Le Sénat vote une proposition de loi pour limiter l'engrillagement des espaces naturels
Le Sénat a adopté à l'unanimité ce 10 janvier en première lecture une proposition de loi "visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée". Ces enclos, qui sont répandus en Sologne mais tendent à s'étendre sur le territoire, sont accusés de défigurer les campagnes françaises et de favoriser des dérives dans certaines pratiques de chasse.
Alors que des députés ont présenté en décembre dernier leur propre texte sur le sujet (lire notre article), le Sénat a, lui, adopté à l'unanimité ce 10 janvier en première lecture une proposition de loi portée par le sénateur LR du Loiret Jean-Noël Cardoux, président du groupe d'études Chasse et Pêche, "visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée". Le phénomène de ces enclos hermétiques touche tout particulièrement la Sologne, qui compte entre 3.000 et 4.000 kilomètres de clôtures, mais s'étend de plus en plus à d'autres régions, de la Picardie aux Landes, en passant par la Normandie ou la Brenne.
La proposition de loi, qui est soutenue par la Fédération nationale des chasseurs, entend donc "lutter contre la multiplication des grillages en Sologne et dans plusieurs autres régions de France qui pose des problèmes de sécurité incendie et de sécurité sanitaire, empêche la libre circulation de la faune et nuit au développement du tourisme rural".
Interdiction des clôtures hautes postérieures à 2005
Le texte qui a été précisé et complété en commission puis dans l'hémicycle vise ainsi à interdire les clôtures hautes postérieures à 2005 (date de la loi relative au développement des territoires ruraux), à définir les nouveaux modèles de clôtures mieux intégrées au milieu naturel, et à supprimer les enclos de chasse.
Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la biodiversité, a estimé que cette proposition de loi "contribuera de façon vraiment significative et efficace à la lutte contre l'engrillagement". "La rupture de la continuité écologique pose problème, a-t-elle souligné. Il est essentiel que les espèces puissent se déplacer sans contrainte. La maladie de Lyme se développe d’autant plus que les espaces sont fragmentés. Au sein des trames verte et bleue, les aménagements nouveaux doivent être écologiquement transparents. Il reste toutefois beaucoup de points noirs à résorber, qui seront traités par le plan pour la biodiversité que je vous présenterai prochainement." "Il nous faudra aller plus loin sur certaines pratiques de chasse en enclos, ces chasses qui n'en sont pas lorsqu'aucune chance n'est laissée à l'animal", a aussi appuyé la secrétaire d'État.
Ménager le passage de la faune au sol
Selon la proposition de loi sénatoriale, les clôtures ne devront pas dépasser 1,20 m de haut et devront ménager le passage de la faune au sol. Le texte prévoit qu'elles ne puissent pas blesser ou servir à piéger le gibier, tout en permettant la protection des cultures, des régénérations forestières ainsi que le maintien des clôtures d'intérêt public (grands axes de transports, sites militaires, centrales de production d'énergie...).
Le délai de mise en conformité serait de sept ans, avec en cas de non-respect une peine de 3 ans de prison et 150.000 euros d'amende. Les agents de l'Office français de la biodiversité (OFB) pourront contrôler les enclos antérieurs à 2005 qui subsisteront.
Autre disposition phare : pour compenser l'abaissement des clôtures et inciter à leur disparition, la proposition de loi crée une contravention de cinquième classe (amende jusqu'à 1.500 euros) pour pénétration dans une propriété privée rurale ou forestière. Un dispositif dont Bérangère Abba "ne partage pas l'idée, ni la pertinence".
Le rapporteur du texte au Sénat, Laurent Somon (LR-Somme), a indiqué en séance qu'il avait été "tenu compte" du travail des "trois députés, d’horizons politiques différents, [qui] se sont également saisis du sujet". "Il nous faut aboutir dès que possible à un texte commun avec l'Assemblée nationale", a-t-il souligné.