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Urbanisme - Le Sénat veut lever les freins à la construction en milieu rural

Le Sénat a adopté mercredi 1er juin une proposition de loi de son groupe majoritaire, Les Républicains (LR), visant à relancer la construction en milieu rural pour lutter notamment contre la crise du logement. Le texte, dont l'auteur est Jacques Genest, sénateur de l'Ardèche, a été approuvé contre l'avis du gouvernement par 191 voix, celles du groupe LR, des centristes, et de 4 RDSE (à majorité PRG), et 148 contre, le reste de la gauche.
La proposition de loi, qui cible quelque 32.000 communes en France, entend "rétablir le droit au développement rural", a souligné son auteur. Selon lui, "le code de l'urbanisme a sédimenté des normes, obligations et interdictions dont beaucoup visent la protection du territoire, on ne le conteste guère, mais qui s'imposent de manière trop uniforme et freinent le développement rural".
"Les dernières lois en matière d'urbanisme ont eu pour objectif principal la limitation de l'étalement urbain (…), a poursuivi Daniel Laurent, rapporteur de la commission des affaires économiques. Cet objectif de modération est incontestablement nécessaire. Néanmoins, l'interprétation souvent stricte de ces notions par les directions territoriales de l'Etat pénalise les communes rurales et de montagne dans lesquelles les ouvertures à l'urbanisation et le nombre d'autorisations de construire délivrées depuis plusieurs décennies sont déjà significativement faibles". Sans compter que la réglementation sur les constructions nouvelles applicable sur l'ensemble du territoire national "peut conduire à des absurdités". "Il est plus facile à un nouveau résident de s'implanter dans une commune rurale qu'à un exploitant agricole retraité ayant cédé sa ferme de rester sur ses terres en aménageant certains locaux à usage agricole pour en faire son habitation principale", a-t-il illustré.

Assouplissement des contraintes d'urbanisation et des procédures

Outre le fait qu'elle entend consacrer le développement rural parmi les principes fondamentaux du droit de l'urbanisme, la proposition de loi assouplit les contraintes d'urbanisation et les procédures qui autorisent l'édification de nouvelles constructions ou l'ouverture de nouveaux secteurs à l'urbanisation. Le PLU pourrait ainsi prévoir des secteurs ouverts à l'urbanisation lorsque ceux-ci comportent des équipements de dessertes réalisés ou programmés ou ont fait l'objet d'acquisitions foncières significatives de la partie de la commune ou de l'EPCI. En commission, les sénateurs ont apporté des compléments, comme l'extension de la dispense de recours à un architecte aux constructions à usage agricole de moins de 800 m2 édifiés par les coopératives d'utilisation de matériel agricole (Cuma).
La proposition de loi rétablit aussi certaines participations d'urbanisme pour favoriser les projets d'aménagement. C'est le cas de la participation pour voiries et réseaux, dans son régime antérieur au 1er janvier 2015, en la réservant aux seules communes de montagne ou faiblement peuplées. Le texte élargit également la possibilité pour les communes de montagne ou faiblement peuplées d'instituer une majoration du taux de la taxe d'aménagement.

"Un très mauvais signal à la protection du territoire"

Lors des débats, la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, a souligné que l'ambition du gouvernement "est d'accompagner les territoires en veillant à éviter tout séparatisme entre le rural et l'urbain, et en protégeant les espaces forestiers". Elle a affirmé que le gouvernement soutenait l'accession sociale à la propriété et que 60% des prêts à taux zéro étaient octroyés en zone rurale, ainsi que 40% des logements du programme "Habiter mieux". Par ailleurs, a-t-elle dit, un appel à projets a été lancé pour soutenir le logement dans les centres-bourg. Cependant, a-t-elle averti, "il ne faut pas confondre le développement des territoires ruraux et la permissivité qui conduirait à une artificialisation excessive et à une imperméabilisation des sols". Pour Delphine Bataille (PS), "ce texte revient sur des principes de protection des zones naturelles et agricoles et fait fi des résultats enregistrés depuis plusieurs mois - plus qu'il ne prend en compte la diversité du monde rural". Selon elle, "cette proposition de loi n'apporte aucun droit nouveau mais envoie un très mauvais signal à la protection du territoire".
Pour être adopté définitivement, il faudrait maintenant que le texte, qui a été transmis à l'Assemblée, recueille le feu vert de celle-ci, ce qui est improbable tant que sa majorité sera à gauche.