Les collectivités locales à la manoeuvre pour loger les travailleurs saisonniers

Le problème du logement des travailleurs saisonniers, qui s’est amplifié, conduit les collectivités locales à faire preuve de créativité pour parer à l’urgence.  

Hausse des prix immobiliers, développement des locations chez l’habitant, pandémie et maintenant inflation : avec ce cocktail explosif, les difficultés à recruter des travailleurs saisonniers se sont exacerbées. Face à cet enjeu, les collectivités locales cherchent à réagir, élaborant de nouvelles solutions. "Les petites entreprises, comme les snacks, ou les clubs, ont du mal à loger leurs salariés. Si on ne leur donne pas un coup de main, elles risquent de mourir", souligne le maire de Lège-Cap-Ferret (Gironde), Philippe de Gonneville. Dans cette commune très touristique où le foncier est très cher, 250 saisonniers ont besoin d’un logement selon les estimations de son service habitat

Caravanes et mise à disposition d’internats

Mi-juin, la municipalité est parvenue à ouvrir un camping éphémère de 80 places, dans une réserve foncière en espace boisé classé. Imaginé en octobre 2021, ce projet impliquait d’obtenir des services de l’État une autorisation provisoire pour occuper ces lieux tout en s’engageant à remettre le terrain dans son état naturel à la fin de la saison. "La commune a mis de l’argent sur la table pour aider les entreprises", insiste Philippe de Gonneville, qui met en avant des investissements conséquents en matière d’ingénierie, de location du matériel de terrassement, des WC et des blocs sanitaires, ainsi que les frais de gardiennage pour la préservation des lieux… Les emplacements sont loués aux entreprises 350 euros par mois, lesquelles positionnent leurs solutions d’habitat temporaire (caravane, van, tente aménagée, camping-car…) pour leurs salariés.

Face à l’urgence, les régions commencent aussi à s’impliquer. Cet été, l’Occitanie expérimente la mise à disposition de ses lycées, de même que la région Bretagne. À Lamballe-Armor (Côtes-d’Armor), 80 places d’internat sont proposées cet été pour l’hébergement des travailleurs saisonniers. Prix du loyer pour les salariés : 300 euros par mois. "En principe, l’internat d’un lycée public ne peut être mis à disposition d’une entreprise privée", témoigne Philippe Hercouët, le maire de Lamballe-Armor. Pour contourner cette difficulté juridique, la région met son établissement à la disposition de la communauté de communes, Lamballe Terre & Mer, qui lui verse les charges de fonctionnement. Le groupe alimentaire Cooperl est le premier à bénéficier de ce dispositif. La région, de son côté, rémunère le personnel du lycée pour s’occuper de l’entretien des lieux. "On a franchi une nouvelle étape, où l’on imagine des solutions", se satisfait Philippe Hercouët, qui aimerait envisager d’autres possibilités d’hébergements collectifs à petit prix.

Résidence hôtelière à vocation sociale

Au-delà de ces hébergements temporaires, les élus locaux s’accordent sur la nécessité de construire des solutions de plus long terme. Le maire de Lège-Cap-Ferret veut construire un parc de logements sociaux et en accession à la propriété comprenant des logements pour les travailleurs saisonniers, dans la même zone que le camping. "Nous envisageons de demander aux services de l’État de modifier le zonage du PLU. La zone est classée, mais c’est une dent creuse", plaide Philippe de Gonneville.

À Libourne (Gironde), c’est un projet vieux de dix ans qui vient de voir le jour : une résidence hôtelière à vocation sociale (RHVS) de 87 logements et 146 places qui accueillera une "maison des saisonniers", à la demande de la communauté d’agglomération du Libournais (la Cali) qui réclamait une solution de logement digne pour les saisonniers travaillant dans les exploitations viticoles voisines. Les studios sont équipés et meublés. Exemples de tarifs : 18,50 euros la nuitée en studio simple et 13,35 euros par personne en studio double, en cas de séjour excédant les 30 jours. La formule de la RHVS, destinée à la base aux personnes en difficulté sociale, "permet de louer les chambres à un prix extrêmement modeste", témoigne son président, Philippe Buisson. Le projet, d’un coût total de plus de 5 millions d’euros, constitue l’aboutissant d’une vraie "bataille". Pour en boucler le financement, il a fallu mettre autour de la table l’État, le département, la région, ainsi que les communautés de communes du Grand Saint-Émilionnais et du Fronsadais. De concert avec la Cali, les trois intercommunalités ont abondé le projet à hauteur de 150 000 euros.  

Le problème était apparu voilà quelques années, selon la sénatrice de la Gironde, Nathalie Delattre. "On arrivait à trouver de la main-d’œuvre locale, et il existait des solutions dans les propriétés viticoles ou dans les campings", témoigne l’élue. Ce vivier s’étant tari, tout a changé avec le recours à la main d’œuvre étrangère, qui travaille sur place de façon plus permanente, rendant les hébergements des employeurs d’autant plus inadaptés qu’ils s’avéraient rarement aux normes. Leur accueil dans les campings s’est également compliqué en raison de son incompatibilité avec les usages des vacanciers. De ce point de vue, selon Nathalie Delattre, le "RHVS reste une solution", même si certains saisonniers, habitués d’après elle à des hébergements de fortune, "trouvent que c’est cher".