Elevage - Le marché de l'équarrissage devant la justice
La privatisation du marché de l'équarrissage (l'enlèvement et la transformation des animaux morts dans les élevages) ne se fait pas sans accroc. Autrefois gérée en service public, cette activité est confiée au privé depuis 2009 sur la base d'un appel d'offres national avec lots départementaux. Mais le renouvellement des contrats de collectes de cadavres d'animaux, décidé en décembre dernier pour une durée de deux ans (renouvelable deux fois), est contesté devant les tribunaux par l'un des quatre prestataires, Sifdda, la division équarrissage du groupe Saria Industries, qui n'est autre que le leader du marché. Selon elle, les conditions de passation de l'appel d'offres sont "inacceptables".
Il faut dire que le marché, répartissant les zones de collectes entre opérateurs, a connu des rebondissements. Il devait à l'origine faire l'objet d'une procédure de marché public. Mais deux événements sont venus changer la donne aux yeux des associations ATM (Animaux trouvés morts en ferme) chargées de conduire cette nouvelle négociation commerciale. Un arrêt de la Cour de justice européenne de mai 2013 a décidé qu'une CVO (contribution volontaire obligatoire) ne constituait pas une aide d'Etat. Or, dans la foulée, la taxe d'abattage sur les ruminants a été remplacée par une CVO début octobre. Le groupement de commandes des ATM a alors décidé de basculer vers une procédure privée, faisant au passage pression à la baisse sur les prix. Au terme de ce parcours, Saria, qui détenait jusque-là 56% du marché en étant présent dans 47 départements, a perdu 9 départements et ne compte plus que pour 48,6% du marché. Son principal concurrent Atemax est toujours présent sur 52 départements mais a vu sa part passer de 38 à 44,8% du marché. Le reste du territoire est partagé entre Monnard et Sopa qui couvrent respectivement 5 et 4 départements pour environ 7,5% du marché.
Une situation contestée dans sept départements
Se sentant lésée, la société Saria a donc engagé des procédures judiciaires auprès du TGI de Paris. Selon elle, l'attribution est contestable dans 7 des 9 départements perdus : l'Ardèche, la Côte d'Or, la Dordogne, la Haute-Loire, la Mayenne, la Haute-Saône et la Sarthe (les deux autres étant la Manche et la Saône-et-Loire).
Saria met en avant deux risques : l'un social, avec de nombreuses suppressions d'emploi, l'autre sanitaire et environnemental avec un éloignement entre les centres de transfert et les éleveurs. "Cela remet en cause toute notre organisation, nous avions parfaitement harmonisé nos distances à parcourir", fait-on valoir chez Saria. "Nous craignons la suppression de 100 à 120 emplois, principalement en Dordogne où nous avons trois centres de transfert et dans le Morbihan où nous avons des craintes pour notre usine de traitement de Guer", poursuit la société.
Les ATM se montrent sereines : "Saria n'accepte pas de perdre son monopole, lorsqu'on refuse de baisser les prix, il ne faut pas s'étonner de perdre des départements", s'est insurgé Jean-Pierre Fleury, le président d'ATM Ruminants, mercredi 8 janvier, devant la presse.
Une première audience du TGI de Paris aura lieu lundi 13 janvier. Le délibéré n'est pas attendu avant la mi-février. En attendant la décision du juge, les couacs se multiplient sur le terrain. Alors que le changement d'opérateur est officiellement intervenu au 1er janvier 2014, la société Saria a décidé de poursuivre ses prestations de collectes dans les 9 départements dont elle avait la charge. Ce qui donne lieu à des flottements : vendredi dernier, dans la Manche, 490 bovins n'ont pas été collectés…