Le projet de loi d’adaptation au droit de l’UE adopté, mais revu, par l’Assemblée en première lecture
L’Assemblée nationale a adopté le 17 février, en première lecture, le projet de loi "tous azimuts" d’adaptation au droit de l’UE, en supprimant toutefois quelques dispositions emblématiques. Ainsi de celles relatives au marché intérieur de l’électricité, qui visent à répondre à la procédure d’infraction lancée par la Commission européenne contre la France, et que les députés ont rayé d’un trait. Également biffée, sans grandes conséquences pratiques, l’introduction dans la loi d'orientation des mobilités de l’interdiction de la vente de véhicules thermiques à compter de 2035. Ou, avec un réel impact cette fois, celui visant à "corriger les incohérences qui subsistent entre la loi Aper et la loi Énergie-Climat" en matière d’installations d’ombrières sur les parkings.
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© Capture vidéo Assemblée nationale/ Agnès Pannier-Runacher le 17 février
L’Assemblée nationale a adopté ce 17 février, en première lecture, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, présenté en conseil des ministres en novembre dernier (voir notre article du 5 novembre). Non sans supprimer quelques articles emblématiques du texte.
Énergie
• Contre l’avis du gouvernement, les députés, sous l’impulsion du Rassemblement national, ont ainsi supprimé deux articles relatifs au marché intérieur de l’électricité visant notamment à répondre à un avis motivé (voir notre article du 3 octobre) de la Commission européenne enjoignant à la France d’achever la transposition de la directive 2019/1944. "Un amendement de principe", a expliqué son auteur, Matthias Renault (Somme, RN) : "Nous prônons une sortie de ce système au profit d’un retour à celui qui était en vigueur en France avant 2010. Jusqu’à cette date, les prix de l’électricité étaient fixés en France par les ministres de l’Économie et de l’Énergie en fonction des coûts de production – du nucléaire notamment", a-t-il précisé, en réclamant par ailleurs "une grande loi de programmation de l’énergie afin que l’on cesse de vouloir modifier le marché européen de l’électricité ou le système français de fixation des prix au moyen de véhicules législatifs épars". En la matière, relevons que la directive 2019/944 a été depuis elle-même modifiée par la directive 2024/1711 du 13 juin dernier (voir notre article du 21 mai 2024)… qui est ignorée par le présent projet de loi. La rapporteure de la commission des affaires économiques de l’Assemblée, Marie Lebec (Yvelines, EPR) signale que les services ministériels lui ont indiqué que cette dernière ferait l’objet d’un texte de transposition spécifique en 2025.
• L’Assemblée a également modifié le texte afin de rendre applicable la procédure de co-élaboration du développement des énergies renouvelables dans les zones non-interconnectées (Corse et outre-mer hors Polynésie française et Nouvelle-Calédonie) aux projets dépassant les objectifs des programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE) de ces territoires, mais aussi afin d’instaurer une procédure d’avis conforme du président de la collectivité concernée lorsque l’État souhaite dépasser les objectifs de la PPE locale.
• Elle a supprimé l’article qui prévoyait qu’aucune dérogation ne serait requise pour le projet d’installation de production d’énergies renouvelables comportant "des mesures d’évitement et de réduction telles qu’elles permettent de diminuer le risque de destruction ou de perturbation des espèces [protégées] au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé". Une suppression opérée contre l’avis du gouvernement, le ministre de l'Énergie, Marc Ferracci, rappelant que l’article ne faisait que "clarifier le droit applicable" en "codifi[ant] une jurisprudence du Conseil d’État".
• Supprimé également, d’une voix, l’article visant à "corriger des incohérences qui subsistent entre la loi Aper et la loi Énergie-climat" – dixit Danielle Brulebois, co-rapporteure du texte – en matière d’installation d’aménagements hydrauliques, de dispositifs végétalisés ou d’ombrières photovoltaïques sur les parcs de stationnement non couverts.
• Les députés ont également modifié l’obligation d'élaborer, au sein du plan climat-air-énergie territorial (PCAET), un plan d'actions en matière de chaleur et de froid initialement introduite pour les EPCI de plus de 45.000 habitants. Finalement, seraient concernés les EPCI "comprenant au moins une commune de plus de 45.000 habitants" et ce, afin d’épargner "de nombreux EPCI ruraux pour qui ces dispositions ont peu de pertinence et induisent des lourdeurs administratives supplémentaires", a argué Vincent Thiébaut (Horizons, Bas-Rhin), corapporteur du texte.
• Les députés ont par ailleurs exclu des obligations de réduction de consommation d’énergie finale (chaque année, d’au moins 1,9% de leur consommation de 2021) et de rénovation énergétique (chaque année, au moins 3% de la surface) les bâtiments publics appartenant aux collectivités territoriales de moins de 5.000 habitants dont le budget annuel est inférieur à 2 millions d’euros ainsi que les logements locatifs sociaux.
Transports
• Modification la plus visible, mais sans grandes conséquences pratiques, la suppression, contre l’avis du gouvernement, de l’article 35 interdisant la vente de voitures neuves à moteur thermique dès 2035. Favorable à cette suppression, Danielle Brulebois observe que "l’article 35 entend traduire dans notre loi d’orientation des mobilités une partie du règlement CO2 sur les véhicules légers. Or seules les directives européennes doivent être transposées. Les règlements européens s’appliqueront de toute façon aux entreprises". Elle estime qu’"il faut laisser se dérouler les discussions en cours à Bruxelles. Une clause de revoyure est prévue en 2026 sur l’objectif de fin de vente des véhicules thermiques sur laquelle s’est engagée Madame von der Leyen…".
• Les députés portent de 5 à 10 ans, et non plus 15 comme dans le projet de loi initial, la durée maximale du premier contrat de régulation économique (CRE) conclu à la suite de l’attribution d’un contrat de concession pour la construction, l’entretien et l’exploitation d’un aérodrome.
• Sur amendement du gouvernement, le texte supprime l’institution, sous la responsabilité du ministre chargé de la sécurité routière, d’une base de données nationales des vitesses maximales autorisées sur le domaine public routier, objectif qui sera rempli par l’accès en open data au point d’accès national.
Environnement
• Les députés ont rétabli, en le renforçant, l’article visant une simplification de la transposition de la directive Inondation de 2007 relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation, initialement supprimé par la commission du développement durable de l’Assemblée. Il s’agit de rendre les plans de gestion des risques d’inondation (PGRI) "plus lisibles et plus concrets, en facilitant et en adaptant la concertation publique", a justifié le rapporteur Vincent Thiébaut. "Cet article répond à un besoin essentiel, il est attendu par les collectivités territoriales, par les maires et par nos concitoyens confrontés au défi des inondations", a-t-il assuré, en relevant que "les collectivités comme les services administratifs de l’État sont unanimes : cette tâche est très complexe". Une modification adoptée avec l’avis favorable du gouvernement : "Quand vous êtes ministre de l’Écologie et que vous vous rendez compte que vos propres procédures empêchent d’agir pour protéger les Français, c’est un vrai problème", a déclaré Agnès Pannier-Runacher.
Le texte doit désormais être examiné en séance publique par le Sénat le 10 mars prochain (et éventuellement le lendemain).