceux qui s'intéressent sérieusement à la décentralisation ne sont pas les mêmes que ceux qui traitent d'énergie." Ce à quoi Fabrice Cassin (LPA-CGR), avocat spécialisé en droit public, ajoute que juridiquement, chaque collectivité peut faire ses choix, qu'ainsi les régions ont à planifier le développement des EnR mais que les compétences d’autorisation de projet ou d'exploitation ne sont, elles, pas déléguées aux collectivités mais relèvent des préfectures. L'avocat pointe la lourdeur administrative sur laquelle butent ces autorisations : "Là où il faut deux ans pour un projet en Allemagne, il en faut sept en France."

Rattraper le retard

Dans une note en ligne actuellement ouverte au débat collaboratif, un groupe de travail de ce même think tank a auditionné des réseaux d'élus et de territoires (réseau Tepos, FNCCR, Amorce) et formule des propositions pour corriger ce biais. Le but ? Viser une meilleure articulation "entre des priorités nationales de plus en plus prégnantes et les décisions locales qui permettront de les concrétiser". La comparaison avec nos voisins européens n'y est point flatteuse : "Le rythme de montée en puissance des EnR est chez nous moins élevé que dans la plupart des autres pays. Nous sommes en retard et alors que des pays comme l’Allemagne et l’Espagne disposent d’un système de décision publique fortement décentralisé […], notre pays continue à être dans une situation inverse, où les choix de production centralisée ont été privilégiés par l’intermédiaire d’opérateurs puissants dans leur secteur".
Certes, la loi sur la transition énergétique ou celle portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notre) ont apporté leur pierre à l'édifice et modifié la gouvernance de l’énergie.  Mais à la marge, sans "bouleverser l’organisation des missions et des compétences" nuance cette note. Elle pointe d'autres obstacles à la territorialisation du système énergétique : "La planification au niveau national, le bilan carbone et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ne sont pas déclinés par région. La PPE ne prend pas en compte les schémas régionaux de planification en matière d’énergie et n’est pas discutée au niveau des régions". Et suggère de confier aux régions une pleine responsabilité en matière d'énergie décentralisée, de rationaliser des compétences en s’appuyant sur les ententes qui se sont déjà constituées au niveau de pôles ou grands syndicats (pôle énergie Normandie, Entente Grand Est, etc.) et de généraliser et renforcer l’action des sociétés régionales et locales d’énergie.

Dépasser l'approche en silo

Lors de ces rencontres le député qui les a co-présidées, François-Michel Lambert (Bouches-du-Rhône), a pour sa part invité à sortir de la logique d'approche filière par filière, énergie par énergie. Il défend une approche plus systémique : "Les questions relatives aux EnR restent trop perçues indépendamment du reste. Or, elles doivent être la porte d'entrée, l'élément clé d'un projet plus global de territoire, en lien avec son économie, son agriculture, l'emploi ou les mobilités". Même son de cloche à La Fabrique écologique, où l'on milite pour plus de complémentarités et de synergies entre les énergies au sein des territoires, au lieu d'une tendance à "la structuration nationale en silo autour de chaque énergie", voire à la concurrence entre elles (réseaux de gaz contre réseaux de chaleur).
De même chez GRTgaz, qui invite à ne plus opposer les filières entre elles et promeut une approche globale et équilibrée pour décarboner le secteur, "en commençant par la substitution du gaz naturel aux sources plus carbonées", défend Olivier Aubert, directeur de l'offre chez ce gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel. L'application du biogaz aux transports locaux a été citée comme une tendance lourde. Pour "dédieseliser" son parc de véhicules affectés au transport interurbain, le Conseil départemental de Gironde teste par exemple des carburants alternatifs et fera rouler à la rentrée, sur la ligne reliant Bordeaux à Blaye, un car de la marque Scania avec du biométhanol, l'ED95, un carburant issu de résidus végétaux, dont le régime fiscal a été clarifié par la dernière loi de finances.