Les départements et le Tour de France roue dans roue
Chaque matin à chaque étape du Tour de France, une équipe de l'Assemblée des départements de France veille au grain aux côtés d'ASO. Une route prête à voir passer les coureurs, c'est une foule de détails, notamment en termes de sécurité. Comme ce mardi matin au départ de l'étape Reims-Nancy. Reportage.
Le rituel est immuable. Tous les matins, sur le stand de l’Assemblée des départements de France (ADF), au cœur du Village du Tour de France, a lieu la réunion de sécurité. Autour de Bertrand Charrier, commissaire général chargé des parcours chez ASO, organisateur de l’épreuve, se tiennent des représentants de la gendarmerie et de la police nationale, mais aussi le "monsieur route" du département traversé durant l’étape du jour et, enfin, des membres de l’équipe de l’ADF qui suit la course durant trois semaines.
Ce mardi 9 juillet, sur le parking du Boulingrin, à Reims, on parle d’abord température. Le thermomètre est de nouveau à la hausse et l’on évoque les revêtements à risques, ceux qui pourraient fondre sous les roues des coureurs. On signale ensuite un certain nombre de "pièges" à surveiller : ralentisseurs, rétrécissements, passages à niveau. Pour ces derniers, on informe que la SNCF a prévu une régulation pour éviter de bloquer la course. Si la moyenne horaire attendue du peloton est respectée, ça devrait passer. Enfin, on met en garde à propos des potentielles manifestations sur les bords de la route. Les sapeurs-pompiers pourraient profiter du passage du Tour pour obtenir une caisse de résonance à leurs revendications, tout comme des gilets jaunes, encore présents sur quelques ronds-points. Globalement, les axes de circulation s’annoncent "assez confortables", selon Bertrand Charrier, même si l’itinéraire du jour, qui amène le peloton à Nancy, nécessitera une attention particulière du côté de Bar-le-Duc et de Toul, les deux plus grandes agglomérations traversées par l’étape, en dehors du départ et de l’arrivée.
Patrouilleurs, ballots de paille et enrobé
À neuf heures trente, la réunion de sécurité est terminée. L’équipe de l’ADF se prépare à prendre la route, environ une heure avant le départ des coureurs. Mais pour certains parmi la quinzaine d’agents départementaux spécialement détachés sur le Tour de France durant les trois semaines de course, la journée avait commencé bien plus tôt. Dès cinq heures du matin, la patrouille avant avait pris la route pour poser quelque deux cents panneaux de signalisation le long du tracé de l’étape. En outre, sur tous les points délicats du parcours, des ballots de paille ont été placés par les agents des départements traversés, à raison d’environ 600 par étape en moyenne. Malgré cette préparation, une patrouille technique interviendra juste avant le passage des coureurs. Son rôle ? Il est fait de petits détails, parfois invisibles aux yeux du néophyte. Ici, le vent a plié un panneau de signalisation provisoire. Il est immédiatement renforcé. Là, une botte de paille est mal placée. Elle est remise à l’endroit le plus judicieux. Ailleurs, la chaussée se rétrécit dangereusement au beau milieu d’un virage. Les patrouilleurs techniques sortent alors leur arme secrète : une bombe de peinture éphémère de couleur rose. Pour les coureurs qui arriveront en tête de peloton, cette marque indique désormais un danger. Dans un coffre, des seaux d’enrobé sont même prêts à l’emploi dans le cas où un nid de poule serait détecté. Enfin, le coordinateur technique de l’équipe effectue des prélèvements de la température du sol pour s’assurer que le seuil d’alerte – 55 degrés pour les revêtements les plus fragiles – n’est pas atteint.
Léon II
Ce travail de l’ombre sans lequel la course ne pourrait avoir lieu dans les meilleures conditions de sécurité possibles, l’ADF le mène depuis 2007, date de la première convention qui la lie à ASO, dont la dernière version a été renouvelée cet hiver pour trois ans. Dans l’univers marchand des grands événements sportifs internationaux, l’ADF peut même se vanter d’être l’un des très rares partenaires à recevoir de l’argent pour sa présence. Une dotation qui permet de prendre en charge les salaires des agents départementaux détachés et de payer les frais techniques. Parmi ceux-ci, il y a la location au département des Vosges de Léon, deuxième du nom, moins polluant et plus puissant que son prédécesseur. Cette balayeuse-arroseuse est l’une des vedettes de la caravane du Tour de France. Imposant par ses dimensions, voyant par sa couleur jaune vif, ce véhicule technique est salué par les centaines de milliers de spectateurs qui se pressent chaque jour sur le bord de la route. En termes de communication, il est également un atout-maître pour l’ADF. Durant l’étape Reims-Nancy, une équipe de France Télévisions est monté à son bord pour y tourner un reportage. Mais Léon II n’est pas là pour faire de la figuration : il balaie les graviers présents sur la route et, les jours de grande chaleur, arrose le bitume pour le refroidir.
Si le rôle de l’ADF est indispensable au bon déroulement de la course, et même "rassurant", selon Bertrand Charrier, il ne se limite pas à ces trois semaines de présence sur la course. Pour fabriquer 4.200 panneaux de signalisation, prévoir l’approvisionnement de dizaines de milliers de bottes de paille, mais aussi réaliser des réfections de chaussée ou sécuriser les accotements des routes où se tiennent les spectateurs, ce sont des mois de travail en amont sur le terrain qui ont été nécessaires pour l’ADF et les départements traversés, en lien avec ASO. Une course contre la montre remportée année après année.