Développement local - Le lien social, moteur de la performance économique
L'Ile-de-France, première région économique de France, ne se classe que 20e sur le plan du lien social... C'est l'exception qui confirme la règle. Car partout ailleurs, performance économique et cohésion sociale semblent intrinsèquement liées. C'est ce que montre le rapport sur l'état social de la France 2010 de l'Odis (Observatoire du dialogue et de l'intelligence sociale), publié le 20 décembre. "Il n’y a pas de performance durable sans qualité du vivre-ensemble" et, soulignent les auteurs, "il n’y a pas non plus de cohésion sociale durable au sein d’un groupe social qui ne remporte pas quelques succès collectifs". La clé du succès réside dans la capacité à générer les deux simultanément. La méthode utilisée a permis de croiser quinze indicateurs mesurant la performance économique (chômage, PIB, nombre de brevets déposés, dépenses en R&D, etc.) et quinze autres mesurant le lien social (taux de délinquance, nombre de suicides, de divorces, emploi des femmes, etc.). Résultat : 12e au plan économique et 8e pour la cohésion sociale, la France se situe dans une situation d'"équilibre performant", c'est-à-dire dans la moyenne, aux côtés du Royaume-Uni et de l'Allemagne. Ces grands pays européens se trouvent aujourd'hui dans une situation d'"inertie", souligne le rapport, loin derrière les pays nordiques. De quoi, une nouvelle fois, donner du grain à moudre aux admirateurs du "modèle suédois". Mais ce sont les Pays-Bas qui l'emportent toutes catégories confondues. "Ils possèdent le plus faible taux de chômage de l’Europe, ainsi que de bonnes performances en matière d’éducation", constatent les auteurs.
Démocratie sociale et locale développée
En revanche, la Grèce est le pays d'Europe qui cumule à la fois les moins bons résultats économiques et sociaux... "Elle régresse dans tous les indicateurs, sauf en productivité de la main-d’oeuvre."
L'explication de ces résultats tient à la fameuse "gouvernance" : "Les pays les mieux placés se caractérisent par des systèmes de gouvernance reposant sur une démocratie sociale et locale développée." Et les auteurs de mettre en avant l'exemple de l'Autriche, dont "le système fédéral autorise les gouvernements territoriaux à avoir leurs propres systèmes de régulation", ou encore celui des pays nordiques dont le mode de gouvernance est très souvent "délégué au niveau régional". Ce qui, selon le rapport, "favorise une urbanisation mieux équilibrée sur le territoire et une adhésion des résidents plus concrète".
Ces tendances se confirment-elles au niveau des régions françaises ? En effet, à l'exception de l'Ile-de-France, on retrouve la corrélation performance et cohésion sociale. Celle-ci est particulièrement nette dans l'arc atlantique (Pays-de-la-Loire, Bretagne, Centre, Poitou-Charentes, Aquitaine et Midi-Pyrénées) et sur l’extrême est (Alsace, Franche-Comté et Rhône-Alpes). Dans ces régions, "le savoir-être et le savoir-faire sont donc étroitement liés".
A l'autre bout de la chaîne
Et ce sont les Pays-de-la-Loire (sorte de Pays-Bas à la française) qui décrochent la timbale. Le rapport met en avant le maillage territorial très dense de la région, avec de nombreux pôles (Nantes, Angers, Le Mans, Laval, Cholet, Saint-Nazaire, La Roche-sur-Yon) qui jouent la complémentarité. Il y souligne également le rôle joué par les mutuelles, créées ici il y a plus de un siècle et qui ont instauré une sorte de culture de la solidarité. Ce n'est donc sans doute pas un hasard si la région est aujourd'hui en pointe en matière d'économie sociale et solidaire.
A l'autre bout de la chaîne, on trouve les régions insulaires (Martinique, Guadeloupe, Corse), et les trois régions qui ont connu des chocs industriels importants (Picardie, Nord-Pas-de-Calais, Lorraine), auxquelles s’ajoutent la Basse-Normandie et... le Languedoc-Roussillon, terre de contraste qui cumule attractivité, regain démographique mais aussi fortes inégalités territoriales, taux de chômage et de pauvreté élevés.
Le cas de l'Ile-de-France, en revanche, semble poser un "problème". Sa surperformance économique combinée à un lien social distendu s'explique, selon les rapporteurs, par "des raisons historiques de concentration à Paris de toutes les formes de pouvoirs (économique, politique, culturel, etc.)". Chronique d'un déclin annoncé ? Pas forcément. "Pour éviter cela, la gouvernance doit permettre d’anticiper l’avenir, en associant tous les acteurs, quel que soit leur statut, à la recherche de l’intérêt du collectif", estime le rapport. Et c'est tout l'enjeu du Grand Paris...
En somme, conclut l'Odis, les territoires qui vont de l'avant "sont ceux où l’information circule facilement, où le débat public est plus dynamique et plus accessible qu’ailleurs et se déroule en toute transparence sur les sujets stratégiques, et où chacun s’implique (plus qu’ailleurs) dans la construction de l’avenir du collectif".
Référence : "L'Etat social de la France 2010" sera disponible sur le site de la Documentation française à partir du 22 décembre 2010.