Les députés plaident pour la souveraineté numérique de l'école
Dans une synthèse de ses travaux consacrés à la gestion de la crise sanitaire dans l'enseignement scolaire, la commission des Affaires culturelles et de l'Education de l'Assemblée nationale se montre favorable à la mise en œuvre d’une stratégie numérique éducative nationale, y compris en faisant appel au secteur privé.
Des mesures positives malgré des difficultés persistantes et à venir, tel est le bilan que la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation de l'Assemblée nationale tire des travaux qu'elle a menés en matière d'éducation depuis le début de la crise sanitaire. Surtout, son document de synthèse récemment publié – qui s'appuie sur l'audition d'une vingtaine de personnalités qualifiées par le groupe de travail consacré à l'enseignement scolaire – plaide pour le développement de solutions numériques éducatives d'envergure nationale. Les députés en appellent au développement d'un numérique éducatif souverain dans lequel les initiatives privées auraient toute leur place.
Durant le confinement, du 16 mars au 11 mai, "une adaptation radicale des modes d’enseignement" a été nécessaire afin d’assurer une continuité pédagogique. Pour la commission, le bilan global de ce dispositif, qui consistait à accompagner les élèves confinés chez eux, est satisfaisant. Elle juge la plateforme "Ma classe à la maison" du Cned (Centre national d'enseignement à distance) "très robuste" avec 2,5 millions d'utilisateurs au début du mois d’avril 2020. D'une manière générale, elle salue "l’efficacité" des nouveaux outils numériques déployés pour assurer la continuité pédagogique et estime qu'ils "ouvrent des pistes intéressantes pour l’avenir". La commission juge encore que les enseignants ont "fait preuve d’une grande créativité et mis à la disposition de leurs élèves des ressources pédagogiques personnelles".
Le numérique, une question centrale
Ces outils performants et cet investissement des enseignants n'ont toutefois pas fait de miracle. "La continuité pédagogique n’a pas pu être assurée partout ni pour tous les élèves", déplore la commission. Elle rapporte un chiffre de "décrocheurs" compris entre 5 et 8% des élèves, soit l'estimation du monde enseignant, quand le ministère de l'Éducation nationale évoque de son côté 4%. Elle précise encore que "des données statistiques précises et complètes sur les phénomènes de décrochage ont été demandées au ministre de l’Éducation nationale" car, selon elle, une telle cartographie nationale du décrochage est "indispensable pour penser, à moyen terme, la place et le rôle du numérique à l’école".
La question du numérique à l'école apparaît dès lors centrale dans les travaux de la commission. Et les approches peuvent sembler paradoxales. D'un côté, la situation révélée par la crise sanitaire montre "la difficulté qu’il y a à assurer un enseignement à distance sans 'perdre' les élèves sur une période excédant quelques semaines, et le caractère irremplaçable de l’enseignement en 'présentiel', qui seul permet une interaction sensible entre l’enseignant et ses élèves". D'un autre côté, les auteurs pointent qu'"il est néanmoins probable que la 'réceptivité' des élèves pourrait être améliorée par une formation plus poussée des enseignants aux méthodes de l’enseignement à distance".
"Question de souveraineté"
La commission livre alors sa vision sur la question du numérique à l'école. Une vision qui, loin de repousser cette solution, juge au contraire opportun de la développer : "Le passage en urgence à la 'classe à distance' a révélé que la mise en œuvre d’un numérique éducatif véritablement national, garant d’égalité entre tous les élèves et porteur de parcours plus individualisés et d’apprentissages plus personnalisés, est largement perfectible".
Pour elle, si pendant la crise les enseignants ont pallié "les manques et les insuffisances des outils de communication numérique mis à leur disposition", il est regrettable que cela les ait amenés "à utiliser par défaut des modes de communication dérivés et des outils commerciaux mal sécurisés, essentiellement anglo-saxons".
Les députés estiment que les environnements numériques de travail "n’existent pas en maternelle et au primaire et sont de niveaux très divers selon les collectivités qui les ont mis en œuvre et les renouvellent trop souvent avant qu’ils ne soient parvenus à maturité". Ils en appellent donc aux "initiatives privées […], notamment celle des entreprises françaises des 'edtech' [technologies de l'éducation, ndlr] qui viennent stimuler les traditionnels éditeurs scolaires". Toutefois, "la structure sur laquelle s’appuie la stratégie nationale du numérique éducatif doit être pensée et organisée par la République. Il s’agit là d’une question de souveraineté", conclut la commission.