Le risque d’une déferlante de procédures judiciaires au printemps 2021 se confirme
Le soutien de toutes les entreprises y compris celles qui étaient déjà en difficulté avant la pandémie pourrait être catastrophique pour l’économie nationale. Alors que le nombre d’ouvertures de procédures collectives ne cesse de chuter par rapport à 2019, le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (GNGTC) alerte sur le risque de création d’une bulle qui ne cesse de grossir.
Le constat est autant surprenant qu’inquiétant. Bien que les tribunaux de commerce fonctionnent normalement, l’activité tourne au ralenti ou du moins ne monte pas en puissance comme elle le devrait au regard du contexte de crise économique. Pourtant, dès le 1er avril et jusqu’à fin août dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, des audiences (avec l’outil technique français Pixeo) ont pu se dérouler à distance, pour les entreprises les plus en difficulté. Plus de 700 procédures collectives (redressements ou de liquidations judiciaires) ont alors été traitées en France en visioconférence de manière à éviter l’engorgement des tribunaux au moment du déconfinement.
Depuis le 19 novembre 2020, ces audiences digitalisées sont à nouveau possibles. "L’idée étant de pouvoir garder le même rythme que d’habitude et ne pas retarder le traitement des affaires en répartissant les audiences en présentiel ou en vidéo, en fonction de l’organisation de chaque tribunal", explique Thomas Denfer, vice-président du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (GNGTC).
Effet domino des défaillances
Pour autant, les greffiers constatent un gel assez "inquiétant" des procédures collectives. Ainsi, en septembre 2020, plus de 3.100 ouvertures de procédures collectives ont été constatées en France, soit - 20% par rapport à septembre 2019 et 2.700 en octobre, soit - 40%. "Nous craignons que beaucoup de retard s’accumule et qu’une bulle soit en train de se créer avec le risque de l’apparition d’un nombre important d’affaires lorsqu’elle explosera", explique Thomas Denfer, "car plus elle explosera tard, plus la déflagration sera radicale", prévient-il.
Comment expliquer ce phénomène ? Les décisions d’accompagnement par l’État et la suspension des poursuites initié par les services fiscaux et sociaux mettent sous perfusion toutes les entreprises sans distinction y compris celles qui étaient déjà en difficulté hors Covid. "La logique du soutien est légitime, mais jusqu’où faut-il aller ?", interroge Thomas Denfer pointant le risque de l’effet domino des défaillances. "Lorsque ces sociétés non viables vont être débranchées, elles pourraient mettre en difficulté les entreprises qui dépendent d’elles (prestataires, clients…)."
Palette d’outils numériques et indicateur de performances
Régulièrement reportée, la vague de défaillances est désormais prévue au printemps 2021. "Pour anticiper la vague à laquelle on s’attend, j’ai lancé une commission flash en septembre qui rendra un rapport en fin d’année", a indiqué Éric Dupond-Moretti sur BFM le 22 novembre. "J’ai souhaité développer toutes les dispositions en amont de la procédure collective qui font que l’on peut obtenir du tribunal de commerce des aides, à l’instar de la conciliation et du mandataire ad-hoc", a ajouté le garde des Sceaux.
Mais même le recours à la prévention reste au niveau de 2019, "alors que nous devrions en avoir davantage", déplore Thomas Denfer. "C’est pourtant une très bonne formule, dont il faut se saisir dès que des problèmes pour honorer ses échéances se profilent de manière à anticiper d’éventuelles difficultés." D’autant qu’une palette d’outils numériques sont à la disposition des dirigeants d’entreprises sur infogreffe.fr : auto-diagnostic avec, en fonction de la note obtenue, la possibilité de solliciter un entretien avec le président du tribunal ; Monidemun.fr (identité numérique) qui permet d’agir en ligne de manière sécurisée et d’accéder à un autre service en ligne : letribunaldigital.fr (saisie du tribunal de commerce en ligne et suivi des procédures, prévention). "Les dirigeants peuvent aussi avoir accès à l’indicateur de performances en ligne", indique le vice-président du conseil national des greffiers des tribunaux de commerce. Sur la base des informations figurant au registre du commerce, des codes couleur permettent de donner un état de la santé de l’entreprise (bleu, orange, rouge).