"L’écologie risque gros", alerte Christophe Béchu
Dans ses vœux prononcés le 31 janvier aux "forces vives de la transition écologique et des territoires", Christophe Béchu n'aura éclairé qu’à la marge les annonces faites par le Premier ministre dans son discours de politique générale. On relèvera toutefois par exemple l'ouverture d'une réflexion sur des "outils fiscaux et financiers innovants pour inciter les élus" à construire, ou encore des annonces à venir sur le ZAN. Rien ou presque sur les mobilités. Comme sur les collectivités ou la cohésion des territoires d'ailleurs.
"Quand vous êtes ministre de la Transition écologique et que vous faites vos vœux un 31 janvier, après tout le monde, en pleine crise des agriculteurs, il faut beaucoup, beaucoup d’optimisme", a jugé hier Christophe Béchu lors de ses vœux aux "forces vives de la transition écologique et des territoires". L’écologie aura monopolisé l’attention de l’ancien maire d’Angers, à la tête d’un ministère dont il a relevé que le périmètre "a encore grandi" (voir notre article du 25 janvier), comme l’avait observé le matin même le président d’Intercommunalités de France (voir notre article du 31 janvier). Il ne se sera directement adressé aux collectivités qu’en fin de discours, dans une invite à la mobilisation au service de la transition écologique, après avoir rappelé que cette dernière ne se fera jamais sans elles (elles seront notamment sollicitées pour la mise en œuvre du service civique écologique annoncé par Gabriel Attal - voir notre article du 30 janvier).
Une "démarche d’accélération de la transition écologique"
Une option compréhensible au moment où "nous traversons une période politique où l’écologie risque gros", a-t-il alerté. "Le discours climato-populiste qui consiste à dire 'Arrêtez d’emmerder les Français avec l’écologie’' gagne du terrain. Je veux le combattre de toutes mes forces", prévient-il. Le ministre a néanmoins pris le soin de caresser les agriculteurs dans le sens du sillon : "Ils ne sont pas les ennemis de l’écologie, ils en sont des artisans". Alors que le plan national d’adaptation au changement climatique sera mis en consultation publique "dans quelques semaines", il indique vouloir "notamment mener un travail en profondeur avec le secteur agricole" et informe qu’il prendra "une initiative en ce sens lors du salon de l’agriculture". Concédant de même que les agriculteurs "se trouvent parfois confrontés à un mur de complexité", il plaide à son tour pour la simplification. "Je souhaite que nous fassions sauter les verrous normatifs et administratifs qui empêchent les Français, les entreprises et les collectivités de s’engager dans la transition écologique, les irritants, les ralentisseurs". Une "démarche d’accélération de la transition écologique pour une écologie plus simple, plus facile, plus proche des gens" sera lancée à cette fin "dans les prochains jours".
Défendre une "écologie populaire"
Reste que ce 31 janvier, le ministre s’est surtout essayé à "incarner la promesse faite par le Premier ministre d’une écologie populaire" – à l’opposé d’une "écologie de la brutalité" dénoncée par Gabriel Attal –, "bonne pour la planète et le pouvoir d’achat", en se concentrant sur "deux objectifs de décarbonation qui pèsent le plus fortement sur les dépenses des classes moyennes et populaires : le logement et les mobilités".
• Côté logement, Christophe Béchu indique qu’il va "massivement simplifier et accélérer les procédures". Pour l’essentiel, il n’aura toutefois fait que confirmer les annonces du Premier ministre, en ne les précisant qu’à la marge :
- annonce prochaine de 20 territoires engagés pour le logement avec l’objectif d’y créer au moins 30.000 nouveaux logements d’ici 3 ans,
- simplification du diagnostic de performance énergétique (DPE) - dont le manque d’acuité ne cesse d’être dénoncé (voir notre article du 31 janvier) -, qui "sera annoncée mi-février". Elle "actera des mesures de flexibilité qui permettront aux propriétaires et aux locataires d’aborder la date du 1er janvier 2025 avec plus de confiance" ;
- simplification de MaPrim Renov’, "avec l’objectif de 200.000 rénovations performantes en 2024" ;
- assouplissement de la loi SRU, en précisant "qu’évidemment nous allons travailler à des protections pour préserver la production de logement social et très social, en lien avec les élus locaux qui ont largement la main pour agir".
Le ministre aura toutefois ajouté l’ouverture de deux "pistes de réflexion" pour "donner aux Français plus d’opportunités pour mieux se loger" : de nouveaux outils financiers pour les propriétaires, "comme les prêts in fine ou le modèle hypothécaire" d’une part ; "des outils fiscaux et financiers innovants pour inciter les élus et les opérateurs à produire plus de logements" d'autre part.
• Côté mobilités, sujet pratiquement passé sous silence par Gabriel Attal (hormis sur la voiture), le ministre n’aura évoqué que la poursuite du leasing social, tout juste lancé (voir notre article du 15 décembre 2023) et de la "reconquête ferroviaire", mentionnant le "plan de 100 milliards" qui peine toujours autant à prendre corps (voir notre article du 20 décembre).
L’enjeu du foncier, toujours
Alors que l’objectif de zéro artificialisation nette des terres (ZAN) continue d’agiter les parlementaires (voir notre article du 19 janvier), Christophe Béchu a redit combien "ce sujet me tient à cœur, car si j’entends les oppositions, je vois aussi sa nécessité". Tissant le parallèle avec la loi littoral, il interroge : "En 1986, on disait qu’elle allait tuer toute l’économie littorale. Près de 40 ans plus tard, qui oserait remettre en cause cette loi ?" Cette dernière n’est toutefois pas sans connaître quelques coups de canif (voir notre article du 29 juin 2023 et celui du 9 janvier), situation également promise au ZAN, à l’heure où le foncier économique se fait rare (voir notre article du 30 janvier).
Afin de "trouver le bon équilibre entre la sobriété foncière et l’impératif de réindustrialisation du pays", le ministre a ainsi évoqué plusieurs annonces à venir : "dans quelques jours, la liste des 'premiers grands projets d’intérêt national majeur' de la loi Industrie verte (voir notre article du 11 octobre 2023) ; en mars, celle 'des grands projets d’intérêt national et européen' de la loi de mise en œuvre du ZAN (voir notre article du 13 juillet 2023) ; et au premier trimestre, les lauréats du dispositif '50 sites clés en main' pour accélérer la mobilisation de foncier industriel et portuaire (voir notre article du 16 octobre 2023)".