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Le patrimoine paysager, un levier pour revitaliser son territoire ?

L’Agence nationale de la cohésion des territoires a récemment consacré un webinaire au "patrimoine paysager", notion en pleine évolution. Les intervenants ont souligné combien le paysage pouvait être une porte d’entrée à une démarche de revitalisation plus globale, singulièrement en ville, la question ne laissant jamais les habitants indifférents.

On le confesse, en suivant le webinaire consacré au patrimoine paysager récemment organisé par l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), on s’attendait à y voir traitée l’épineuse question des éoliennes, régulièrement accusées de "défigurer le paysage", ce "patrimoine de ceux qui n’en ont pas". D’autant que participait aux échanges le secrétaire général de la Fondation du patrimoine, qui déploie la "mission Bern", lequel n’a de cesse de fustiger ces éoliennes "qui défigurent ces sites remarquables de beauté et ces joyaux architecturaux dont nous sommes collectivement dépositaires". Mais d’éoliennes, il ne fut nullement question. Guère plus de ruralité d’ailleurs – alors que la Fondation du patrimoine y est très présente –, les échanges s’étant concentrés sur le milieu urbain.

Extension du domaine du paysage

Il faut sans doute y voir la preuve du phénomène d’"extension du domaine du paysage" mis en lumière par Jean Guiony, directeur adjoint du programme Action cœur de ville à l’ANCT. "S’il y a encore un tropisme végétal, décoratif, naturel lorsque l’on évoque les paysages, on est en train de prendre conscience de leur diversité. Le paysage est partout", explique-t-il. Et donc en ville, que ce soit dans son cœur ou à sa périphérie, sans oublier "les entrées de villes, un sujet sur lequel la France a été très mauvaise par rapport au reste de l’Europe", déplore-t-il. Cette prise de conscience que "tout est paysage" est facilitée par une autre – le fait que "tous les paysages sont anthropisés", insiste Jean Guiony. Elle est de plus en plus doublée d’une véritable volonté de "ne plus subir ces paysages urbains, désindustrialisés notamment, que l’on essayait encore il y a peu de soustraire à la vue, et que l’on entend désormais se réapproprier", explique-t-il.

Réapproprier, pas renier

Un élément ne change pas : "le lien fort entre identité du territoire et paysage", mis en relief par Carole Ropars, responsable environnement et aménagement à Intercommunalités de France. D’où, avec le temps, l’attachement à des éléments jadis honnis – que l’on songe à la tour Eiffel ! "Il est important de bien identifier dans les espaces urbanisés ce qui peut évoluer et ce qui doit être préservé au regard des habitants", prévient-elle en conséquence. "Le patrimoine bâti, notamment industriel, mais aussi les friches, peuvent devenir support du patrimoine paysager", assure à son tour Jean Guiony, évoquant par exemple les travaux conduits par la ville de Châtellerault autour de son ancienne manufacture d’armes. Nelly Thibaud, directrice Action cœur de ville à Niort, ville qui s’est beaucoup investie en la matière, confirme : "Il ne faut pas faire table rase du paysage. Il ne faut pas renier le patrimoine, mais le remettre en scène."

Porte d’entrée à une démarche globale

Si, d’après une récente enquête du CGEDD, le paysage reste majoritairement pour les élus synonyme de "cadre de vie", et non de "projet de territoire" (voir notre article du 14 avril), les différents intervenants, dont Nelly Thibaud, ont insisté sur le fait que "le paysage pouvait constituer une porte d’entrée à une démarche globale" de revitalisation. D’une part, parce qu’il est "un support de transition pour de nombreux domaines", indique Jean Guiony, évoquant pêle-mêle reconstruction du lien social, promotion de la santé-environnement, développement de l’agriculture urbaine, revalorisation de l’image d’un quartier, etc. Carole Ropars prend ainsi l’exemple de l’agglomération de Blois, "où le paysage est insufflé dans toutes les politiques publiques". D’autre part, parce que les "habitants s’en saisissent volontiers", ajoute-t-elle. "Le paysage fédère la population", vante à son tour Alexandre Giuglaris, secrétaire général de la Fondation du patrimoine. Pour renforcer cette implication, il explique que la fondation préconise toujours à une collectivité de commencer par faire appel aux dons des particuliers lorsqu’elle monte un projet. Pas tant pour l’apport financier que pour favoriser la mobilisation de la population locale et montrer que cette dernière soutient le projet, facilitant ainsi l’arrivée d’autres financeurs. "Le paysage est de plus en plus un levier de projet et d’attractivité", confirme Jean Guiony. Nelly Thibaud appelle néanmoins à bien mettre d’emblée "tout le monde autour de la table" – notamment l’architecte des Bâtiments de France.

Spectre du ZAN

L’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) ne risque-t-il pas de compromettre cette dynamique, interroge un participant. Nullement, rétorquent en cœur les intervenants. "Le ZAN inquiète beaucoup les élus, surtout quand ils ont fondé leur avenir sur des droits à bâtir", concède Jean Guiony. Mais il souligne "qu’en centre-ville, on part avec beaucoup de marges, d’autant que toutes les vacances augmentent en France. Comme les entreprises, il faut que les villes se mettent au recyclage. C’est coûteux, mais il faut le privilégier, d’autant plus compte tenu des aspirations très fortes à davantage de nature en ville, ce qui est par ailleurs une nécessité, pour des raison de santé". Carole Ropars voit dans le ZAN "un levier pour redynamiser les cœurs de bourg", même si elle souligne que "c’est un exercice très politique de savoir où placer le curseur de la densification". Jean Guiony attire toutefois l’attention sur le "défi de la cohérence. Il ne faut pas avoir moins d’ambition dans un quartier que dans un autre, y compris pour les entrées de ville". Autre défi, classique, celui du financement. "Il n’est pas toujours facile de trouver un modèle économique pour ces projets", confesse-t-il. "C’est un investissement rentable", assure pour sa part Alexandre Giuglaris, invoquant les multiples retombées économiques : attractivité touristique, activités induites par les chantiers, etc. Lui insiste surtout sur "la nécessité d’une réflexion sur l’usage en amont d’un projet paysager. C’est une question déterminante". Ce qui peut poser ici la traditionnelle question du déficit d’ingénierie. Pour y remédier en partie, la fondation a créé un site permettant d’apporter de premières réponses. Pour les heureuses lauréates du programme Action cœur de ville, Jean Guiony indique qu’en 2023, le programme comportera deux nouveaux volets, consacrés à la nature en ville et à la sobriété foncière.

 

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