Le projet de loi d’adaptation au droit de l’UE revu par le Sénat
Le projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne a été adopté ce 10 mars par le Sénat qui est revenu sur plusieurs modifications apportées par l’Assemblée en séance publique (sur le marché de l’électricité, les obligations d’équipement en panneaux photovoltaïques des parcs de stationnement, les consultations "inondations", etc.) sans nécessairement rétablir le texte initial. Parmi les modifications apportées, signalons notamment l’extension du champ d’application de la dérogation "espèces protégées", des dispositions visant à favoriser le développement des énergies renouvelables par les collectivités ou encore le report de 5 ans de l’interdiction des emballages polystyrène non recyclables, entrée en vigueur le 1er janvier dernier.

© Capture vidéo Sénat/ Marc Ferracci
Le Sénat a, à son tour, adopté, ce 10 mars, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, présenté fin 2024 (voir notre article du 5 novembre dernier). La Chambre haute a notamment rétabli, en les modifiant parfois, un certain nombre de dispositions qui avaient été supprimées en séance publique par l’Assemblée nationale (voir notre article du 24 février 2025), se rapprochant ainsi davantage de la version adoptée en commission par les députés.
Énergie
Le Sénat a rétabli les dispositions relatives au marché intérieur de l’électricité, qui visent notamment à répondre à des procédures d’infraction lancées par la Commission européenne. Il revoit à son tour la procédure de mise en concurrence des projets d’électricité renouvelable, qui permettrait en l’état au gouvernement de tenir compte, outre des techniques de production et de la localisation des installations, de leur rythme de développement. Il supprime également la possibilité pour le gouvernement d’attribuer des projets d’électricité renouvelable dépassant les objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
Il rétablit de même, mais en ne réservant plus son application aux seuls projets d’énergies renouvelables (EnR), l’article dispensant les porteurs de projets d’obtenir la dérogation "espèces protégées" lorsque ces derniers présentent des mesures d’évitement et de réduction ainsi qu’un dispositif de suivi garantissant leur absence d’incidence négative importante sur le maintien, dans un état de conservation favorable, des populations de ces espèces.
Font également leur retour, mais modifiées, les dispositions relatives à la couverture des parcs de stationnement en ombrières photovoltaïques (les sénateurs ont notamment exclu du dispositif les voies et cheminements de circulation empruntés par les poids lourds affectés au transport de marchandises), au raccordement électrique des énergies renouvelables et au droit de visite sur les installations photovoltaïques implantées sur des terres agricoles. Afin de soutenir (ce qu’il reste de) la filière française de panneaux photovoltaïques, les sénateurs ont également reporté l’obligation de couverture en panneaux photovoltaïques pour les parcs de stationnement de plus de 10.000 m2 pour encourager les propriétaires à recourir à des panneaux à haute performance environnementale de "seconde génération", "pour lesquels des capacités de production sont actuellement en développement en France et en Europe". La Chambre haute est également revenue sur les mesures qui restreignaient l’exercice de la compétence "urbanisme" par les élus locaux en la matière.
Elle a par ailleurs renforcé les incitations au développement d’énergies renouvelables par les collectivités (notamment en étendant à l’ensemble des installations d’EnR l’exemption d’obligation de constitution d’une régie) d’une part, et des projets d’autoconsommation collective d’énergie photovoltaïque (en uniformisant le critère de proximité géographique, à 20 km), d’autre part.
Elle a encore disposé que les bois et forêts accueillant des infrastructures de production d’énergie solaire photovoltaïque après obtention d'un permis de construire cessent temporairement de relever du régime forestier, pour la durée d’exploitation des installations.
Ont également été introduites de nouvelles mesures visant à accélérer la procédure d’autorisation des projets EnR (délais pour constater le caractère complet des dossiers et durée d’instruction pour le repowering– rééquipement plus performant – de certaines installations, notamment pour répondre à la procédure d’infraction lancée par Bruxelles – voir notre article du 12 février).
Le Sénat a de même revu ici et là certaines dispositions en matière d’efficacité et de rénovation énergétiques. Par exemple en reprenant les exemptions européennes au haut niveau de performance énergétique des monuments historiques, des lieux de culte ou des bâtiments de la défense nationale ou à l’obligation de valorisation de la chaleur fatale. Il a par ailleurs habilité le gouvernement à légiférer par voir d’ordonnance afin de garantir une transposition exhaustive de la directive relative à l’efficacité énergétique.
Transports
Le Sénat a modifié quelques dispositions relatives aux aérodromes – notamment celles relatives au contrat de régulation économique et au rôle de l’Autorité de régulation des transports –, qui concernent pour l’heure l’aéroport Nantes Atlantique. Pour contrevenir à une forme de "culture de l’opacité" de la direction générale de l’aviation civile constatée à l’occasion de la procédure d’appel d’offres de renouvellement de la concession de cet aéroport annulée le 29 septembre 2023 (voir notre article du 2 octobre 2023), il rend également public le cahier des charges des concessions des aéroports qui relèvent de la compétence de l’État en même temps qu’il est transmis aux candidats aux appels d’offres. Il revoit en outre fortement à la hausse le plafond de l’amende par un aéroport qui ne respecte pas ses obligations de fourniture d'électricité et d'air conditionné aux aéronefs en stationnement (de 15.000 à 100.000 euros) et crée un plafond intermédiaire de 15.000 euros par poste de stationnement sur lequel un manquement est constaté.
S’agissant du déploiement de services d’informations relatives aux déplacements multimodaux (qui concerne notamment les données des systèmes embarqués des véhicules), les sénateurs ont introduit la consultation de la Cnil et de l’Autorité de régulation des transports pour sécuriser les processus.
Environnement
Le projet de loi réduit de 18 à 12 mois le délai d’habilitation à légiférer par ordonnance demandé par le gouvernement afin de mettre en œuvre rapidement les ajustements législatifs rendus nécessaires par les derniers textes européens d’application du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). "L’ensemble des textes d’application doivent être publiés au cours de l’année 2025, un délai de 12 mois est donc suffisant pour prévoir leur transcription dans le droit national", est-il relevé.
Les sénateurs ont par ailleurs rétabli la consultation du Comité national de l’eau (CNE) sur la stratégie nationale de gestion du risque d’inondation (SNGRI), avant son approbation par l’État, de même que la consultation des collectivités territoriales et de leurs groupements compétents en matière d’urbanisme, d’aménagement et de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations et du comité de bassin compétent sur les projets de plan de gestion des risques d’inondation avant leur approbation par le préfet.
Enfin, les sénateurs ont reporté de 2025 à 2030 l’interdiction des emballages en polystyrène extrudé et expansé, non recyclables, prévue par l’article 23 de la loi Climat et Résilience, au motif que "le règlement européen PPWR, entré en vigueur en février 2025, impose une obligation de recyclabilité de ces emballages à compter de 2030". Un report qualifié de "raisonnable" par Dominique Faure, alors ministre chargée des collectivités territoriales, le 4 juin 2024, en réponse à une question du sénateur Pillefer (lequel avait également déposé une proposition de loi en ce sens) l’alertant sur la "situation alarmante" des entreprises productrices, afin de "limiter tout risque de surtransposition".
Le texte doit désormais être examiné en commission paritaire, la procédure accélérée ayant comme de coutume été engagée par le gouvernement.