Prévention de la délinquance - Le "patron", c'est le maire !
Le projet de loi circule sur internet, mais c'est sans texte que le ministre d'Etat est arrivé à l'Assemblée nationale ce mercredi 10 mai pour être auditionné, à sa demande, par la commission des lois et la commission des affaires culturelles et sociales. C'est plus un plan sur la prévention de la délinquance que l'ébauche d'un texte législatif que Nicolas Sarkozy a présenté mettant l'accent sur la difficulté qu'il y a avait en la matière à obtenir un consensus en "interministérielle". "Nous avons trop longtemps toléré la violence au quotidien et c'est pour cela qu'elle est devenue banale", a expliqué le ministre de l'Intérieur qui a ajouté pour justifier l'ensemble de ses propositions : "Il faut rompre avec cette lente accoutumance qui fait que ce qui est insupportable paraît finalement supportable parce que devenu courant." "Il nous faut changer d'attitude et c'est la raison du projet de loi."
Créer des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance
Nicolas Sarkozy souhaite mettre en oeuvre une nouvelle méthode qui "repose sur quatre changements de mentalités". Il faut, dit-il, "se rapprocher au plus près du terrain ce qui n'est pas la tradition de l'administration." C'est pour cela que "le 'patron' de la politique de prévention de la délinquance, c'est le maire", a martelé le ministre. Il a insisté sur la nécessité d'un travail en réseau. "Le texte prévoit de rendre obligatoire, dans les communes de plus de 10.000 habitants, la création d'un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance" qui réunira "élus, mais aussi magistrats, forces de sécurité, travailleurs sociaux, associations, voire les familles elles-mêmes". Il veut, dans le même temps, coordonner les actions de la protection maternelle et infantile qui dépend du département, de la médecine scolaire qui dépend de l'Etat, des maires qui sont responsables de l'obligation scolaire ou encore des conseils généraux qui sont chargés de l'aide à l'enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse qui ont pour mission le suivi des jeunes déjà délinquants. Il faut, a insisté le ministre, car "c'est parfois vital" que soit partagée l'information. "Nous avons prévu le partage de l'information entre professionnels qui, a précisé Nicolas Sakozy, resteront silencieux vis-à-vis des tiers." ainsi qu'un coordonnateur parmi ces professionnels". Pour résoudre le problème du secret partagé, le ministre de l'Intérieur a retenu la solution de la nomination d'un coordonnateur parmi ces professionnels. La question est de savoir si cette solution aura l'agrément des professionnels concernés à commencer par les travailleurs sociaux et les médecins.
Des stages de responsabilité parentale
L'ensemble du dispositif annoncé peut faire penser à un désengagement de l'Etat, mais sur ce point, sans convaincre l'opposition, le numéro 2 du gouvernement actuel a tenu un langage de fermeté, rassurant par là même les élus de la majorité qui l'écoutaient. Il a rappelé que même si le maire était au coeur du dispositif, l'Etat reste responsable de la prévention de la délinquance et qu'il doit être présent "au plus haut niveau". Autrement dit, les préfets eux-mêmes sont mobilisés.
Le "quatrième changement de méthode qu'apporte le texte, c'est celui d'une responsabilisation des personnes". Dans les communes de plus de 10.000 habitants, le maire présidera un "conseil pour les devoirs et les droits des familles". Ce conseil pourra rappeler aux parents leurs obligations légales et leurs responsabilités à l'égard de leurs enfants. Le maire pourra leur proposer un "stage de responsabilité parentale, indépendamment de toute procédure judiciaire".
Un texte devant le Parlement cet été ou à la rentrée
Le projet de loi en gestation prévoit d'autres mesures. Pour faire face à la montée de la violence des jeunes, l'Education nationale sera mise à contribution, mais là encore les maires se retrouveront en première ligne quand il s'agira de mettre en place avec les caisses d'allocations familiales des dispositifs d'accompagnement à l'utilisation des prestations. Ils devraient enfin se voir attribuer de nouvelles compétences, les mêmes que les préfets, en matière d'hospitalisation d'office (HO) des personnes souffrant de troubles psychiatriques manifestes. Enfin, s'agissant des sorties d'essai des personnes hospitalisées de ce fait, le futur texte de loi pourrait prévoir que les maires doivent être, comme le représentant de l'Etat, informés de l'identité du malade, de la date de retour à l'hôpital et du calendrier des visites médicales obligatoires.
S'il reprend, comme il semble, l'intégralité des points développés par Nicolas Sarkozy devant les membres des commissions des lois et des affaires culturelles et sociale, le projet de loi sur la prévention de la délinquance serait d'abord un choix de société. Il pourrait, en tant que tel, faire l'objet de sévères controverses devant le Parlement. Il reste à savoir à quel moment. A cette question, le ministre de l'Intérieur a répondu : "Nous sommes prêts ; au plus tôt en juin, au plus tard en septembre."
Marc Horwitz