Les députés veulent fermer la route aux méga-camions
La commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a adopté, ce 29 mai, une proposition de résolution européenne invitant le gouvernement français à repousser la proposition de directive déposée en juillet dernier par la Commission qui vise notamment à augmenter les dimensions et poids maximaux autorisés des "méga-camions" (ou "système modulaire européen", en langage bruxellois), avec des attelages qui pourraient atteindre 25,25 mètres et 60 tonnes, contre 18,75 mètres et 44 tonnes actuellement, et un poids maximum des camions "0 émission" porté de 40 à 44 tonnes afin de compenser l’espace et le poids des batteries et des réservoirs à hydrogène. Les députés invitent en outre la France "à jouer un rôle moteur dans la détermination d’une politique européenne globale de développement et de pérennisation du fret ferroviaire, complémentaire du transport routier et fluvial".
Si les auteurs de la proposition – Jean-Marc Zulesi (Bouches-du-Rhône, Renaissance) et plusieurs de ses collègues – saluent "la volonté du législateur européen d’inclure une part de véhicules ‘très faibles émissions’ dans les 60 tonnes", ils doutent en effet de son effectivité, estimant qu’ "elle semble se heurter à un principe de réalité". Et d’arguer ainsi des faibles perspectives d’électrification de la flotte à l’horizon 2035, d’un rétrofit "trop balbutiant et non rentable" ou encore des "énormes investissements en installations de bornes de recharge mais aussi en stationnement" que cela nécessiterait. Une argumentation d’ordinaire tenue par les contempteurs du "tout électrique".
Ils soulignent encore que "l’intégration de [tels] véhicules sur les infrastructures routières, notamment secondaires, aurai[en]t des effets délétères en termes d’entretien, d’adaptation mais aussi de trafic et de cohabitation avec les autres usagers". Ils plaident donc pour la solution du report modal vers le ferroviaire, "alternative idéale pour décarboner les modalités mais aussi désengorger nos routes".
Une position sur laquelle le gouvernement français est a priori déjà aligné, comme l’a rappelé Florent Moretti, conseiller transports de la Représentation permanente de la France auprès de l’UE, lors d’une récente table ronde organisée par le Sénat sur la politique européenne des transports (voir notre article du 24 mai) : "La position exprimée par le ministre des Transports, c’est d’être opposé à l’utilisation de ces méga-camions non seulement en France, mais d’être aussi opposé à un cadre qui faciliterait directement ou indirectement leur utilisation au sein de l’Union européenne".
En préambule, le fonctionnaire avait précisé que neuf États membres – "principalement les États scandinaves, mais aussi la péninsule ibérique et l’Allemagne" – expérimentent "depuis plusieurs années des attelages de différentes remorques pouvant conduire à des convois de 60 tonnes et 20 mètres de long, voire jusqu’à 100 tonnes dans certains pays, et que certains d’entre eux souhaiteraient disposer d’un cadre juridique plus pérenne". Et d’indiquer qu’aux yeux de ces derniers, permettre "des poids supérieurs réduit le nombre de convois et, ce faisant, la congestion" – mais aussi la quantité de carburants consommée et la quantité de CO2 émise par tonne transportée. Florent Moretti tenait par ailleurs à rappeler qu’ "en aucun cas ce texte obligerait les États à utiliser ces méga-camions. Il créerait simplement un cadre au niveau européen laissant la possibilité aux États de les autoriser". Autant d’arguments qu’avait toutefois balayés Patrice Vergriete en séance publique au Sénat le 13 mars dernier.
Si le Parlement européen a adopté le texte en 1re lecture le 12 mars dernier (voir notre article du 18 mars), la position du Conseil reste à ce jour toujours en attente. Rappelons qu’un tel projet est régulièrement présenté, et jusqu’ici rejeté. Il y a plus de dix ans, le Sénat avait ainsi déjà adopté une résolution européenne rejetant ces méga-camions.