Les défaillances d'entreprises au plus haut depuis la crise du Covid

Plusieurs études publiées ces derniers jours attestent d'une accélération des défaillances d'entreprises, avec un quatrième trimestre 2023 noir. Conséquence d'un "dangereux cocktail" : sortie des aides liées au Covid, inflation d'abord énergétique puis diffuse, taux d'intérêts élevés, impacts sur la consommation... Les régions les plus dynamiques semblent plus impactées.

Le nombre de défaillances d'entreprises atteint la cote d'alerte. Plusieurs études publiées ces derniers jours vont dans le même sens. Pour le cabinet Altarès, la France a enregistré fin 2023 l'un des "pires quatrième trimestre sur trente ans", avec 16.820 procédures ouvertes, portant le total sur l'année à 57.529 défaillances, soit une hausse de 36%. "Un taux encore très élevé après la hausse historique (+49%) de 2022", souligne le cabinet. "Activité en berne, niveau d’inflation encore élevé, taux d’intérêt toujours hauts, consommation qui flanche, forment un dangereux cocktail pour des entreprises aux trésoreries épuisées après une succession de crises", analyse Thierry Millon, directeur des études de la société Altares, pour qui la recrudescence des recouvrements de l'Urssaf n'explique pas tout.

La Banque de France qui avait publié des données provisoires le 5 janvier, parvient à peu près au même constat (55.492 défaillances à fin décembre) mais reste plus optimiste, estimant qu'ils s'inscrivent toujours dans le "mouvement de rattrapage" post-Covid, après la glaciation opérée par les mesures massives de soutien en trésorerie.

"Un tournant économique majeur"

Pour le groupe BPCE, qui a aussi divulgué ses chiffres jeudi, "l’année 2023 marque un tournant économique majeur pour les entreprises" et les difficultés devraient se poursuivre en 2024. "L’inflation, d’abord énergétique, s’est diffusée dans le reste de l’économie par le mécanisme des 'effets de second tour' et a eu des conséquences négatives pour la plupart des entreprises (érosion des marges surtout dans les services, restrictions de consommation des ménages notamment dans l’alimentaire)", analyse-t-il. À ce choc inflationniste s'est ajoutée la hausse des taux d'intérêts, avec un renchérissement du coût de financement pour les entreprises et les ménages, le remboursement du PGE (prêts garantis par l'État) et les mises en demeure de l'Urssaf qui se sont accélérées dans certaines régions, "surtout depuis septembre 2023".

"Nier cette réalité qui aurait pu être évitée sur laquelle nous alertons depuis 18 mois, persévérer dans l’erreur du mirage d’une économie florissante, conduit immanquablement à la situation gravissime enfin officiellement constatée", a fustigé Marc Sanchez, secrétaire général du Syndicats des indépendants et des TPE (SDI), dans un communiqué.

Disparités régionales

Selon les chiffres de la Banque de France, les microentreprises et TPE concentrent 93% jugements. Mais les défaillances des PME et des ETI sont de plus en plus nombreuses (avec une hausse respectivement de 64% et 111% en décembre 2023 par rapport à décembre 2022). Pour Thierry Million, d'Altares, "même les plus grands acteurs ne sont pas épargnés" puisque les défaillances ont touché 171 entreprises d'au moins 100 salariés en 2023, au plus haut depuis 2014 (185 défauts). Ce qui fait dire au groupe BPCE que "l’impact économique des défaillances de 2023 est donc très supérieur à celui de 2019", avec 240.000 emplois menacés en 2023 (soit +25% par rapport à 2019), "mais aussi en termes de valeur, de créances, de capital, d’interactions interentreprises". Mais certains territoires se sont avérés plus vulnérables que d'autres : l'ex-région Midi-Pyrénées enregistre un rebond de 27% de défaillances par rapport à 2019. Sur le seul segment PME-ETI, la Nouvelle-Aquitaine atteint "des sommets" (+70%). Et ce sont des territoires moins dynamiques (Lorraine, Basse-Normandie, Bourgogne, Limousin…) qui sont les plus épargnés.

L'équipement de la maison impacté par la crise du logement

Les secteurs les plus touchés sont ceux liés aux comportements de ménages : "les commerces alimentaires, l’agroalimentaire et les services aux particuliers (soins de beauté et corporels, coiffeurs, …), la restauration, les transports routiers de marchandises", indique le groupe.

Pour ce qui est du commerce, la situation est contrastée. "Des secteurs continuent de s'en sortir, notamment la parfumerie et l'optique, ou la restauration mais l'habillement et la chaussure, premiers depuis des années, ont été fragilisés par le covid, l'endettement et, derrière, la consommation qui repart mal. Les difficultés se diffusent à l'équipement de la maison qui avait plutôt bien vécu la période du covid mais qui se trouve aujourd'hui très impacté par la crise du logement", analyse de son côté Emmanuel Le Roch, président de la fédération du commerce spécialisé Procos.

 

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