Intercommunalité - Les communautés de France veulent porter l'administration locale du 21e siècle
Comme un symbole. Que l'Assemblée des communautés de France (ADCF) ait choisi de revenir à Angers pour y tenir sa 16e convention n'est pas anodin. Le Grand Ouest, qui fut un berceau de l'intercommunalité de projet, est aujourd'hui l'une des régions les plus attractives de l'Hexagone. L'ADCF y voit clairement une relation de cause à effet, qu'elle ne se prive pas d'envoyer à la face des censeurs de tout poil comme "un pavé dans la mare de notre tradition jacobine", dixit son président Marc Censi. Une réaction - à chaud - à la présentation, la veille de cette réunion de 800 personnes, du "Livre noir de l'intercommunalité" (lire ci-contre) ? "On nous reproche pêle-mêle des dépenses exagérées, des périmètres incohérents, un manque de démocratie, la promesse non tenue des économies d'échelle", note le président du Grand Rodez. Qui a préparé sa défense : "Oui, il existe des coquilles vides. Environ 10% des communautés sont deux fois moins intégrées que la moyenne ? N'oublions pas que la plupart sont très jeunes. Oui, certains périmètres affichent d'évidentes incohérences, mais je préfère encore une coopération imparfaite que pas de coopération du tout. Oui, il existe des doublons commune-communauté. Mais nous sommes tous en recherche de réponses adaptées et souvent innovantes. Chaque dysfonctionnement est marge de progrès. Acceptons bien sûr les critiques. Mais comment ne pas se méfier de ceux qui attirent l'oeil sur un quarteron de mauvais élèves pour punir toute la classe !"
Les débats techniques confirment la vigueur intercommunale
Qu'on se le dise, l'ADCF n'est plus une cavalerie légère. C'est aujourd'hui une force de 850 communautés de communes et de 140 communautés d'agglomération et communautés urbaines qui se dit prête à se défendre face aux projets de réforme de la taxe professionnelle. Ou encore face aux velléités de normalisation "qui agitent chroniquement les administrations centrales". Le président de l'ADCF craint en effet que l'on ne revienne sur les récents assouplissements de fonctionnement de l'intercommunalité.
Désormais 50 millions de Français vivent au sein d'une intercommunalité et l'immense majorité des maires et des élus municipaux a compris que l'union faisait la force : "Il y a encore quelques années, 22.000 communes de moins de 500 habitants se trouvaient dans l'impossibilité matérielle et dimensionnelle de promouvoir un quelconque projet de développement de leur territoire", rappelle Marc Censi. Voilà donc l'ADCF plus que jamais résolue à mobiliser ses énergies. "Nous sommes bien décidés à porter l'administration locale du 21e siècle et à laisser à d'autres le soin de monter la garde devant le conservatoire du 19e". Les débats techniques qui ont suivi cette "pleinière" plutôt musclée ont abondamment illustré cette vigueur intercommunale. Comme celui consacré à la délégation de la compétence logement aux communautés d'agglomération, preuve en elle-même de la confiance des pouvoirs publics en la pertinence de l'échelon intercommunal.
L'usager, un allié
"On ne peut plus parler d'émergence", confirme Jean-Louis Chaussade, directeur général adjoint de Suez en charge de l'environnement. "L'intercommunalité est installée. Et contrairement à ce qui a pu être dit récemment, c'est une vraie réponse à l'économie d'échelle." "L'intercommunalité permettra d'atteindre des visions collectives et plus tard de véritables stratégies par territoire", estime de son côté Jean-Pierre Guillon, membre du conseil exécutif du Medef. "C'est un vecteur de dynamisme dans une culture de développement. Et parce que nous sommes condamnés à l'attractivité, cette dynamique doit gagner une fois pour toutes son combat, en particulier contre les trop nombreuses strates administratives", poursuit-il.
L'intercommunalité peut apparemment compter sur un allié de poids : l'usager, aux yeux duquel l'intercommunalité apporte de bonnes nouvelles - c'était d'ailleurs le thème de cette convention. Un sondage Ifop, réalisé pour l'occasion, révèle en effet que 87% des Français vivant au sein d'une intercommunalité considèrent que c'est une bonne chose, cette reconnaissance en termes d'efficacité étant toutefois quelque peu altérée par une impression majoritaire (à 52%) de payer plus d'impôts. L'enquête de l'Ifop nous apprend par ailleurs que 37% des Français et 64% des 18-24 ans n'ont jamais entendu parler de l'intercommunalité, 57% des "homo intercommunalis" ignorant quant à eux le nom du président de leur communauté. Ce qui fait dire à Christophe Béchu, le jeune président du conseil général du Maine-et-Loire, qu'il est temps de "passer de la communication à la pédagogie".
Nicolas Guillon / Innovapresse Nantes pour Localtis