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Le mentorat en croissance accélérée

Le nombre de jeunes accompagnés par des "anciens" a quintuplé en un an, notamment grâce à la mise en place du dispositif "Un jeune/Un mentor". Mais pour les intervenants aux Assises du mentorat, qui se sont tenues le 19 janvier, il est indispensable d’aller plus loin.   

Si le mentorat existe en France depuis des décennies, l’année 2O21 restera comme celle de son explosion : en douze mois, l’Hexagone est passée de 20.000 à près de 100.000 jeunes aidés. Le dispositif "1 jeune/1 mentor" annoncé par le président de la République le 1er mars dernier explique en partie cette forte hausse. Réservé au moins de trente ans et d’une durée minimum de six mois, il s’inscrit dans l’opération "1 jeune/1 solution". Autre facteur favorable : la mise en place du groupement Collectif Mentorat, qui a débuté en septembre 2019 avec 8 associations et en compte aujourd’hui 57. Au regard de ce bilan positif, la deuxième édition des Assises du mentorat, qui se sont tenues ce 19 janvier sous la forme de webconférences, s’est ouverte dans une ambiance quasi-euphorique. Isabelle Giordano animait les débats suivis virtuellement par 1.300 personnes. 

Une aide adaptée aux besoins 

L’ancienne journaliste, aujourd’hui responsable du mécénat de BNP-Paribas, a rappelé en préambule que le mentorat est un élément essentiel dans une société de plus en plus fracturée. Christophe Paris, président du Collectif Mentorat et de l’association AFEV (Association de la Fondation Étudiante pour la Ville), en a donné une définition forgée par la pratique : "C’est un bénévole qui va accompagner un enfant ou un jeune dans son parcours. C’est un lien individuel mais aussi horizontal : on est à côté. Il est aussi transversal. L’aide va être adaptée en fonction des besoins : réviser une matière, décrocher un stage ou simplement aller avec lui au musée." Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’Emploi et à l’Engagement des entreprises, a rappelé la réussite du projet "1 jeune/1 mentor" : "87% de ceux passés par le dispositif disent avoir été aidés, soutenus, qu’ils s’en sont mieux sortis à l’école et ont été guidés dans leurs orientations. Et sur l’insertion professionnelle, beaucoup de personnes ont retrouvé un emploi." Christophe Paris s’est aussi félicité de l’extraordinaire développement du mentorat : "Il n’est pas que quantitatif mais aussi qualitatif avec la mise en place d’un écosystème composé d’associations, d'entreprises, de fondations." 

1 jeune/1 mentor" :  un exemple pour le reste de l’Europe ?

Au moment où la France prend la présidence du Conseil de l'Union européenne, les Assises ont aussi permis de rappeler que le mentorat a reçu le label UE. Ilana Cicurel, eurodéputée et rapporteuse sur l’Espace européen de l’éducation, a estimé que la réussite française sur le mentorat était regardée de près par nos voisins : "Le dispositif 1 jeune/1 mentor peut avoir valeur d’exemple pour le reste de l’Europe. L’Espagne l’a lancé aussi. Il faut inscrire le mentorat dans les textes européens. Dans un rapport d’initiative présenté le 11 novembre, il a été inscrit comme une pratique d’excellence à développer." Nicolas Schmit, le commissaire européen à l’Emploi, aux Affaires sociales et à l’Insertion, a rappelé que le "mentorat permet d’accompagner dans leur parcours professionnel les jeunes qu’on appelle les Neets (jeunes ni en emploi, ni en études ni en formation). Je suis favorable à l’apprentissage, mais celui-ci sans mentorat, sans l’appui aux jeunes, ne donne pas de résultats importants." 
Les assises ont été aussi l’occasion d’annoncer pour le collectif la demande d’un droit au mentorat. "L’ensemble des associations lance une grande campagne en ce sens qui va nous amener jusqu’à l’élection présidentielle, puis législative. La prochaine étape, c’est d’aller jusqu’à 500.000 jeunes mentorés.  On estime qu’il y a 1 million qui en ont besoin", a indiqué Christophe Paris. 

Manque de notoriété

Cette journée d’assises a également pointé les freins au mentorat, qui restent nombreux. Et notamment le manque de notoriété auprès de ceux qui en ont le plus besoin. "Il ne suffit pas de les informer, il faut aussi qu’ils se disent que c’est pour eux. Il faut mener des actions dans les quartiers, dans la ruralité", estime Thibaut Guilluy. Le dispositif des "Cordées de la réussite", qui se traduit par la mise en relation entre un élève de collège ou de lycée et un étudiant, peut aussi jouer un rôle selon Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’Education : "Il réunit 200.000 jeunes dans un tiers des établissements en France. Les Cordées et le mentorat ne font pas doublon. Le premier nous permet aussi d’identifier le vivier de demandeurs pour le deuxième." Ivane Squelbut, directrice en charge de la direction des partenariats et de la territorialisation chez Pôle emploi, a également rappelé le rôle que peut jouer ce dernier pour améliorer la notoriété du mentorat : "Nous sommes notamment partenaires d’une association comme NQT, qui aujourd’hui accompagne 60.000 jeunes avec nous. On travaille avec le collectif du mentorat. Mais ce qui a changé, c’est que le dispositif 1 jeune/1 mentor et le Collectif du Mentorat ont structuré le secteur et lui ont donné plus de visibilité auprès des jeunes." 
Autre frein : la réticence que peut ressentir le corps professoral vis-à-vis du mentorat. Pour Édouard Geffray, il s’agit d’un faux problème : "Le premier à pouvoir aider le jeune, c’est le prof. Mais plus il rencontre de gens différents, plus il a de chance de dépasser ses difficultés. Le mentor a un effet démultiplicateur. Il n’y a pas une opposition mais une vraie complémentarité." 
La question de la place des collectivités locales dans la généralisation du mentorat a enfin été abordée avec François-Antoine Mariani, directeur général délégué de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) : "La politique de la ville a vocation à se concentrer sur des publics en grande difficulté et nos deux leviers d’action sont l’emploi et l’éducation. Nous avons depuis longtemps identifié que l’accompagnement par des plus anciens donnait de bons résultats. Les associations comme Télémaque, NQT ou Article 1 sont donc des acteurs avec qui nous collaborons très régulièrement. Quand ces associations ont dit qu’elles allaient travailler ensemble, nous sommes rentrés dans l’aventure."