Congrès des maires - Les collectivités locales s’interrogent sur l'attractivité de leurs métiers
Un forum organisé à l’occasion du Congrès des maires s’est penché sur les difficultés croissantes de recrutement des communes et intercommunalités et les initiatives à mettre en place.
"Les collectivités locales sont confrontées à de nombreux défis, mais nous ne nous attendions pas forcément à rencontrer celui du recrutement. Nous avons besoin d’argent, mais aussi d’agents !" C’est par cette remarque que Murielle Fabre, maire de Lampertheim (Bas-Rhin) et coprésidente de la commission Fonction publique territoriale et ressources humaines de l’AMF (Association des maires de France) a introduit le forum qu’a organisé, mercredi 23 novembre 2022, le Congrès des maires sur le thème : "Donner envie de venir travailler pour les communes et intercommunalités". Selon elle, les besoins vont aujourd’hui bien au-delà des traditionnels métiers en tension que sont les postes de secrétaire de mairie, de comptables ou encore de policier municipal. Désormais, tous les métiers sont touchés, notamment dans les domaines de l’urbanisme et du développement économique.
Certes, la fonction publique territoriale, qui emploie 1,3 million d’agents, est celle qui a connu les taux de croissance les plus importants au cours des dernières décennies. Mais elle peine aujourd’hui à attirer, voire à fidéliser. "Or 80% du service public est assuré, en France, localement. La fonction publique territoriale (FTP) est l’un des piliers majeurs de la République", a estimé François Deluga, maire du Teich (Gironde) et président du CNFPT (Conseil national de la fonction publique territoriale).
Est-ce la faute à un statut trop contraignant ? Le "père" de ce statut, l’ancien ministre Anicet Le Pors est revenu sur les raisons qui l’ont incité à le créer, à la faveur des lois de décentralisation, en 1984. "Longtemps, dans l’histoire, les fonctionnaires territoriaux ont été humiliés", a-t-il rappelé. Leur reconnaître des droits et obligations a donc constitué une grande avancée. "Le statut propose un système de carrière qui couvre l’agent public sur l’ensemble de sa vie professionnelle et lui permet d’avoir une grande mobilité", a précisé l’ancien ministre. Et si les communes et intercommunalités éprouvent des difficultés à recruter, "il ne faut pas perdre de vue que ces difficultés se situent dans une société qui est elle-même en crise". Cependant, a-t-il insisté, "le statut n’est pas un texte sacré !"
Refonte des traitements
Pour rendre l’emploi dans les communes et intercommunalités à nouveau attractif, "il y a une nécessité de se pencher sur une revalorisation fondamentale des traitements. Le revenu moyen dans la fonction publique territoriale est sensiblement inférieur à ceux des deux autres fonctions publiques, d’État et hospitalière", a estimé François Deluga. Selon lui, "la perte de pouvoir fiscal" des mairies et intercommunalités liée à la suppression de la taxe d’habitation explique en partie les difficultés de recrutement. "Car en réalité nous ne sommes pas compensés", dénonçait-il encore en marge du congrès. Face à ce constat, l’AMF réclame "une nouvelle étape de la décentralisation, une étape de compétence et une étape de recettes avec des financements spécifiques dédiés aux collectivités, avec une vraie autonomie fiscale !"
Christian Gatard, maire de Chambray-lès-Tours (Indre-et-Loire), serait lui aussi favorable à une refonte permettant de réduire le poids du Rifseep (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel). "Depuis la loi de transformation de la fonction publique de 2019, celui-ci a parfois été utilisé pour attirer des talents, ce qui a créé un certain 'malaise'", a-t-il justifié.
"Nous devons aussi travailler sur le contenu des concours et l’adapter, et travailler sur la transition professionnelle de personnes qui ne sont plus en capacité d’exercer la fonction pour laquelle elles ont été recrutées, comme les Atsem arrivant à un certain âge", a poursuivi François Deluga.
Faire connaître les 244 métiers de la FTP
Philippe Laurent, maire de Sceaux (Hauts-de-Seine) et auteur d’un rapport remis en février 2022 sur l’attractivité de la fonction publique territoriale, a rappelé quelques-unes de ses propositions, mais aussi insisté sur la nécessité "d’arrêter le fonctionnaire bashing. Il existe une totale méconnaissance de bien des métiers de la fonction publique territoriale", a-t-il estimé.
Pour les participants, la première priorité est de faire connaître les 244 métiers de la FTP et les possibilités d’évolution qu’elle propose. "C’est à nous, employeurs territoriaux, de prendre notre place. Nous sommes les ambassadeurs de la FTP, [ces métiers] seront plus ou moins attractifs en fonction du discours et du ton que nous aurons. Car on peut faire une carrière magnifique dans la FTP, se réinventer et même choisir son employeur et développer un projet qui a du sens", s’est exclamée Emmanuelle Rousset, vice-présidente de Rennes Métropole en charge des ressources humaines et du dialogue social.
Des initiatives innovantes
De ce point de vue, certains élus locaux ont pris des initiatives intéressantes.
À Écully (Rhône), "nous avions beaucoup de mal à constituer une équipe de policiers municipaux sans les 'piquer' aux communes voisines", a témoigné Nathalie Bruneau, adjointe déléguée, notamment, à la sécurité. "Alors nous avons retravaillé nos annonces, et les avons diffusées sur de nouveaux supports, comme Indeed".
En Bretagne, les quatre départements ont décidé de créer une marque employeur commune, Den.Bzh. "Dès le début 2023, nous allons communiquer par la radio, l’affichage, etc. pour présenter ce qu’est la fonction publique territoriale", a expliqué Yohann Nedelec, président du centre de gestion du Finistère, qui a poursuivi : "D’ores et déjà, 1.300 personnes ont assisté à notre action 'Nos communes se dévoilent' pendant laquelle nous avons organisé des 'jobdating'." Et de conclure : "µNous avons cette obligation d’être créatifs et audacieux."
De son côté, Daniel Cornabla, maire de L’Étang-la-Ville (Yvelines), a créé une "passerelle-jeunes", destinée à faire connaître la FTP puis à intégrer, progressivement, et avec l’aide de tuteurs, les jeunes de la ville aux effectifs municipaux, avec une attention toute particulière à ceux suivis par la mission locale. "Grâce à cette action, nous avons également réussi, à la rentrée scolaire, à trouver en deux semaines les 15 animateurs qui nous manquaient", a complété l’élu.
Recul sur le financement de l’apprentissage
Reste la question de l’apprentissage, un dispositif "qui n’est pas un mode de recrutement", rappelle François Deluga, "mais une participation des collectivités locales à l’effort national envers la jeunesse et au regard des métiers en tension". C’est pourquoi il déplore l’arrêt programmé de la participation de l’État et de France compétences au financement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale, mesure contenue dans un amendement du gouvernement au projet de loi de finances 2023.
L’AMF et le CNFPT ont profité du Congrès des maires de France pour renouveler leur convention de coopération autour de trois enjeux principaux, souligne François Deluga : "Tout d’abord l’engagement de travailler avec l’AMF sur les besoins des communes en matière de formation ; la coproduction en commun d’un guide des employeurs ; ainsi qu’un accès des agents de l’AMF et des antennes départementales aux formations du CNFPT." |