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Territoires ruraux - Le réseau rural, accélérateur des campagnes

Le réseau rural français a organisé son assemblée générale le 5 avril 2011. L'occasion de mesurer les tendances de fond du développement rural.

Structure originale, le réseau rural français fédère une multitude d'acteurs qui s'occupent en France de développement rural. Il est déployé en 26 réseaux régionaux et piloté nationalement par le ministère de l'Agriculture et la Datar. Créé en 2008 pour accompagner la mise en oeuvre des programmes européens de développement rural (Feader et Leader), il a pour vocation plus large l'échange d'expériences et de bonnes pratiques, le transfert d'expertise, la facilitation et la valorisation de projets transverses. Son assemblée générale du 5 avril 2011 était donc une bonne occasion de mesurer les tendances de fond du développement rural. Quatre thèmes ont dominé les débats : l'accueil des populations et le développement des services en milieu rural, la gestion de l'espace et l'artificialisation des sols, la valorisation des ressources, l'entrepreneuriat rural. "En Bretagne, l'une de nos priorités est l'accessibilité des services aux personnes. Très concrètement : comment faire, à la campagne, pour accéder aux services et aux loisirs, aux soins, au commerce, quand on n'a pas de voiture ? L'assemblée générale était une opportunité de voir ce qui se fait et se crée ailleurs", souligne Anne-Violaine Trocmé, chargée de mission Feader à la Draaf Bretagne (direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt) et l'une des animatrices du réseau rural régional. En l'occurrence, l'Association pour le développement en réseau des territoires et des services (Adrets) est venue présenter une série d'innovations menées dans différentes zones rurales : visioguichet, points multiservices, microcrèche et halte-garderie mobile, coopérative d'activité, portage de repas par la Poste... "Une analyse très intéressante. J'ai pu rencontrer sur place un responsable de l'Adrets, et nous organisons une visioconférence entre nos deux organismes dès la semaine prochaine", indique Anne-Violaine Trocmé. C'est ici toute l'originalité du fonctionnement en réseau rural : pouvoir confronter très vite expériences et retours d'expériences. "Pourquoi telle initiative a bien marché ici, et pas du tout là ? Comment reproduire les conditions d'un succès, transférer dans le pays d'Auge une expérience réussie dans la communauté de communes des Monts d'Azur ?... Autant de questions activement débattues au sein des réseaux ruraux, et loin d'être secondaires : elles donnent de l'intelligence au développement rural", souligne un expert de la Datar.


Décloisonnement

Une démarche qui s'avère féconde, également, pour une autre priorité du développement rural : valoriser les ressources du territoire. "En Bretagne, par exemple, émerge une activité d'écoconstruction, d'écomatériaux, en particulier le chanvre, utilisé comme isolant. Pour la consolider, il faut mettre en relation des acteurs qui n'ont pas nécessairement l'habitude de travailler ensemble : propriétaires et gestionnaires de forêts, agriculteurs, entreprises, architectes, collectivités locales... Dans le cadre, avec les outils d'un réseau rural, ce décloisonnement peut s'opérer plus facilement", précise Anne-Violaine Trocmé. La gestion des espaces, avec la question éminemment sensible de la pression urbaine et foncière, est une autre préoccupation majeure du réseau rural. Avec ici l'élaboration de méthodes et la mise en valeur d'expériences qui peuvent servir de point d'appui aux élus locaux, lesquels s'estiment souvent démunis face à l'ampleur et la complexité des intérêts en jeu. Ainsi le pays des Landes de Gascogne, confronté à une brutale accélération de son urbanisation et des demandes de permis de construire, a réagi par l'élaboration d'un livre blanc de l'urbanisme, de l'architecture et du paysage. Selon Bernard Rouchaléou, son directeur, "alors que plus de 80% des 118 communes ne disposaient pas de documents d’urbanisme, elles sont maintenant presque toutes dotées de règles pour préserver sans nuire au développement. La dynamique se poursuit avec l’idée d’aboutir à un schéma de cohérence territoriale (Scot) à l’échelle de ce vaste territoire". Une expérience répertoriée et analysée, parmi des centaines d'autres, sur le site internet rénové du réseau (reseaurural.fr), destiné prioritairement à l'ensemble des élus locaux. "Ce qui fait la force du modèle, c'est la capitalisation et le transfert des connaissances, des bonnes pratiques, à tous les niveaux : entre régions d'un même pays, mais aussi entre les régions, les pays et le réseau rural européen", a conclu Michel Dewit, représentant de la DG Agriculture de la Commission européenne (lire ci-dessous).

Trois questions à Michel Dewit, représentant de la DG Agriculture de la Commission européenne

Localtis.info : Quels sont aujourd'hui, selon vous, les enjeux majeurs du développement rural en Europe ?
Michel Dewit : Nous travaillons en ce moment sur deux thèmes qui nous paraissent fondamentaux, et devraient figurer en bonne place dans les prochains programmes de développement rural de la Commission européenne : le renforcement des circuits courts et l'entrepreneuriat rural. Je me félicite à ce propos que le réseau français ait accepté de piloter un groupe du réseau rural européen sur les circuits courts. Et qu'il ait ouvert un chantier sur l'entrepreneuriat rural.


Et quel est l'enjeu spécifique du réseau rural français ?
Après une phase de mise en place, de réflexion, de capitalisation et d'analyse des expériences, des bonnes pratiques, l'enjeu est aujourd'hui la diffusion de tout ce savoir et de ces savoir-faire à destination des territoires. Mais aussi vers le réseau rural européen et les réseaux des autres pays de l'Union. Plus nous serons nombreux à échanger, à comprendre la mécanique d'un échec ou la dynamique d'un succès, et plus nous pourrons être intelligents dans nos politiques de développement rural.


Le réseau rural français est-il différent des autres réseaux européens ?
Dans la plupart des pays de l'Union, nous trouvons soit un réseau national, soit des réseaux régionaux, comme en Allemagne, en Espagne ou en Italie. Le modèle français possède une originalité : il est composé à la fois de réseaux régionaux et d'un réseau national, ce qui permet une cohésion d'ensemble et une analyse assez fine au niveau d'un terroir.


Propos recueillis par Paul Arguin