Le Sénat adopte la proposition de loi créant l'infraction d'homicide routier
Après son adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 31 janvier dernier, la proposition de loi créant l'infraction d'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière a été approuvée, ce 27 mars, par les sénateurs qui y ont apporté des modifications, notamment pour inclure dans le champ de cette nouvelle dénomination toutes les atteintes aux personnes du fait d'un conducteur.
Le Sénat a adopté avec modifications, en première lecture, ce 27 mars, une proposition de loi créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière. Présenté de manière transpartisane à l’Assemblée nationale, et voté à l’unanimité dans l'hémicycle le 31 janvier dernier, ce texte de "re-qualification" pénale à visée symbolique s’inscrit dans le prolongement des annonces faites par le gouvernement à l’occasion du comité interministériel de la sécurité routière (CISR) réuni en juillet 2023. Avec la création de ce nouveau délit, qui consiste en réalité à remplacer l'ancien homicide involontaire par le terme d'"homicide routier", mais sans rien changer aux pénalités, le texte fait ainsi droit aux revendications portées de longue date par les associations de victimes. Composé de deux articles lors de son dépôt, la proposition de loi en comporte désormais près d’une dizaine. Au-delà de la création de l’homicide routier, ces nouveaux articles tendent à renforcer la sanction des comportements les plus dangereux. Si les peines ont été maintenues, les circonstances susceptibles de constituer un homicide routier ont été complétées, notamment par le refus d'obtempérer et les "rodéos" urbains. L'Assemblée nationale a également rendu plus stricte la circonstance de dépassement de la vitesse maximale autorisée, en abaissant le seuil de dépassement de 50 kilomètres à l'heure à 30 kilomètres à l’heure.
Élargissement des notions d'homicide et de blessures routiers
À l'initiative du rapporteur, Francis Szpiner, le Sénat a procédé - en commission - à une réécriture de l’article 1er du texte qui crée la dénomination nouvelle d’homicide routier pour le compléter. Il s’agit d’inscrire dans le code pénal une nouvelle forme d'atteinte aux personnes par "mise en danger". À cette fin, la rédaction adoptée insère les notions d’homicide par mise en danger et d’atteintes à l’intégrité de la personne par mise en danger. Dans les deux cas, la définition de ces infractions reprend celle de la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ayant conduit respectivement à un homicide et à des blessures, ainsi que le quantum de peines afférent.
Le texte adopté par la commission élargit en outre les notions d'homicide routier et de blessures routières pour y inclure tous les cas où des morts ou blessures sont survenues du fait d'un conducteur. "(…) Un conducteur qui s'endort au volant et qui cause un accident mortel commet un homicide routier simple ; un chauffeur ivre et en excès de vitesse à l'origine d'un accident met délibérément en danger la vie d'autrui. Ces distinctions sont maintenues, mais au sein d'une catégorie unique, afin d'éviter des débats sans fin sur le caractère involontaire ou non de l’homicide", s’est expliqué le rapporteur. "Vous édifiez une frontière dangereusement poreuse entre infractions non intentionnelles et infractions volontaires", a réagi le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti. "L'équilibre du code pénal serait fragilisé", par cette rédaction de l’article 1er, qui "emporterait une complexification de notre droit", a t-il argumenté de son côté.
Une liste plus restreinte de circonstances caractérisant l’infraction d’homicide routier
La Sénat a également limité le nombre de circonstances de manquement délibéré constituant un homicide routier par mise en danger. La rédaction de la commission écarte celle liée à l'usage du téléphone ou à la consommation de substance psychoactive "qui, en l'état, ne semblent pas pouvoir être établies avec certitude". Elle précise également que le refus d'obtempérer devra avoir été délibéré et ne pourra résulter d'une simple erreur. Enfin, la rédaction proposée ne conserve que les peines complémentaires spécifiques aux homicides et blessures routiers et renvoie au juge la responsabilité de déterminer au cas par cas si celles qui sont susceptibles en l'état du droit de s'appliquer à toutes les atteintes aux personnes doivent également s’appliquer.
Parmi les contributions du Sénat figurent par ailleurs à l’article 1er ter, l’adoption en commission d’un amendement du rapporteur afin de prévoir, pour les atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes, qu’au-delà de cinq ans, seule l'annulation du permis de conduire pourra être prononcée. Et en séance, l’ajout à l’article 1er quinquies d’une peine complémentaire obligatoire de suivi d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière.
Passe d’armes sur les peines planchers
Les échanges ont parfois été vifs entre le sénateur LR Francis Szpiner et le garde des Sceaux, en particulier sur le sujet des peines planchers. Introduit en commission à l’initiative du rapporteur, le dispositif consistant à prévoir une peine minimale de deux ans de prison dans les cas d'homicide routier par mise en danger a finalement été supprimé en séance. "Quand ces personnes sont moralement des meurtriers, je considère que changer la loi pour ne rien changer sur les peines, ça n'est pas suffisant", s’est défendu Francis Szpiner. Le groupe centriste s’est toutefois désolidarisé du rétablissement des peines planchers, une mesure sarkozyste abandonnée depuis 2014. "Un tel marqueur politique compromettrait l'aboutissement de la navette dans un délai raisonnable", a notamment relevé la sénatrice Olivia Richard. "On est en train de faire d'un texte consensuel un texte d'exception", s'est également agacé Éric Dupond-Moretti, disant préférer "l'efficacité à la démagogie".
Le texte doit à présent revenir devant l’Assemblée nationale pour une seconde lecture.