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Sport - Les collectivités invitées à muscler leurs politiques sportives

Crédits en berne, priorité à la résorption des inégalités territoriales, appel au privé pour le financement des grands stades et arénas... l'Etat entend gérer l'argent du sport avec circonspection. Il n'est en revanche pas avare de ses conseils aux collectivités.

Les changements de ministres ont ceci de commode qu'ils autorisent des inflexions politiques sans donner l'impression de changer son fusil d'épaule. Après une petite année plutôt énergique à la tête du ministère des Sports, Chantal Jouanno passait le relais à David Douillet le 27 septembre. A sept mois de l'élection présidentielle, il était bien évident que le nouveau ministre n'allait pas entamer de réforme de fond. C'est donc une gestion de bon père de famille que l'ancien judoka a entamée. Ou plutôt de bon père de famille en temps de crise…
Le grand chantier de la gouvernance partagée du sport, symbolisé par la naissance de l'Assemblée du sport, devait connaître son apogée avec l'installation de ladite assemblée en septembre. Quatre mois plus tard, non seulement la nouvelle institution n'a-t-elle pas encore été installée - un décret simple est en cours de finalisation - mais encore a-t-elle changé de nom et surtout d'envergure. Elle devrait donc voir le jour le 16 janvier, s'appeler Conférence nationale du sport et compter 32 membres - dont le ministre qui la présidera - au lieu des 120 envisagés à l'origine, répartis en quatre collèges parmi lesquels la société dite "civile" n'aura finalement pas sa place. Enfin, tout comme le vaste forum national, les assemblées régionales un temps évoquées ne semblent plus d'actualité.

Les conseillers seront moins payeurs que jamais...

Pour pallier ce manque de concertation au niveau territorial, les régions s'emparent de plus en plus de la question sportive. En ordre dispersé mais non sans conviction. Après quelques régions pionnières – telle la Picardie –, l'Ile-de-France a ainsi lancé sa propre conférence régionale du sport le 1er décembre dernier. Une démarche logique en ces temps de redistribution des cartes... et de raréfaction des moyens financiers. Dans un ordre d'idées voisin, la Bretagne a su tout au long de l'année mobiliser ses territoires pour donner de l'envergure à son Campus de l'excellence sportive, né de l'abandon par l'Etat du centre régional d'éducation populaire et de sport (Creps) de Dinard. Une réussite qui pourrait préfigurer les rapports entre l'Etat et les collectivités en matière de sport...
Les caisses ne sont pas tout à fait vides, mais il semble que l'Etat tente d'habituer les collectivités à une économie de pénurie. Le budget du sport 2012 sera ainsi en régression. Et si les dépenses du Centre national pour le développement du sport (CNDS) croissent l'an prochain, ce ne sera qu'au prix d'une captation dans des réserves qui seront bientôt à sec. En conséquence, l'Etat se repositionne dans une mission de conseil. Au lieu de promettre de l'argent, il semble dire aux collectivités : "Dites-nous de quoi vous avez besoin, nous vous aiderons à concevoir au mieux votre projet." A cet effet, une cellule de conseil dédiée aux collectivités va être mise en place prochainement au ministère. Quant aux ressources du CNDS, elles seront de plus en plus ciblées et viseront avant tout à réparer les inégalités territoriales. Immanquablement, le nombre de bénéficiaires de ses aides va diminuer. Dès lors, les collectivités ont besoin de nouvelles armes.
Des armes institutionnelles d'abord. Pour contrecarrer l'appétit normatif des fédérations qui leur imposent régulièrement de coûteuses mises aux normes d'installations, la Commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres) veille. Malgré les déclarations de Gilles Carrez, appelant la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) à s'emparer des normes sportives, la Cerfres devrait non seulement survivre mais accueillir en 2012 deux nouveaux membres issus du Comité des finances locales. Les élus locaux bénéficieraient alors d'un poids jamais atteint dans cette jeune institution. Il est un autre domaine où les collectivités attendent toujours de voir leur place renforcée : les commissions territoriales du CNDS, qui attribuent des subventions aux clubs. Aujourd'hui pourvues d'une voix consultative, les collectivités attendent encore que se réalise la promesse de leur octroyer une voix délibérative.

Le sport professionnel bientôt sur la touche ?

Quant aux armes financières, les collectivités les envisagent de plus en plus privées s'agissant de la construction de grands équipements. Certes, des enveloppes du CNDS de 168 millions d'euros pour les stades de l'Euro de football 2016 et de 50 millions pour les arénas dont la plupart accueilleront les Mondiaux de handball 2017 sont prévues. Mais ces sommes font figure de gouttes d'eau dans des budgets de plus en plus pharaoniques. Ainsi, pour l'Euro 2016, le privé devrait financer 66% du 1,85 milliard d'euros de travaux. Derrière cet apport, reste à trouver le meilleur mode de gestion des installations. Si l'exploitation en régie municipale directe paraît aujourd'hui obsolète, les collectivités hésitent parfois entre le partenariat public-privé et le bail emphytéotique administratif pour faire vivre les équipements dont elles sont propriétaires. Finalement, pour l'Etat et les collectivités, il y a peut-être un domaine où le manque de moyens pourrait déboucher sur une position commune. Si le premier ne peut plus financer et les secondes ne souhaitent plus supporter à bout de bras des installations qui ne profitent in fine qu'à quelques sportifs grassement payés, pourquoi ne pas couper le cordon avec le sport professionnel en le cantonnant dans la stricte sphère économique privée ? Cette solution dégagerait sans doute des moyens pour faire vivre des associations sportives locales dont les subventions sont, elles aussi, mises à mal par la crise.
Comme un symbole de ce recentrage sur le sport pour tous, les équipements de proximité et le rattrapage des inégalités territoriales, le ministère des Sports a réalisé cette année une enquête sur l'offre d'équipements sportifs dans les territoires ruraux. Ses conclusions définitives seront connues en janvier. Une façon pour le ministère de montrer que, s'il a su donner le coup d'envoi, la balle est maintenant dans le camp des collectivités.

 

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