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Budget - Les dépenses des collectivités dans le viseur de la Commission européenne

En évaluant les réformes menées en France, l'exécutif européen peut mettre son grain de sel dans tous les domaines. Paris relativise la portée de cette "littérature" et préfère retenir les conclusions de Bruxelles sur son budget.

Lorsqu'elle se penche sur l'état des comptes publics français (voir ci-contre son avis du 15 novembre 2013), la Commission européenne ne se limite pas à une analyse comptable. Elle approfondit son diagnostic à tout ce qui peut avoir un impact sur les dépenses françaises : la réforme des retraites, qu'elle trouve trop timide, mais aussi l'organisation de l'Etat ou des collectivités. Autant de domaines qui ne relèvent pas du champ direct de ses compétences, mais ne manquent pas de l'inspirer.

Une loi de décentralisation peu convaincante

La suppression des doublons espérée avec la loi de décentralisation ? "Ce n'est pas clair", répond la Commission. "Le premier projet de loi crée une nouvelle strate, les métropoles", écrit-elle. Celles-ci sont censées absorber les compétences jusqu'ici exercées par les intercommunalités, mais Bruxelles n'est visiblement pas convaincue.
Les dépenses des collectivités sont d'ailleurs l'une des causes du rehaussement de l'estimation européenne du déficit français, qui atteindrait 3,8% du PIB au lieu de 3,6% en 2014. Après les élections municipales de mars 2014, les autorités françaises "anticipent une chute brutale des investissements publics l'année prochaine", indique la Commission. Cette "décélération" est possible, estime-t-elle, car elle s'est vérifiée lors de précédentes élections. Néanmoins, Bruxelles retient un scénario plus "conservateur" où le reflux des investissements locaux serait moins marqué, freinant ainsi la baisse des dépenses.
La Commission investit aussi le terrain de la fiscalité. Elle se montre par exemple sceptique sur l'impact de la réduction des transferts de l'Etat vers les collectivités. L'opération ne va pas nécessairement entraîner une diminution des dépenses locales, estime-t-elle, se référant aux nouvelles ressources dont les départements vont pouvoir bénéficier avec l'augmentation des taxes appliquées à l'achat d'un bien immobilier (droits de mutation, qui pourront être portés de 3,8% à 4,5%).

Des objectifs de réductions de dépenses non chiffrés

Les commentaires de la Commission s'étendent à d'autres dispositifs propres à l'Etat, tels que la "modernisation de l'action publique", le financement de l'apprentissage ou encore les aides aux entreprises. Dans ces trois domaines, son analyse reste très sommaire, car l'institution n'a pas toutes les cartes en main pour étayer son point de vue. Le rapport économique, social et financier adressé aux instances européennes le 1er octobre pour les informer des réformes conduites serait incomplet : il ne permet pas de "quantifier" les économies visées par les mesures de rationalisation de l'action publique. "Nous avons fait des choix sur l'effort structurel qui étaient justes et adaptés", s'est justifié Pierre Moscovici à Bruxelles. Un "surajustement aurait impliqué une chute de la croissance", poursuit le ministre de l'Economie, qui préfère retenir les conclusions de l'exécutif européen sur les aspects budgétaires. "On va finir par penser que [l'avis de la Commission] est un champ de mines", ajoute Pierre Moscovici, alors que le document "valide" la "stratégie" française. "Trop de détails finissent par tuer le message central", évacue-t-il.

Impact relatif

Là où la France voit un excès de "détails", la Commission perçoit un déficit de précisions sur la façon de redresser la compétitivité française. "Chacun est dans son rôle", tempère l'hôte de Bercy. La surveillance de Bruxelles a beau se muscler sur le papier, dans les faits, la France maintient la ligne déjà donnée par François Hollande en mai. "Le détail, les procédures, les manières de faire relèvent de la responsabilité du gouvernement", avait-il lâché au moment où la Commission européenne remettait à chaque pays un agenda complet de réformes. Cinq mois plus tard, le ton est plus amène, mais le fond reste inchangé. Dans un document de travail d'une vingtaine de pages, la Commission redit ses doutes et trace le chemin que la France devrait, selon elle, emprunter.
Mais l'impact de son message est relatif : "Tout cela, c'est de la littérature", persifle une source haut placée au ministère des Finances. Paris tient fermement à la rhétorique selon laquelle la France n'a pas besoin des instructions de Bruxelles pour se réformer. Peu importe de savoir qui est le plus souverain dans cette histoire de poule et d'oeuf, la convergence de vues est parfois plus forte qu'il n'y paraît. François Hollande a d'ailleurs confié un rapport à Martin Malvy et Alain Lambert où la rationalisation des dépenses publiques locales a toute sa place.

 

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