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Sécurité - Le Sénat élargit l'usage des armes par les policiers municipaux

Les sénateurs ont adopté en première lecture, le 24 janvier, le projet de loi relatif à la sécurité publique qui harmonise le cadre de l'usage des armes à feu par les forces de l'ordre. Les sénateurs y ont ajouté les policiers municipaux qui pourront faire usage de leur arme dans deux cas de figure : les menaces imminentes pour eux-mêmes ou pour autrui et les "périples meurtriers". Cette dernière notion, introduite dans une loi du 3 juin 2016, leur avait alors été refusée, malgré la demande des syndicats.

Le Sénat a adopté, dans la nuit du 24 au 25 janvier, le projet de loi relatif à la sécurité publique qui assouplit les règles d'usage des armes par les forces de l'ordre : gendarmes, policiers, militaires de l'opération Sentinelle, douaniers et, désormais, policiers municipaux.
Alors qu'en commission les sénateurs avaient déjà intégré les policiers municipaux pour une partie de ce cadre, en séance, ils ont encore élargi leurs possibilités d'intervention aux cas de "périples meurtriers".
Le projet de loi visait initialement surtout à aligner les policiers sur le régime des gendarmes qui disposent d'une plus grande marge de manœuvre en matière de légitime défense. Après l'attaque au cocktail Molotov de quatre d'entre eux le 8 octobre à Viry-Châtillon (Essonne) - faisait suite à une série de drames, dont l'assassinat à leur domicile de Magnanville d'un commissaire et de sa compagne -, les policiers avaient réclamé les mêmes droits. Le projet de loi, présenté en conseil des ministres le 20 novembre, répond à ces attentes. "26 policiers et gendarmes sont morts en service, 16.000 ont été blessés. Les assaillants n'hésitent plus à utiliser des armes à feu", a souligné le ministre de l'Intérieur Bruno Le Roux, lors de l'examen au Sénat.

Légitime défense

Aujourd'hui, l'usage des armes est soumis aux principes "d'absolue nécessité" et de "proportionnalité" exigés par la jurisprudence de la Cour de cassation comme par celle de la Cour européenne des droits de l'homme. Le cadre légal applicable aux policiers et aux gendarmes est fondé sur les règles de la légitime défense (article 122-5 du code pénal) ou de l'état de nécessité (article 122-7 du code pénal). La loi du 3 juin 2016 contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement autorise aussi le policier ou le militaire à utiliser son arme pour "empêcher la réitération, dans un temps rapproché, d'un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d'être commis" (article 122-4-1 du code pénal). Il s'agit d'étendre la notion d'état de nécessité (conduisant à l'irresponsabilité pénale) aux situations de "périples meurtriers" de terroristes en cavale.
Mais les gendarmes peuvent en outre faire usage de leur arme lorsqu'il n'existe pas d'autre moyen de défendre "le terrain qu'ils occupent", pour empêcher la fuite d'une personne après sommations "halte gendarmerie" faites à voix haute ou pour immobiliser un véhicule (article L. 2338-3 du code de la défense). "Si les gendarmes sont formés à utiliser leur arme, les policiers, eux, apprennent plutôt à ne pas s'en servir", a résumé le rapporteur du texte, François Grosdidier, sénateur LR de la Moselle.

Périples meurtriers

Le projet de loi vient harmoniser tout ceci et prévoit cinq cas dans lesquels les forces de l'ordre pourront faire usage de leur arme : pour défendre leur vie ou celle d'autrui en cas de menace imminente, défendre un poste ou des personnes placées sous leur protection, empêcher une personne placée sous leur garde de s'enfuir, immobiliser un véhicule et, enfin, empêcher la réitération d'un ou plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d'être commis (périples meurtriers).
En commission des lois, les sénateurs avaient donc adopté un amendement de François Grosdidier permettant d'appliquer le premier cas de figure aux policiers municipaux, à savoir les menaces contre eux ou autre par un individu armé. Les policiers municipaux pouvaient cependant rester sur une déception : malgré la demande de certains syndicats, ils ne s'étaient pas vu appliquer la notion de périples meurtriers dans la loi du 3 juin 2016. Un "oubli" désormais corrigé. "Dans le cas d'un périple meurtrier commis par des terroristes dans des villes s'appuyant sur une large présence de policiers municipaux armés (Lyon ou Nice par exemple), il apparaîtrait incohérent que les seules forces de sécurité relevant de l'Etat bénéficient de ces dispositions alors même que, dans les faits, l'ensemble des forces de sécurité de la ville seraient impliquées dans opérations pour mettre un terme au périple meurtrier", justifient les auteurs de l'amendement.

Radicalisation violente des mineurs

Les sénateurs ont aussi autorisé ces policiers municipaux à procéder à des palpations lorsqu'ils sont affectés à la sécurité de manifestations sportives ou culturelles ou à la surveillance de l'accès à un bâtiment communal (écoles, mairies…). Possibilité qui existe déjà pour les agents de sécurité privée et qui nécessite le consentement exprès de la personne concernée.
Lors des discussions, le ministre de l'Intérieur a rendu hommage aux policiers municipaux. "La police municipale agit en complémentarité, non en substitution des forces de l'Etat. Le gouvernement est ouvert à de nouvelles dispositions visant à consolider son action des polices dès lors qu'il n'y a pas confusion dans les missions", a-t-il déclaré.
Pour sa part, le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, a proposé une expérimentation de trois ans en matière de déradicalisation : "Le juge pourrait confier à la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse) des enfants de familles radicalisées, en milieu ouvert, y compris lorsqu'ils ont été confiés à l'ASE (aide sociale à l'enfance), ce que ne permet pas le droit actuel", a-t-il développé. Selon lui, "l'expérience des départements en est encore à ses prémices en matière de radicalisation violente" et "l'Etat doit structurer l'offre d'accompagnement des collectivités locales", sachant que "seuls 21 mineurs de retour de la zone irako-syrienne sont suivis" à l'heure actuelle.
Le projet de loi sera examiné par les députés à partir du 7 février, avec pour objectif  de l'adopter avant la fin de la session parlementaire, le 28 février.

 

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