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Sport - Les achats de places pour des manifestations sportives doivent répondre à un besoin

A travers trois arrêts du 15 décembre, la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que des marchés publics d'achats de places pour des manifestations sportives devaient définir la nature du besoin à satisfaire et permettre une mise en concurrence. Sans cela, ces marchés peuvent s'analyser comme des subventions déguisées.

Alors que l'année 2011 s'achevait sur plusieurs prises de position politiques de la part d'élus locaux à propos des rapports entre collectivités territoriales et sport professionnel, la cour administrative d'appel (CAA) de Lyon, à travers trois arrêts du 15 décembre, est venue apporter des éclaircissements juridiques sur ces relations parfois subtiles... Les trois affaires concernent des marchés publics d'achats de places pour des manifestations sportives. Il en ressort que l'absence de définition de la nature du besoin à satisfaire ou l'absence de mise en concurrence rendent illégaux de tels achats. Et qu'en conséquence, ceux-ci peuvent s'analyser comme des subventions déguisées.
A l'origine des trois affaires, une même personne morale : l'Association des contribuables actifs du lyonnais (Canol). Dans la première, la Canol reprochait au conseil général du Rhône l'achat de prestations dans le cadre du grand prix de tennis de Lyon. En première instance, le 1er juillet 2010, le tribunal administratif (TA) de Lyon a annulé ladite délibération. La CAA confirme ce jugement en considérant que si le rapport de présentation envoyé aux élus avant la délibération précisait la nature des prestations achetées par le département (des places pour assister à la compétition, une page de publicité dans le quotidien et le programme du tournoi, et la présence du logo de la collectivité sur les tenues des ramasseurs de balles), la délibération ne mentionnait pas l'objectif poursuivi par la collectivité ni ne déterminait la nature du besoin à satisfaire. Or, selon l'article 5 du Code des marchés publics, "la nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour objet exclusif de répondre à ces besoins."

Besoin à satisfaire et exercices des compétences

Le même raisonnement préside au rejet de l'appel formé par la communauté urbaine de Lyon (CUL). En l'espèce, la Canol avait attaqué la décision de la CUL autorisant son président à signer le marché de location d'une loge comprenant 18 places au stade de Gerland afin d'assister aux matchs de l'Olympique lyonnais durant deux saisons. Par un jugement du 10 novembre 2010, le TA de Lyon avait annulé cette décision. La CUL s'est défendue en arguant que la location d'une loge était motivée dans la délibération attaquée par le fait que "dans le cadre de sa politique de rayonnement de son territoire, [elle] souhaite tirer partie de la notoriété des clubs sportifs et des valeurs positives qu'ils représentent pour renforcer son rayonnement et son image auprès de ses habitants, du public français et européen". Or, pour la CAA, la CUL ne peut être regardée comme ayant défini, préalablement à son achat, la nature de ses besoins en lien avec l'exercice des compétences qu'elle tient de l'article L.5215-20-1 du Code général des collectivités territoriales alors en vigueur ("actions de développement économique"), qu'elle ne peut se prévaloir ni de ce qu'elle aurait accueilli des entrepreneurs dans cette loge ni de ce que les élus qui s'y rendent seraient amenés à y rencontrer des acteurs de la vie économique et sociale. La communauté urbaine de Lyon a ainsi, elle aussi, méconnu les dispositions de l'article 5 du Code des marchés publics.

L'Olympique lyonnais n'est pas le seul acteur du secteur

La troisième affaire diffère des précédentes. Par trois délibérations - des 16 mai 2008, 12 juin 2009 et 11 juin 2010 - le conseil général du Rhône avait lancé des consultations afin de passer des marchés à bons de commande pour des abonnements, places et "pass" pour assister à des matchs de l'Olympique Lyonnais durant les saisons 2008/2009, 2009/2010 et 2010/2011. Par un jugement du 30 décembre 2010, le tribunal administratif de Lyon avait cette fois rejeté la demande d'annulation des délibérations formée par la Canol. L'association soutenait notamment que l'intérêt départemental des marchés n'était pas établi ; qu'eu égard à l'objet du marché, qui est de faciliter l'accès au spectacle sportif et de faire la promotion de l'activité physique, une mise en concurrence avec d'autres clubs sportifs ou compétitions sportives était nécessaire ; ou encore que le département du Rhône n'avait pas défini les prestations par des spécifications techniques mais par référence à une équipe sportive particulière. De son côté, le département arguait qu'eu égard à la popularité du football et à la réputation internationale de l'Olympique lyonnais, ainsi qu'à la capacité du stade de Gerland, l'achat de prestations à ce club revêtait un intérêt particulier, qui ne pouvait être comparé aux autres compétitions sportives, ou encore que l'Olympique lyonnais était le seul interlocuteur possible pour l'achat de places. La CAA donne raison à l'association et infirme la décision de première instance. Selon elle, le fait que les délibérations litigieuses précisent que l'objet du marché est de faciliter l'accès au spectacle sportif et de faire la promotion de l'activité physique pour encourager la pratique sportive et son encadrement bénévole, et le fait que le football est le sport qui suscite le plus d'engouement et que l'Olympique lyonnais bénéficie d'une place particulière au niveau national et européen, ne sauraient justifier - au regard du principe posé par l'article 1er du Code des marchés publics établissant le principe de liberté d'accès à la commande publique - que le conseil général du Rhône achète des prestations susceptibles de remplir l'objectif défini sans procéder à une mise en concurrence préalable entre les différents prestataires du secteur.

Des subventions très encadrées

Absence de détermination de la nature du besoin à satisfaire d'un côté, absence de mise en concurrence de l'autre : ces arrêts de la CAA de Lyon soulignent des pratiques de subventions déguisées à des sociétés sportives. Depuis la loi 99-1124 du 28 décembre 1999, les sociétés sportives (organisateurs de manifestations sportives ou partie d'un club assurant la gestion du secteur professionnel) sont exclues du régime de droit commun des interventions économiques des collectivités locales. Les subventions qui peuvent leur être allouées par les collectivités sont strictement encadrées. Non seulement un club ne peut recevoir un total de subventions, toutes collectivités confondues, de plus de 2,3 millions d'euros par saison, mais encore ces subventions doivent-elles correspondre à des missions d'intérêt général (formation des jeunes, intégration sociale, prévention de la violence dans les stades, etc.). Pour éviter les subventions déguisées, les prestations de services rendues par les clubs aux collectivités (essentiellement les achats de places au stade ou d'espaces publicitaires) ont fait l'objet d'un encadrement accru. Ainsi, les achats ne peuvent dépasser 30% des produits de la société sportive et sont limités à 1,6 million par saison. C'est le plus souvent en raison du caractère vague de l'intérêt général – voire de son absence – que les juridictions administratives et financières sanctionnent les conventions passées entre collectivités et sociétés sportives.

Jean Damien Lesay

Références : cour administrative d'appel de Lyon, décision 10LY02299 du 15 décembre 2011 ; cour administrative d'appel de Lyon, décisions 11LY00242 et 11LY00247 du 15 décembre 2011 ; cour administrative d'appel de Lyon, décision 11LY00578 du 15 décembre 2011.

 

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