Les dérives sectaires ne figureront pas au menu des CLSPD
La loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires a été publiée au Journal officiel après avoir été validée par le Conseil constitutionnel. Seule manque à l'appel une disposition qui permettait aux CLSPD de se saisir du sujet. Disposition considérée comme un "cavalier législatif" par les Sages.
La loi n° 2024-420 du 10 mai 2024 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes a été publiée au Journal officiel le 11 mai, après validation de l'essentiel par le Conseil constitutionnel.
Le texte définitivement adopté par l'Assemblée le 9 avril après un parcours parlementaire tumultueux (échec en commission mixte paritaire suivi d'un rejet du Sénat) renforce l'arsenal répressif contre les dérives sectaires en instaurant deux nouveaux délits :
- le délit de placement ou de maintien en état de sujétion psychologique ou physique puni de trois ans d'emprisonnement et de 375.000 euros d'amende (article 3) ;
- le délit de provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne visée à un risque grave pour sa santé, délit passible d'un an d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende (article 12).
Saisi par des députés et sénateurs RN et LR, le Conseil constitutionnel a validé l'article 12, objet d'intenses débats au Parlement. Les dispositions instituant ce nouveau délit "ne revêtent pas un caractère équivoque et sont suffisamment précises pour garantir contre le risque d’arbitraire". Les Sages ont également considéré que l’atteinte portée à la liberté d’expression et de communication par les dispositions contestées était "nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif poursuivi". "Il y a eu des débats passionnés dans l’hémicycle mais je tiens à rappeler le fondement de ce projet de loi : l’État ne lutte pas contre les croyances, les opinions ou les religions, mais bien contre toutes les formes de dérives sectaires, ces comportements dangereux, qui représentent une menace pour notre cohésion sociale et mettent des vies en danger", avait justifié pour sa part la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville, Sabrina Agresti-Roubache, au moment de l'adoption du texte.
La loi vient par ailleurs consacrer les pouvoirs de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). À noter que celle-ci peut notamment être tenue informée "à sa demande et après accord du maire" des travaux conduits sur les dérives sectaires au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Mais curieusement, le Conseil constitutionnel a considéré comme cavalier législatif (c'est-à-dire sans lien avec le cœur du texte), une autre disposition qui donnait à ces mêmes CLSPD la possibilité de se saisir des "questions relatives à la prévention des phénomènes sectaires et à la lutte contre ces phénomènes". Cette disposition a donc disparu du texte.
La loi vient par ailleurs renforcer l'accompagnement des victimes en étendant la catégorie d'associations pouvant se porter partie civile.