Le recul de l’indemnisation des chômeurs, source de craintes pour les départements
La volonté du Premier ministre de réduire l’indemnisation des demandeurs d’emploi à travers la suppression de l’allocation spécifique de solidarité et la réforme de l’assurance-chômage pourrait coûter cher aux départements.
Le gouvernement n’en a pas fini avec les chômeurs. Après l’allocation de solidarité spécifique (ASS) versée aux demandeurs d’emploi en fin de droits, c’est au tour des paramètres de l’assurance-chômage d’être à nouveau dans le viseur de l’exécutif, pour la troisième fois depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. L’objectif est toujours le même : "inciter davantage à la reprise d’emploi", indiquait sur TF1 le Premier ministre, Gabriel Attal, le 27 mars dernier.
Ces évolutions sont loin d’être neutres pour les départements. L’une des pistes envisagées qu’est la réduction de la durée d’indemnisation à douze mois des demandeurs d’emploi – contre dix-huit pour les moins de 53 ans – accélèrerait mécaniquement les entrées dans le RSA. "Il y aura forcément une incidence. En douze mois, les chômeurs n’auront pas forcément le temps de retrouver un emploi", réagit Sophie Piquemal, vice-présidente chargée de l'Urgence sociale, habitat, insertion, économie sociale et solidaire au département de la Gironde.
Quel serait l’impact d’une telle réforme ? Difficile à dire dans l’immédiat. Néanmoins, une étude publiée le 2 avril par la Fondation Jean-Jaurès livrait une estimation. Selon le think-tank classé à gauche, la précédente diminution de la durée maximale d’indemnisation (en baisse de 25%), entrée en vigueur l’an dernier, précipiterait 48.000 personnes par an vers le RSA en l’absence d’ASS, l’aide financière destinée aux demandeurs d’emploi ayant épuisé leurs droits à l’assurance-chômage dont Gabriel Attal a également annoncé la suppression.
Suppression de l’ASS : déjà 2 milliards d’euros de plus pour les départements
Lors de sa déclaration de politique générale, Gabriel Attal avait déjà annoncé vouloir mettre fin à cette prestation de solidarité financée par l’État. Mi-2023, celle-ci bénéficiait à 300.000 chômeurs ayant déjà travaillé au moins 5 ans, à temps partiel ou à taux plein, durant les 10 années précédant la fin de leur dernier contrat de travail. Si le montant de l’ASS est inférieur à celui du RSA, il permet un cumul d’aides plus favorable ainsi que l’acquisition de trimestres supplémentaires pour la retraite.
Sans même tenir compte de l’impact d’une troisième réforme de l’assurance-chômage, le seul transfert de cette prestation aux départements coûterait déjà cher : plus de 2 milliards d’euros, s’alarmait déjà Départements de France en mars. Certains territoires ont fait leurs estimations, relayés par des sénateurs inquiets : 5,5 millions d’euros pour la Nièvre, 14 millions pour la Saône-et-Loire. En Gironde, un rapide calcul rapporté par Sophie Piquemal fait craindre une dépense supplémentaire de 26 millions d’euros sur la base des quelque 4.400 bénéficiaires de l’ASS que compte actuellement France Travail dans le département, et dans l’hypothèse qu’ils touchent le RSA pendant un an.
RSA : un retour à l’emploi toujours difficile
L’annonce de la nouvelle réforme de l’assurance chômage viendrait donc alourdir la facture à long terme pour des départements plus que contraints dans leurs dépenses en raison d’une baisse de leurs recettes, liée notamment à la chute des droits de mutation. Le montant du RSA vient aussi d’être revalorisé. Et le nombre d’allocataires, lui, peine à diminuer, malgré des créations d’emploi élevées. Ainsi, au niveau national, le nombre de foyers bénéficiaires n’a diminué que de 50.000 depuis septembre 2019, pour s’établir à 1,82 million à la fin 2023, selon la Cnaf.
En Ille-et-Vilaine, le nombre de bénéficiaires est reparti à la hausse depuis un an malgré une situation de plein emploi. "Le maintien durable dans la précarité et l’augmentation constante du nombre d’allocataires présentant un cumul de freins majeurs à l’activité sont des facteurs d’explication", estimait le département dans son rapport d’orientations budgétaires 2024. Le territoire paierait même déjà "le prix des réformes nationales du système de solidarité qui font basculer un certain de nombre de bénéficiaires de ces dispositifs vers le RSA, dernier filet social de sécurité", peut-on lire dans le document qui pointe non seulement les réformes de l’assurance chômage mais aussi celle des retraites.
Et ce n’est pas la loi pour le plein emploi qui sortira les départements de l’ornière, estime Sophie Piquemal, l’élue de la Gironde. "L’accompagnement amélioré des bénéficiaires du RSA, on le faisait déjà. Donc cela ne devrait pas changer grand-chose, et ce sera encore plus compliqué si l’on nous rajoute d’autres allocataires", affirme-t-elle.