Le plan du gouvernement pour éviter un dérapage budgétaire impliquera les collectivités

Par des "ajustements" budgétaires réguliers, le gouvernement maintiendra son objectif d'un déficit à 5,4 % du PIB en 2025, ont affirmé les ministres de l'Économie et des Comptes publics ce 19 mars. Dans le contexte de hausse des dépenses consacrées à la défense, ils ont révélé que 8 milliards d'euros de crédits de l'État ont d'ores et déjà été mis en réserve. Par ailleurs, le comité d'alerte des finances publiques se réunira le 10 avril, avec certainement à la clé une pression vigoureuse sur les collectivités pour que celles-ci participent davantage aux efforts de maîtrise des finances publiques.

Augmentation en vue des dépenses consacrées à la défense, croissance économique en berne… la conjoncture économique et le contexte international compliquent la tâche du gouvernement sur le front des finances publiques : le respect d'un objectif de déficit public à 5,4% du PIB en fin d'année exigera "des ajustements" budgétaires "aussi souvent que nécessaires", ont affirmé le 19 mars les ministres de l'Économie et des Comptes publics, Éric Lombard et Amélie de Montchalin. En souhaitant que ces "corrections" soient mises en œuvre sur l'ensemble de la sphère publique, y compris les collectivités.

Auditionnés par la commission des finances du Sénat, le duo de Bercy a annoncé dans ce contexte l'installation le 10 avril du comité d'alerte budgétaire, une structure associant l'ensemble des représentants des administrations publiques (État, sécurité sociale et collectivités territoriales). Cette nouvelle structure a pour objet d'examiner "les risques d’écart aux prévisions des dépenses et recettes publiques" inscrites dans la loi de finances de l'année et "les éventuelles mesures correctives envisagées", précisaient les ministres début mars (voir notre article).

Le "quoi qu'il arrive"

"Nous souhaitons vous présenter les ajustements, les mesures prudentielles, les réactions que nous avons face aux éléments de la réalité de la croissance, de la réalité des recettes", a confirmé la ministre aux Comptes publics, ce 19 mars, en évoquant l'ordre du jour de la réunion. Amélie de Montchalin a qualifié la méthode de "quoi qu'il arrive", en référence au "quoi qu'il en coûte" budgétaire qui avait servi de ligne directrice durant la crise liée au Covid 19 et auquel il faudrait, selon elle, tourner le dos.

Avec son collègue Éric Lombard, elle a mis en avant sa volonté d'instaurer "une nouvelle culture de gestion du risque, de gestion des aléas (…) avec la sécurité sociale et les collectivités". En insistant aussi sur le fait que l'exécution du budget et donc le déficit public sont "une affaire collective". Lors de la première réunion du comité d'alerte, le 10 avril, "nous échangerons avec les élus locaux sur les éléments de prudence des collectivités locales", a déclaré Amélie de Montchalin, en estimant que ses interlocuteurs de la sphère locale "savent très bien gérer ces éléments de prudence".

Contrainte financière

Éric Lombard a de son côté insisté sur "la recherche d'efficacité de la dépense publique" qui doit s'imposer à tous les secteurs, donc y compris aux collectivités. Il a esquissé l'idée d'instaurer une obligation pour chacun de parvenir à une progression des dépenses "inférieure à l'augmentation nominale de la richesse nationale", c'est-à-dire la croissance du PIB en tenant compte de l'inflation. Alors que la croissance nominale du PIB est prévue à 2,5% en 2025, la hausse des dépenses de fonctionnement des collectivités est attendue à environ 2,6%, a illustré sa collègue chargée des comptes publics. Un écart que Bercy voudrait donc voir se résorber.  

"Cette contrainte financière peut même se traduire par une efficacité accrue, parce que parfois c'est l'empilement de couches, de contrôles, ou d'administrations qui empêche l'efficacité de l'action publique", a estimé le ministre de l'Économie.

8 milliards d'euros mis en réserve

Sans attendre la réunion du comité d'alerte, les hôtes de Bercy ont annoncé avoir déjà pris la décision, en réaction aux divers "aléas", de mettre en réserve "un peu plus de 8 milliards d'euros" de crédits de l'État ouverts pour 2025. "Nouveauté, cette réserve est interministérielle, ce qui permet de créer de la solidarité entre les ministères", a indiqué Amélie de Montchalin. Sans toutefois préciser quels sont les ministères les plus concernés. Une réserve a selon elle été aussi constituée "dans le cadre de la sécurité sociale", ce qui serait une autre nouveauté.

Le gouvernement n'invitera-t-il pas les élus locaux à imiter ces exemples ? Et, donc, à mettre en place des réserves budgétaires pour les collectivités ? Des fonds mis de côté qui s'ajouteraient au milliard d'euros épargnés dans le cadre du "Dilico", ce dispositif inscrit dans la loi de finances pour 2025 et qui concerne quelque 2.000 collectivités ? Les échanges qui seront tenus lors de la première réunion du comité d'alerte le révéleront.

Face à des sénateurs qui craignaient que l'État ne réduise la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR, d'un montant de plus d'1 milliard d'euros), la ministre chargée des Comptes publics a affirmé que celle-ci était "sanctuarisée" en 2025. Il n'existe "pas d'agenda caché de réduction de la DETR", a-t-elle insisté.

Conférence de financement

En dépit de sa volonté de garder le cap d'un déficit à 5,4% du PIB en fin d'année par des "ajustements" réguliers, le ministre de l'Économie a écarté l'idée de présenter un projet de loi de finances rectificative au cours de l'année. Cette option exposerait le gouvernement à un âpre débat et au risque d'affronter une motion de censure. Ce qu'il veut éviter.

Il s'attèle en revanche à la préparation du projet de budget pour 2026, en mettant en avant son ouverture au "dialogue" avec les parlementaires, mais aussi les élus locaux. Ce qui se traduira dans les prochaines semaines, côté collectivités, par le lancement d'une "conférence de financement", en partenariat avec François Rebsamen, le ministre de l'Aménagement du territoire. L'idée étant de donner "de la visibilité" aux collectivités sur leurs finances et à l'État "de la prévisibilité sur les dépenses des collectivités", selon Amélie de Montchalin. 

En tout cas, la préparation du prochain projet de loi de finances s'annonce périlleuse, avec les nouvelles contraintes qui se font jour pour les finances publiques. "C'est à partir de 2026 que l'effort de défense coûtera", a indiqué Éric Lombard. Pour parvenir à la quadrature du cercle, sa collègue a insisté sur la nécessité de "réinterroger" la dépense publique par un exercice d'"inventaire".

 

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